Le Point.fr - 28/03/2012
par Pierre Beylau
La caste au pouvoir à Alger a instrumentalisé la guerre d'indépendance pour préserver ses privilèges.
Plus d'un cinquième des Algériens, notamment les plus jeunes, considèrent que le départ des pieds-noirs en 1962 fut plutôt une mauvaise chose. Et dix pour cent d'entre eux sont prêts à "pardonner" aux harkis. La moitié des personnes consultées s'affirme disposée à établir des relations apaisées avec la France. Une tendance très marquée chez les plus diplômés. C'est ce que révèle un sondage publié par le (très bon) quotidien francophone Al Watan. La proportion de ceux qui émettent des jugements iconoclastes peut sembler dérisoire. Elle ne l'est nullement, si l'on tient compte du matraquage infligé depuis 50 ans par les caciques du FLN. Ceux-ci ont écrit et instrumentalisé l'histoire au profit de leurs intérêts politiques et financiers.
Le même sondage fait d'ailleurs apparaître une large méconnaissance de la véritable chronologie de la guerre et une sérieuse ignorance factuelle.
Un emploi sûr : ancien combattant
La caste militaro-prédatrice qui a mis le pays en coupe réglée tire toujours les ficelles du pouvoir en Algérie. Elle s'accroche à sa proie comme la moule à son rocher. Elle a eu tout intérêt à édifier un système idéologique pour justifier son existence. À passer sous silence les épisodes les moins glorieux de la guerre : le massacre systématique des partisans de Messali Hadj, le précurseur du mouvement nationaliste algérien ; la terreur imposée aux villageois pour les inciter à rejoindre ou aider le FLN ; les rivalités entre katibas de l'intérieur et l'armée de libération basée à l'extérieur. Tout a été bidouillé : le nombre réel de victimes, au moins multiplié par deux (un million selon le FLN) pour les besoins de la propagande, les effectifs des moudjahidine. Les ralliements très tardifs à la "cause" de résistants de la vingt-cinquième heure ont été opportunément passés sous silence. Phénomène bizarre : les anciens combattants, qui bénéficient de certains avantages matériels, sont aujourd'hui beaucoup plus nombreux que dans les années qui ont immédiatement suivi l'indépendance ! Une vieille plaisanterie circule à Alger : "Vous êtes chômeur ? Vous cherchez un emploi sûr ? Devenez ancien combattant !"
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