Le Point.fr - 16/04/2012
par Anne Jeanblanc
Même si les retombées pratiques ne sont pas pour demain, ces découvertes aident à mieux comprendre la maladie d'Alzheimer.
Cela fait longtemps que les spécialistes avaient remarqué que le volume de l'hippocampe diminuait chez les personnes vieillissantes - ce qui expliquait leurs troubles de la mémoire - et que l'accélération de ce phénomène était une des manifestations de la maladie d'Alzheimer. Désormais, les chercheurs peuvent expliquer le mécanisme entrant en jeu. Des mutations génétiques associées à la réduction du volume de l'hippocampe viennent d'être mises en évidence grâce à une collaboration internationale impliquant des équipes françaises. Ces résultats ont été obtenus après l'analyse du patrimoine génétique et des IRM (imagerie par résonance magnétique) cérébrales de plus de 9 000 personnes âgées de 56 à 84 ans. Ce travail a été publié hier dans la revue Nature Genetics.
Pour identifier les variabilités génétiques associées à la réduction du volume de l'hippocampe, l'étude internationale pilotée en France par Christophe Tzourio (Inserm U708/CNRS/CEA à Bordeaux pour l'imagerie) et Philippe Amoyel (UMR 744 Inserm à Lille pour la génétique) s'est appuyée sur les participants à huit grandes cohortes européennes et nord-américaines. Les chercheurs ont tout d'abord repéré 46 différences dans la séquence de l'ADN des participants, a priori associées à une réduction du volume de l'hippocampe. "Dix-huit mutations situées sur des régions différentes du chromosome 12 sont de manière significative associées à une réduction du volume de l'hippocampe. Les associations restantes ont inclus une mutation sur le chromosome 2. Enfin, une dernière mutation sur le chromosome 9 a été, quant à elle, associée à une réduction de l'hippocampe dans un troisième échantillon plus jeune", notent les chercheurs. Ces résultats signifient que des facteurs "encore non identifiés" déclenchent des mutations dans des endroits bien précis du génome qui entraînent la réduction du volume de l'hippocampe.
Tournant majeur
Une fois les mutations mises en évidence, les scientifiques ont voulu savoir ce qu'elles modifiaient. Ils ont découvert qu'elles changeaient la structure de gènes importants aux fonctions multiples impliqués entre autres dans la mort cellulaire, le développement embryonnaire, le diabète ou encore la migration neuronale. "Cette étude marque un tournant majeur, car elle confirme que des facteurs génétiques sont associés à une structure cérébrale, l'hippocampe, impliquée dans les démences et d'une façon beaucoup plus générale dans le vieillissement cérébral", explique Christophe Tzourio. Cette nouvelle approche, dans laquelle on étudie non pas une maladie mais une région cérébrale cible, va permettre de décrypter de manière plus précise les mécanismes de la maladie d'Alzheimer.
Les prochaines étapes viseront à mieux comprendre comment ces mutations génétiques s'inscrivent dans le schéma général de la maladie d'Alzheimer. Même s'il ne faut pas espérer de retombées cliniques immédiates, ces découvertes sont un pas vers une meilleure compréhension de cette maladie et du vieillissement cérébral en général. "Elles confirment l'importance de réaliser des examens sophistiqués, comme l'IRM cérébrale et l'étude du génome au sein des études de cohorte. Cela ne peut se faire que dans une forte collaboration entre ces disciplines", conclut Christophe Tzourio, dont les résultats sont confirmés dans un second article publié dans le même numéro de la revue Nature Genetics.
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