Le Point.fr - 15/03/2012
De notre correspondant à Rome, Dominique Dunglas
Les dépenses des Italiens pour se nourrir chutent. Changement d'habitudes alimentaires ou effet de la crise économique ?
Les Italiens se serrent la ceinture. Sur les douze derniers mois, chacun d'entre eux a dépensé pour se nourrir 2 400 euros, soit une baisse de 1,5 % par rapport à l'année précédente et la même somme en valeur constante qu'en... 1981. Un saut en arrière de 30 ans qui les ramène à l'arrivée de Ronald Reagan à la Maison-Blanche, à la guerre entre l'Iran et l'Irak, au mariage du prince Charles avec Diana et à la musique disco.
Au-delà de la nostalgie, de tels chiffres traduisent des évolutions diverses. Dans le panier de la ménagère, les statisticiens englobent en effet les achats de nourriture et de boissons, mais aussi ceux de tabac. Or, la diminution du tabagisme a positivement influencé à la baisse la dépense des familles. En outre, les habitudes alimentaires des Italiens ont changé. Ils sont désormais de plus en plus nombreux à déjeuner sur leur lieu de travail. Or, l'addition au comptoir des "tavola calda" n'est pas prise en compte dans les achats de nourriture. Enfin, comme en France, les priorités ne sont plus les mêmes qu'il y a trente ans : dans les années 80, les ménages transalpins ne consacraient que 0,7 % de leur budget aux télécommunications alors que, aujourd'hui, portable et Internet engloutissent 8 % de leurs dépenses.
Économies
Mais la crise économique influence également la table des Italiens. Le pays connaîtra en 2012 une récession de 2 % du PIB. L'inflation et le chômage (9 %) augmentent. Avec une imposition de 45 % du PIB, la pression fiscale est une des plus élevées au monde. En 1980, les dépenses "obligatoires" - factures de gaz et d'électricité, assurances, emprunt ou loyer, dépenses de santé - représentaient 25 % des feuilles de paie. Aujourd'hui, elles atteignent 40 %. Véritable pauvreté ou peur de l'avenir : le moral des familles est dans les chaussettes et six ménagères sur dix avouent désormais économiser sur le contenu de leur frigo. Ainsi, en 2011, la consommation de viande a chuté de 0,9 %, celle de fruits et légumes de 1 % et celle de lait frais de 2,2 %. Pourtant, deux secteurs alimentaires ne connaissent pas la crise : les produits bon marché vendus dans les hard discounts et les produits biologiques ou de luxe commercialisés dans les épiceries fines.
Un paradoxe qui reflète une autre réalité : si la crise a appauvri l'ensemble de la population, les catégories les plus aisées ont souvent vu leurs revenus croître. Davantage de pâtes bon marché pour les uns et plus de caviar pour les autres : c'est l'image de la fracture sociale qui s'installe dans la Péninsule.
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