Marianne2.fr - 26.03.2012
par Anaïs Toro-Engel
« Que faisons-nous de leurs vingt ans ? » Dans son dernier ouvrage, François Kalfon décrit le mal-être de la jeunesse. Et s'étonne du peu de réaction provoquée par les difficultés de la génération Y...
« Encore un jour se lève sur la planète France, et j'ai depuis longtemps, perdu mes rêves, je connais trop la danse », chantait Damien Saez dans son titre phare Jeune et con. Paroles révélatrices d'une jeunesse à la dérive pour certains, délaissée pour d'autres.
Traditionnellement, cet enjeu est au centre du débat politique, particulièrement dans la perspective d'une campagne présidentielle. « Le contraire serait étonnant », souligne François Kalfon, qui y fait référence dès la première page de son livre : « 95 % des Français considèrent la jeunesse comme une priorité de l'élection présidentielle (1) et pratiquement deux Français sur trois affirment qu'ils ne voteront pas pour un candidat qui n'apporterait pas d'éléments de réponse aux problèmes des jeunes en difficulté (2). »
Une attention à la hauteur des problèmes rencontrées par la jeunesse d'aujourd'hui. Kalfon démontre ainsi au fil des pages comment les dysfonctionnements de la société pèsent sur l'intégration sociale des jeunes, comment l'inadaptation du système scolaire entrave leur entrée sur le marché du travail, comment les inégalités de départ se creusent au lieu d'être comblées par l'école.
Des micro-témoignages viennent appuyer les différents arguments :
Sébastien, 23 ans : « J'ai énormément de mal à me retrouver dans quelque parti que ce soit ».
Valentine, 27 ans : « Les résultats scolaires, c'était très important pour mes parents (...) Parfois, mes résultats baissaient parce que j'avais un petit coup de mou ; tout de suite mes parents s'inquiétaient, et c'est là que je prenais vraiment conscience de cette fameuse pression ».
Sarah, 19 ans : « On est né dans ce truc où l'on nous répète qu'il n'y a pas d'argent, pas de travail. On a un peu l'impression de faire des études pour rien, ce n'est pas très motivant ».
Se révolter : à quoi bon ?
Désengagement politique. Pression du diplôme. Peur du chômage. Alors que, de tout temps, les jeunes - si tant est que cette catégorie est homogène - ont toujours été parmi les premiers à se rebeller contre le système, la génération Y — celle de l'Internet, des nouvelles technologies — offre un certain paradoxe : alors qu'elle a toutes les raisons de s'insurger (précarité de l'emploi, éducation nationale en crise, domination du monde de la finance...), elle est pourtant restée relativement silencieuse au cours du dernier quinquennat présidentiel.
Comme le souligne l'auteur dans une partie intitulée « La génération Y : une jeunesse dépolitisée » : « Depuis au moins cinq ans, la France n'a plus connu de mouvements de jeunesse d'ampleur, ni sur le terrain scolaire ni sur le terrain social, et encore moins sur le terrain moral. »
Le meilleur indicateur pour souligner cette « démobilisation » est sans conteste le mouvement des indignés. Très suivi en Espagne avec Los indignados, aux États-Unis avec Occupy WallStreet, la France a brillé par un engagement très marginal, et ce aux antipodes d'une certaine image de « modèle » en terme de manifestations populaires. Si l'on ne peut que rejoindre François Kalfon sur le constat, il reste à trouver des explications et des remèdes, soyons fous, à cette atonie.
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(1) Sondage AFEV-Audirep-Fondation BNP Paribas, 2011
(2) Sondage Vivavoice pour Apprentis d'Auteuil, mai 2011
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(http://www.marianne2.fr/Avoir-20-ans-aujourd-hui-jeunesse-precaire-jeunesse-atone_a216526.html)
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