TF1 - 01.04.2012
par Fabrice Aubert
Déjà admirée par beaucoup de Birmans, et victorieuse au sein de l'opinion publique face à la junte qu'elle a défiée durant des années, Aung San Suu Kyi a remporté dimanche un siège de députée pour la première fois de sa carrière politique. Son parti serait en tête dans 44 circonscriptions sur 45.Après des années à dissimuler leur soutien pour une femme qui s'est muée en icône de la résistance à la junte, les partisans d'Aung San Suu Kyi avaient laissé depuis quelques semaines éclater leur joie, convaincus de sa prochaine victoire. La chanson
Notre mère est de retour était ainsi devenue un tube de campagne. Et ce dimanche, bien avant les résultats officiels des élections partielles birmanes, l'annonce tant attendue a été faite par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) : le parti de l'opposante historique au pouvoir militaire a annoncé la victoire haut la main de la "
Dame de Rangoun".
"
Aung San Suu Kyi a remporté 82% des voix" dans la circonscription rurale de Kahwmu, a déclaré un cadre de la Ligue, tandis que des centaines de partisans de l'opposante hurlaient leur joie et chantaient devant le siège du parti, à Rangoun. Selon le responsable, la lauréate du prix Nobel de la paix aurait remporté la victoire dans tous les bureaux de vote de cette circonscription à deux heures de Rangoun.
Et le parti de l'opposante affirmait même être en tête dans les 44 circonscriptions où il présentait un candidat. "
Nous sommes en tête pour remporter les 44 sièges. Nous attendons toujours l'annonce officielle", a déclaré Soe Win, un cadre du parti, alors que le régime birman n'a pour l'instant communiqué d'estimation pour aucun des 45 sièges en jeu lors de ces élections partielles.
Des incidents, mais limités.
La victoire est surtout symbolique, puisqu'elle ne remet absolument pas en question le pouvoir en place en Birmanie. Mais le symbole est fort. La "Dame" de Rangoun avait déjà triomphé aux élections de 1990, sans que la junte ne reconnaisse jamais les résultats. Elle était encore en résidence surveillée vingt ans plus tard, en novembre 2010, lors de législatives boycottées par la LND et qualifiées de mascarade par l'Occident. Considérée il y a encore deux ans comme l'ennemie publique numéro un par la junte, Suu Kyi était cette fois très largement favorite. Le gouvernement, des anciens militaires réformateurs arrivés au pouvoir il y a un an, tente en effet de prouver au monde que ses réformes justifient la levée des sanctions occidentales qui étranglent l'économie du pays. Au terme d'un processus de transition non violent et sous contrôle de l'armée, cette nouvelle équipe a proposé à Suu Kyi d'intégrer l'échiquier politique officiel. Selon les analystes, le gouvernement a lui-même intérêt à voir l'opposante triompher sous le regard de la communauté internationale.
Avant le jour du scrutin, Suu Kyi a plusieurs fois dénoncé une campagne pleine d'irrégularités. Mais elle a aussi revendiqué le besoin de participer - donc de légitimer - le processus en cours. "
Une fois au parlement, nous pourrons travailler pour une véritable démocratisation", a-t-elle justifié vendredi. De nouvelles accusations sont pourtant venues dimanche de la LND, qui a dénoncé la présence de cire sur des bulletins à côté du nom de ses candidats. Un procédé qui pourrait faciliter l'annulation de votes. "
Si cela continue, cela va ternir le prestige des élections", a estimé Nyan Win, porte-parole de la Ligue. Des incidents toutefois minimisés par Surin Pitsuwan, secrétaire général l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), qui a envoyé des observateurs. "
Globalement, les choses se passent bien et il y a beaucoup de plaintes de ce type dans les élections de nombreux autres pays", a-t-il relevé. "
Je n'ai rien entendu de sérieux".
Pour ces élections partielles historiques, un total de 45 sièges étaient en jeu dans tout le pays, dont 44 brigués par la Ligue nationale pour la démocratie de Suu Kyi: 37 à la chambre basse du parlement (sur un total de 440), six à la chambre haute et deux dans des chambres régionales. La LND visait une victoire dans les 44 circonscriptions où elle se présentait. Mais si le charisme et l'expérience de sa chef de file semblent inébranlables, certains de ses autres candidats étaient opposés à des leaders fortement implantés, notamment dans les zones ethniques des confins du pays. Le pouvoir n'a pour sa part rien à craindre. Le Parti de la solidarité et du développement de l'Union (USDP), créé de toutes pièces par l'ancienne junte, avait revendiqué environ 80% des sièges en 2010. Et un quart des parlementaires sont, en vertu de la Constitution, des militaires d'active désignés en marge du processus électoral.
(http://lci.tf1.fr/monde/asie/aung-san-suu-kyi-enfin-victorieuse-dans-les-urnes-7104679.html)