Le Nouvel Observateur.com - 3.02.2012
par Marcelle Padovani
"Un boulot fixe toute la vie, c'est monotone et assommant", a déclaré le successeur de Silvio Berlusconi, choquant les jeunes Italiens.Son parcours était sans faute depuis le 16 novembre, jour de sa nomination comme Président du Conseil. Il avait évité tous les écueils, les trappes des partis politiques et les tentatives de déstabilisation des
berlusconiens, les pièges tendus par les syndicats et ceux fomentés par les corporatistes en tous genres. Il avait répondu à toutes les requêtes avec bon sens et élégance, ne perdant jamais son
self control, en bon serviteur de l'État. Et voilà qu'il commet une faute, impardonnable aux yeux des jeunes Italiens.
Commodément assis dans un studio télé d'une chaîne
berlusconienne,
Canale 5, il se laisse aller à des considérations surprenantes sur l'emploi des jeunes. "
Un boulot fixe toute la vie c'est monotone et assommant", dit il. Ce qui est probablement vrai, mais dite par un Président du Conseil qui est en train d'affronter un chômage qui atteint à 8,9% de la force de travail, un bon 30% de jeunes sans emploi (avec des pointes de 50% dans certaines villes du Sud) et un chiffre total de 3.941.000 travailleurs précaires, la chose a semblé particulièrement cruelle et déplacée.
"La monotonie du travail fixe"Les journaux se sont remplis de témoignages parfois poignants. Témoin, cette jeune femme de 31 ans, Claudia, qui travaille depuis 1999 et qui a changé 18 fois de boulot. Son histoire campe sur le site de la CGIL, le plus grand syndicat italien avec plus de 5 millions d'adhérents. Après avoir fini ses études de comptable, Claudia a été successivement vendeuse, employée au ministère de la Justice, marchande de glaces, ou réceptionniste... Sur ses 18 boulots 5 étaient au noir, 4 signés avec des agences de travail intérimaire et les autres étaient des contrats à temps partiel… Claudia est devenue en un clin d’œil l'antagoniste numéro un de Monti, celle qui n'a jamais eu peur de rencontrer la monotonie. Et pour cause, sur son lieu de travail, mais qui a eu du mal à travailler, et qui trouve étrange que le Président du Conseil lui vante les avantages du travail flexible. "
La monotonie du travail fixe" est devenue sur la toile l'équivalent d'un titre de roman qu'aurait pu signer Alberto Moravia, qui raconta à son époque "
Les indifférents"…
Le "Super Mario"Mario Monti a donc commis sa première gaffe de patron de l'exécutif. Ce qui ne facilite pas par ailleurs les négociations en cours sur le marché du travail, avec comme interlocuteurs de l'État la
Confindustria (le Medef italien) et les trois syndicats ouvriers. On y parle de flexibilité, de licenciements, de fermetures d'usines, de caisse chômage. Comment le "
Professore", le "
Super Mario" que toute l'Europe a appris à apprécier, saura-t-il remonter le courant ?
(http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20120203.OBS0544/italie-la-premiere-gaffe-de-mario-monti.html)