Le Point.fr - 24/03/2012
source : AFP
Alexandra Lange, 32 ans, avait tué son mari violent en 2009 à Douai, lors d'une dispute conjugale.
La cour d'assises du Nord a suivi des réquisitions atypiques de l'avocat général en acquittant vendredi Alexandra Lange, une femme battue de 32 ans qui avait tué son mari, en 2009 à Douai, lors d'une dispute conjugale, un "arrêt qui marquera", selon ses avocates. Alexandra Lange était jugée depuis mercredi pour avoir, dans la nuit du 18 au 19 juin 2009 à Douai, tué son époux d'un coup de couteau à la gorge. Son père, Marc Lange, 56 ans, était jugé à son côté, accusé comme elle d'avoir placé un couteau dans la main de son gendre mort, dans l'espoir d'atténuer les charges contre sa fille.
Tous deux ont été reconnus coupables de "modification illicite de la scène de crime" et condamnés respectivement à un et six mois de prison avec sursis. À l'énoncé du verdict, la jeune femme, cheveux bruns tirés en arrière, vêtue de noir, a déclaré souhaiter "récupérer" ses quatre enfants "au plus vite". Ses avocates, Mes Janine Bonaggiunta et Nathalie Tomasini, ont estimé que l'arrêt de la cour "marquera". "On espère que ça servira pour le combat contre les violences faites aux femmes", ont-elles ajouté, au terme de trois jours d'un procès qualifié d'"atypique" à la fois par la défense et l'avocat général Luc Frémiot.
"Inaction des autorités"
Dans un réquisitoire de plus d'une heure, vendredi matin, ce dernier avait imploré la cour d'"acquitter" Alexandra Lange parce qu'elle "n'a rien à faire dans cette salle d'assises". "Ce procès vous dépasse", avait lancé l'avocat général à l'accusée, "parce que, derrière, il y a toutes ces femmes qui vivent ce que vous avez vécu (...), le bruit de ces pas qui montent l'escalier et qui nous font comprendre chaque soir que quand il rentre du travail (...) le danger rentre à la maison".
Lors de ce procès, la défense comme l'accusation ont relevé l'"inaction" des autorités. "Elle a essayé de partir, a tenté de déposer une plainte. Elle n'a pas été beaucoup aidée, ni par les services de police, malgré les instructions du parquet, ni par les services sociaux", a rappelé dans sa plaidoirie Me Bonaggiunta. "Quelle crédibilité aurait cette cour d'assises si (on) la condamnait alors que la société ne l'a pas protégée quand elle est allée au commissariat" déposer plainte, avait questionné l'avocat général.
Onze ans de "calvaire"
Tout au long de ce procès, c'est le "silence" qui aura pesé dans la salle de la cour d'assises. Celui d'Alexandra Lange, fait "de souffrance, de douleur, de cris, d'horreur, de colère, d'innocence", selon l'avocat général, quand elle raconte, souvent par monosyllabes, tête baissée et yeux remplis de larmes les onze années de "calvaire" passées auprès de son mari alcoolique et violent, de quatorze ans son aîné. Alexandra Lange "croyait au conte de fées" et a reçu "très vite la première gifle, les premières humiliations, (...) puis les coups de pied, de poing, les viols", a décrit Me Bonaggiunta, ajoutant que la vie de sa cliente avec ce "monstre" se résume "à deux mots : l'enfer conjugal".
Le silence, c'est aussi celui des proches de la jeune femme qui se sont succédé à la barre, à l'image de tous ces témoins de victimes conjugales "qui restent sourds, aveugles, et qui restent terrés chez eux", selon l'avocat général. "Ces violences, il faut les dénoncer", a exhorté Luc Frémiot.
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