Les effets dévastateurs des "subprimes"

Georges W. Bush vient de réagir, quoique mollement, au problème lancinant des subprimes qui empoisonne le milieu bancaire.

Il aurait déjà trouvé une première réponse à la question épineuse des intérêts dus sur les crédits obtenus par les emprunteurs. Un plan négocié avec les banques permet désormais de les geler durant une période de cinq ans sous certains conditions : saisie non encore engagée, absence de retard dans les recouvrements des échéances. 200 000 foyers pourront être ainsi soulagés.

Hilary Clinton, la future candidate démocrate à la Maison Blanche, estime ce plan insuffisant et veut y adjoindre un moratoire de 3 mois sur les saisies. Nombre de républicains au Congrès trouvent, de leur côté, qu’il y a là une espèce de récompense fâcheuse aux mauvais payeurs qui se seraient engagés bien au-delà de leurs possibilités de remboursement.

Au fond, cette bouffée d’oxygène reste négligeable puisque deux millions de foyers sont concernés par de prochaines saisies. De plus, la crise, loin de s’estomper, devra, selon les études rendues publiques, se poursuivre jusqu’à 2010.

D’ores et déjà les effets néfastes de la crise se ressentent à travers la baisse des prix de l’immobilier, l’impact douloureux sur les résultats bancaires. Ils font même redouter une récession aux Etats-Unis avec de négatives incidences inévitables sur l’économie mondiale.

L'une des plus grandes banques américaines, Citigroup, vient d'annoncer des pertes de près de 10 milliards de dollars au 4e trimestre dernier, un chiffre apparemment deux fois plus important qu'attendu, indique le correspondant de RFI à Washington.

Du coup, le titre de cette banque a chuté notablement à la bourse en entraînant derrière lui la Bourse de New York et par ricochet celles d'Europe.

Il semble que si l'incidence des subprimes sur ces résultats négatifs est considérable, la part prise aux Etats-Unis par la récession, due à un recul notable de la consommation, reste loin d'être négligeable.

Certes, les caisses de Citigroup ont été renflouées récemment de quelques 14 milliards de dollars provenant d'apports nouveaux en capital notamment d'Abu Dahbi et de Singapour, mais cela reste une simple parade provisoire, le groupe bancaire restant toujours débiteur à due concurrence de cet argent frais qu'il n'a pas gagné.

Aussi, s'attend-on, comme rançon de ces pertes, à de vastes réductions d'effectifs se comptant en dizaines de milliers de postes à supprimer à travers l'ensemble des agences de Citigroup.

Merril Lynch, l'autre grande banque américaine frappée sévèrement par les retombées des subprimes vient d'annoncer, à son tour, des pertes de 9,8 milliards de dollars au quatrième trimestre 2007. Elle enregistre, en sus, une dépréciation d'actifs de l'ordre de 14,5 milliards sur le même trimestre.

Ces pertes sont plus de quatre fois supérieures à celles enregistrées au trimestre précédent, soit 2,3 milliards.

Merril Lynch, depuis le début de la crise, a dû faire de nombreux appels de fonds pour essayer de redresser sa trésorerie.

Comme sa grande concurrente Citigroup, première banque américaine, Merril Lynch devra sans doute se défaire d'une certaine partie de ses effectifs pour surmonter les graves problèmes résultant de ces pertes considérables.

Les marchés financiers ont été pris de panique, aujourd'hui, à travers l'ensemble des bourses mondiales. On a même parlé d'affolement, à cause de la chute substantielle du CAC : il a perdu 7 % presque partout.

A l'origine, l'économie américaine souffrante, frappée de plein fouet par par les effets fâcheux des subprimes, qui se répercutent quasiment sur toutes les banques de la planète, suscite de sérieuses inquiétudes. En dépit des mesures de relance annoncées tout récemment par Washington à l'effet de booster l'économie américaine et ramener, ce faisant, la confiance dans les milieux financiers, les perspectives de redressement s'effilochent pour laisser place à de bien sombres prévisions.

Les banques, en perdant énormément d'argent dans l'affaire de l'immobilier, sont les premières touchées par ce que l'on appelle désormais la récession aux Etats-Unis, autrement dit dans la première économie mondiale qui draine l'ensemble des autres derrière elle. Pour preuve, d'ailleurs, les premiers signes d'alerte commencent à apparaître au niveau des principales banques européennes qui annoncent à leur tour des pertes considérables au quatrième trimestre dernier. Tel est le cas notamment de l'UBS, de Commerzbank, de WestLB, de la Société générale, etc.

Le plus préoccupant est encore que l'année 2008 ne devrait rien apporter de positif qui puisse atténuer la situation alarmante actuelle, au sort de laquelle se trouve étroitement lié le problème de la croissance des principaux pays industriels. C'est pourquoi l'on révise d'ores et déjà à la baisse toutes les prévisions les moins optimistes déjà arrêtées. Or, s'il y a blocage de la croissance, il y a fatalement du chômage qui s'annonce à l'horizon. N'est-ce pas que les principales banques frappées par les subprimes indiquent déjà de larges suppressions de postes de travail, pour tenter un tant soit peu d'amortir les effets de leurs pertes considérables ? Assurément, c'est bien toute l'économie mondiale qui en souffrira, pour le malheur de dizaines de millions de nouveaux chômeurs qui viendront s'ajouter aux listes déjà longues qui sont ouvertes dans tous les pays du monde.

215 milliards de dollars, soit 140 milliards d'euros, c'est désormais l'addition faramineuse que le secteur financier mondial aurait jusqu'ici payée dans cette affaire des subprimes, indique le journal économique La Tribune.

55 % de ces pertes auraient été subies par les seules banques américaines, précise Takafumi Sato, président de l'Autorité de régulation japonaise, poursuit le journal qui ajoute : "Merril Lynch et Citigroup sont les plus grosses victimes", avec respectivement 24,5 et 22,4 milliards de dollars, tandis que "le courtier UBS (l'Union des banques suisses) pourait bientôt leur souffler la première place aisément : sa facture totale avoisinerait 60 milliards de dollars".

En Europe, pas moins de 78,5 milliards de dollars sont la part supportée par les banques concernées. L'anglaise HSBC, l'allemande IKB, les françaises Crédit agricole et Société générale en sont les plus atteintes. Les banques asiatiques et canadiennes, de leur côté, auraient globalement enregistré quelques 13,7 milliards de dollars de pertes sur le même tableau.

Rien n'indique enfin que la saignée s'arrête à ces chiffres appelés sans nul doute à être revus à la hausse, préviennent, par ailleurs, les experts.

Selon le magazine Trader Monthly, repris par le journal économique La Tribune, les cent premiers courtiers, en termes de revenus, ont mis la main, en 2007, sur quelques 30 milliards de dollars de profits, soit un quart de hausse par rapport à 2006, dans cette crise des subprimes.

A lui seul, John Paulson, du fonds d'investissements éponyme, a récolté le dixième de cette somme.

Un autre Phil Falcone, du fonds Harbinger Capital Partners, a empoché 1,75 milliard de dollars, à égalité avec Jim Simons de Renaissance Technologies.

Un quatrième et un cinquième, enfin, patrons respectivement de Sac Capital Advisors et Ken Griffin de Citadel Investment, ont touché 1,25 milliard chacun.

Pendant que d'autres, et notamment des banques de premier ordre, se ruinaient à tenter de sauver les meubles, ces courtiers ont capitalisé des sommes fabuleuses, au grand dam, surtout, des malheureux emprunteurs des couches modestes qui ont tout perdu, eux, depuis leur maison jusqu'à leurs dernières économies de décennies de labeur.

Le Fonds monétaire international, dans son rapport semestriel, chiffre à 565 milliards de dollars le montant des pertes totales dues à la crise des subprimes, mais l'estime à 945 milliards, si l'on y ajoute l'incidence sur les prêts connexes.

La crise a même atteint, par-delà le marché américain des subprimes, les principaux marchés de l'immobilier, d'entreprise, ainsi que le crédit à la consommation et le crédit aux entreprises, a-t-il expliqué.

Le principal grief retenu à ce propos par les pays émergents contre le FMI, dominé par les pays riches, est celui justement "de n'avoir pas su anticiper la crise, parce née aux Etats-Unis et d'en traiter les effets avec complaisance", observe l'AFP, dans sa dépêche.

"Le Fonds n'a pas eu grand chose à dire de constructif sur cette crise et a été très prudent dans ses recommandations et justifie cette prudence en arguant du caractère inédit des problèmes", avait notamment jugé le ministre des Finances brésilien, Guido Mantega, ajoute l'AFP.

Depuis la nomination à sa tête de Dominique Strauss Kahn, le FMI semble toutefois reprendre progressivement son rôle de "gendarme", en dénonçant justement les "prises de risque excessives" ainsi que "le manque de rigueur au sein d'institutions faiblement capitalisées".

L'issue, selon le FMI, doit enfin être recherchée dans la nécessaire "injection de capitaux" de la part des pays pétroliers détenteurs d'abondantes liquidités.

A son tour, la banque Lehman Brothers accuse de grosses pertes durant les trois derniers mois - mars à mai -, ce qui la pousse à lever des fonds en urgence.

Sa perte est estimée à 2,774 milliards de dollars, et elle fait appel à 6 milliards de capitaux frais pour combler ses besoins immédiats. Or, en avril dernier, elle avait déjà levé 4 milliards et Wall Street Journal a par ailleurs annoncé que la banque s'attendait à de lourdes pertes au deuxième trimestre, d'un montant de 3,6 milliards de dollars au moins.

Le cours de ses actions ayant de plus fondu de moitié depuis février dernier, Brothers s'apprête donc à être rudement secouée d'autant que la dévalorisation de ses actifs depuis 2007 voisine désormais la coquette somme des 17 milliards.

L’affaire des subprimes n’a pas fini de suprendre, avec ses retombées à répétition, et surtout les craintes qu’elle fait peser désormais sur l’ensemble du système financier de premier plan.

L’UBS, cette célèbre banque suisse longtemps considérée comme une espèce de leader incontesté, en est particulièrement affectée et le paie par une dépréciation continue de sa capitalisation boursière. Avec 37 milliards de dollars engloutis, de plus, dans les provisions souscrites comme conséquence des subprimes, cette banque occupe le premier rang parmi ses consoeurs européennes atteintes par cette crise. Et encore, rien n’assure que le bout du tunnel n’est pas loin. C’est pourquoi les autorités suisses chargées de la régulation peuvent exiger d’elle qu’elle augmente ses fonds propres à hauteur de quelques 70 milliards de francs suisses pour faire face aux besoins induits.