AFP - 7.05.2014
Le 7 mai 1954, après 56 jours de combats acharnés qui firent près de 13.000 morts ou disparus dans les deux camps, Diên Biên Phù tombe sous les assauts du Viêt-minh.
"Un calme de mort règne sur l'immense champ de bataille transformé en cimetière", écrit trois jours plus tard l'envoyé spécial de l'AFP Bernard Ullmann, qui a survolé la cuvette à bord d'un avion de la Croix Rouge.
Voici le récit de la chute de Diên Biên Phù à travers des dépêches de l'AFP transmises à partir des bureaux de l'Agence à Hanoï, Saïgon et de Paris.
Nouvelle attaque Viêt-minh à Diên Biên Phù
HANOÏ, 07 mai 1954 (AFP) - Le Viêt-minh a lancé la nuit dernière de violentes attaques sur les faces nord-est, est et sud-ouest du camp retranché.
Il s'agit des points d'appui que l'ennemi avait tenté vainement de submerger par vagues successives dans la nuit de samedi à dimanche.
Au haut commandement, on déclare qu'on ne sait pas encore s'il s'agit d'une attaque générale. Cependant, le Viêt-minh paraît avoir mis en action de gros moyens sans doute deux divisions.
Les points d'appui attaqués se trouvent de part et d'autre du PC du général de Castries et les tranchées de départ de l'adversaire sont au pied même des barbelés.
Le temps étant mauvais, l'aviation n'a pas pu intervenir. De toute manière, il est impossible pour les chasseurs de mitrailler les Viets, car les combats se déroulent sur les positions franco-vietnamiennes et les tranchées des adversaires s'imbriquent.
Les combats à Diên Biên Phù
HANOÏ, 07 mai 1954 (AFP) - (Dépêche expédiée de Hanoï à 12H50 heure locale). Les combats sans doute les plus violents de la bataille de Diên Biên Phù sont maintenant en cours.
Il ne reste guère plus que 800 mètres entre les deux pinces de la tenaille viêt-minh qui se rapproche, de l'ouest et de l'est, vers le PC du général de Castries.
Dans un terrain complètement bouleversé à la suite d'une intense préparation d'artillerie dans la soirée de jeudi, les rebelles, bataillons après bataillon, sont sortis des tranchées à quelques dizaines de mètres des positions françaises, pour se jeter sur les avant-postes occupés chacun par environ une compagnie.
Après avoir fait sauter les derniers remparts de barbelés, les hommes du vietminh se taillèrent, au couteau et à la grenade, un chemin vers le petit abri servant de PC aux avant-postes visés.
Toute l'après-midi de jeudi, d'importants mouvements de troupes sur le flanc est du camp retranché avaient été observés. Profitant du beau temps, le général de Castries avait fait demander à l'aviation d'attaquer les positions arrières du vietminh, à l'est et au nord-est de son dispositif.
Vers 17 heures, les trois points d'appui, nord, est et ouest, commençaient à subir un tir de barrage. Les artilleurs viêt-minh, tirant aux canons de 105 et de 120, aux mortiers de 81 et aux canons sans recul de 75, "arrosèrent" la position.
Dans les abris, les hommes du général de Castries, attendaient l'assaut. Vers 20 heures, les franco-vietnamiens, qui tenaient l'avant poste sud-ouest, étaient eux aussi, pris à partie. L'assaut se produisit avec une parfaite simultanéité à l'est et au sud-est.
A 22 heures, dans l'obscurité complète, les Viets se lancèrent contre quatre points d'appui.
Selon un processus invariablement suivi par le général Giap, lors de chaque attaque depuis le 13 mars dernier, de véritables vagues humaines furent jetées dans la bataille à dix contre un, sans souci des pertes.
La pression la plus forte fut exercée sur le point sud-ouest, qui fut submergé vers 2 heures. Entre temps, les combats continuaient sur les positions sud-est, à demi occupées, et nord-est, tandis qu'un troisième point d'appui, au nord-est, était dégagé par une contre attaque du général de Castries.
La petite garnison du camp retranché, très éprouvée, put être renforcée.
Les nouvelles avances des Viets les placent maintenant à portée de grenade de la plupart des douze points d'appui environ restant aux mains des Français. Les Viêt-minhs, qui ont presque pénétré à l'intérieur du "dernier carré", travaillent actuellement à creuser des tranchées.
Le ravitaillement par parachutage devient une entreprise extrêmement aléatoire. Il devait déjà être effectué sur les positions françaises même dans les barbelés, mais la récupération des munitions parachutées sous le feu des armes automatiques est coûteuse pour les défenseurs épuisés par les derniers combats. Le périmètre même du réduit a une surface d'environ 2 kms et demi carrés.
Chacun à Hanoï pense que le général de Castries se battra jusqu'à la fin.
La dernière conversation du général de Castries au général Cogny
PARIS, 08 mai 1954 (AFP) - De source officielle, on communique le texte de la dernière conversation échangée par téléphone entre le général de Castries et le général Cogny (NDLR: commandant en chef au Tonkin), le 7 mai, à 17 heures, heure locale.
- De Castries : "La situation est extrêmement grave. Les combats sont confus et se livrent partout. Je sens que la fin approche, mais nous nous battrons jusqu'au bout".
- Cogny : "Bien compris. Vous vous battrez jusqu'à la fin. Pas question de hisser le drapeau blanc sur Diên Biên Phù après votre héroïque résistance".
- De Castries : "Bien compris. Nous détruirons les canons et tout le matériel radio. Le poste radio des courants porteurs sera détruit à 17 heures 30 nous nous battrons jusqu'au bout. Au revoir mon général. Vive la France".
La censure militaire et la chute du réduit central à Diên Biên Phù
HANOI, 8 mai 1954 (AFP) (08H54 heure locale) - Plus de douze heures après l'annonce officielle par le président du conseil à la tribune de l'Assemblée Nationale de la chute du réduit central de Diên Biên Phù, les autorités militaires en Indochine n'avaient toujours pas permis la diffusion de la nouvelle.
Une pile de centaines de câbles attendaient dans les bureaux de la censure l'heure d'être "lâchés": 9 heures du matin, heure à laquelle les correspondants de presse déjà informés depuis 19 heures, la veille, doivent "apprendre" et annoncer l'événement.
Pour les autorités militaires, Diên Biên Phù a "tenu" jusqu'à aujourd'hui, samedi, 9 heures du matin (heure locale). La lenteur des transmissions télégraphiques vietnamiennes devait ajouter de nouveaux délais à ceux déjà imposés par la censure militaire.
Après sa dernière communication le général de Castries a détruit son poste émetteur
SAIGON, 08 mai 1954 (AFP) - (09H25 heure locale) - C'est hier après-midi à 16h45, heure locale, que le général de Castries radio-téléphonait à Hanoï:
"Le réduit central du camp retranché va être submergé, la résistance est devenue impossible".
Après l'envoi de ce message, le général de Castries a détruit son poste émetteur. Depuis lors, aucune nouvelle n'est parvenue du PC de Diên Biên Phù ni d'aucun poste de radio du réduit central.
AFP 1840 MAI 54
(https://fr.news.yahoo.com/chute-di%C3%AAn-bi%C3%AAn-ph%C3%B9-%C3%A0-travers-d%C3%A9p%C3%AAches-lafp-054433918.html)