Le Parisien.fr - 25.02.2012
par Thibault Raisse
La justice enquête sur des versements de 85 MF (13 M€) effectués en Suisse entre 1997 et 2000, soit après l’élection de Jacques Chirac à l’Elysée.
Après Edouard Balladur, au tour de Jacques Chirac? Selon nos informations, les juges d’instruction Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, chargé du volet financier de l’affaire Karachi, ont lancé en fin d’année une commission rogatoire internationale sur trois versements opérés par la France sur un compte bancaire suisse entre 1997 et 2000.
Ces nouvelles investigations confirment l’accélération de l’enquête sur des commissions liées à des ventes d’armes après 1995, soit après l’élection de Jacques Chirac à l’Élysée. Une hypothèse sur laquelle les magistrats ont obtenu l’autorisation d’enquêter via un réquisitoire supplétif délivré le 25 novembre dernier par le parquet de Paris. Explications.
De quoi s’agit-il?
Les juges d’instruction ont saisi la justice suisse pour enquêter sur un versement d’un peu plus de 85 MF (13 M€) effectués par la Sofresa, une société française dépendante du ministère de la Défense, dans le cadre du contrat d’armement Sawari II signé en 1994 avec l’Arabie saoudite.
Cette somme a été créditée sur le compte d’une filiale du Crédit agricole à Lausanne en trois fois : 118000 F en 1997 (18000 €), 50 MF (7,6 M€) en 1999 et 35 MF (5,3 M€) en 2000. Le compte appartient à Parinvest, une société du groupe saoudien Bughsan. Les juges s’interrogent : s’agit-il de commissions? À qui étaient-elles destinées? Le résultat des investigations de la justice suisse est attendu dans les toutes prochaines semaines.
De nouveaux intermédiaires
Dès 2009, l’enquête sur l’attentat de Karachi a mis au jour un système de versement de commissions sur des ventes d’armes entre la France et l’Arabie saoudite, un système — à l’époque légal — mis en place par le gouvernement d’Édouard Balladur jusqu’en 1995. Il s’agissait de rémunérer des intermédiaires afin de remporter le contrat Sawari II. À son arrivée au pouvoir, Jacques Chirac met fin au versement des commissions. C’est du moins ce qu’affirment Dominique de Villepin, alors secrétaire général de l’Élysée, et Charles Millon, ministre de la Défense. Mais l’enquête des juges met à mal cette version lorsqu’ils découvrent de nouveaux versements opérés par la France après 1995. Selon deux témoins du dossier, ces 85 MF correspondent en fait à des commissions destinées à de nouveaux intermédiaires liés aux réseaux chiraquiens. Les investigations lancées en Suisse visent à vérifier cette hypothèse.
Villepin réentendu?
Si cette hypothèse est avérée, les juges devraient réentendre notamment Dominique de Villepin sur les destinataires finaux de ces sommes. En septembre, un ancien dirigeant de la Sofresa avait affirmé que « le réseau Bugshan avait été imposé par des ordres supérieurs ». Si ce témoin s’est mystérieusement rétracté, l’intermédiaire en vente d’armes Ziad Takieddine a confirmé cette version devant les juges, et pointé les liens entre Villepin et Ali Bugshan, par ailleurs décoré de la Légion d’honneur par Jacques Chirac en 2004. Interrogé le 9 janvier par les juges, Villepin a balayé cette hypothèse, reconnaissant simplement « avoir fait la connaissance de Bugshan dans [ses] fonctions d’avocat début 2008 ».
(http://www.leparisien.fr/faits-divers/karachi-de-plus-en-plus-pres-de-jacques-chirac-25-02-2012-1877731.php)