Bakchich.info - 18.01.2012
par Mélanie Mendelewitsch
Selon le classement de The Economist, la patrie des droits de l'homme est devenue une démocratie de seconde zone, derrière l'île Maurice, le Cap Vert, le Paraguay ou l'Afrique du Sud.
Dans le déferlement de blagounettes médiatiques que n’auraient pas reniées feu Raymond Devos, et autres jeux de mots Twitter désolants concernant la perte de « notre » Triple A, une claque autrement plus cinglante pour ceux qui nous gouvernent est passée incognito.
La patrie des Droits de L’Homme n’occupe plus en effet qu’une modeste 29ème place, sur 165 États indépendants, au classement établi par The Economist Intelligence Unit (EIU) qui vient de livrer la 4ème édition de son très attendu classement de mesure de « l’indice démocratique » observé dans le monde.
Le jeu en question, inventé par le département Statistiques et Documentation du groupe british The Economist, consiste à donner aux États du monde une note en matière de pratique démocratique, en calculant un score (l’indice) au moyen d’une soixantaine de variables réparties en 5 catégories supposées en exprimer les différentes facettes.
Démocratie à bémol
Une sorte de conseil de classe de la démocratie, où sont donc passés à la loupe: le processus électoral et le degré de pluralisme, les libertés civiles, le fonctionnement gouvernemental, la participation ainsi que la culture politiques. Les résultats observés ont amené les auteurs à créer 4 grandes familles de régimes politiques, soit les démocraties « absolues », les démocraties « à bémol » (flawed democracies) les régimes dit « hybrides » et les bons vieux régimes autoritaires représentés par la Corée du Nord, lanterne rouge, (c’est le cas de le dire) de l’idéal démocratique à la sauce EIU.
En passant, l’Irak qui vient de subir une cure intensive de training démocratique prodiguée par les teachers de l’Oncle Sam, n’occupe qu’une désolante 112ème place avec une note de 4,03 sur 10. C’est toujours mieux que la Russie et sa mascarade de démocratie animée par le duo tragi-comique Poutine-Medvedev (117ème avec 3,92)
Le verdict est aussi dur pour notre République des Lumières ; partie d’une passable 24ème place à fin septembre 2006 (1ère édition) derrière le sacro-saint carré de tête (Norvège, Islande, Danemark et Suède), elle est parvenue à s’y maintenir à fin 2008 (2ème édition) pour dégringoler à la 31ème place à fin novembre 2010 (3ème édition) et réussir à regagner 2 places à début décembre 2011, avec toutefois la même moyenne générale (7,77 sur 10) qu’un an plus tôt.
Pire encore, depuis 2010, la Sarkosie joue en 2ème division, puisque seuls 24 états se disputent la place de leader de la « première ligue démocratique » où figurent très honorablement, la République Tchèque (16ème avec 8,19 de moyenne) l’Uruguay (17ème avec 8,17) la Corée du Sud (22ème avec 8,06) et même l’Ile Maurice (24ème avec 8,04).
Liberté des médias en berne
C’est l’Espagne, autre mal aimée de Standard & Poor’s qui ferme la marche de la catégorie des démocraties bon teint.
Comme l’expliquent les auteurs, la différence entre les 25 États pleinement démocratiques et ceux (53) où elle subit quelques rayures, provient surtout de la liberté médiatique : « …on observe une augmentation de concentration de la propriété des médias qui a eu un impact négatif sur la diversité des opinions et la liberté d’expression. Dans près de 40 pays, il y a eu depuis 2008 une détérioration des notes obtenues en ce qui concerne la liberté des médias. Cela concerne 3 pays d’Europe Occidentale (France, Italie et Turquie)… ». Délicieuse comparaison avec la Turquie, sommée par Nico Sarko de rester à la porte de l’Union Européenne pour un soit disant déficit démocratique…
Page 19, nos amis de The Economist, en rajoutent sournoisement une couche lorsqu’il s’agit d’expliquer comment l’économie peut affecter le processus démocratique : « …6 gouvernements de la zone Euro ont été remerciés en 2011 et il y a eu une nette aggravation des manifestations publiques ainsi que du nombre des partis et des mouvements politiques…Dans certain pays, les choix politiques ne sont plus définis par des hommes politiques élus au terme de consultations électorales, mais sont pratiquement fixés par les créanciers du pays, la Banque Centrale Européenne, la Commission Européenne et le Fond Monétaire International… » …
C’est Papandhréou, en retraite forcée, qui doit apprécier. Pas de quoi se la raconter cependant, sachant que la Grèce, antique symbole de l’idéal démocratique, n’est plus qu’à la 32ème position.
Humiliation suprême, la patrie de Molière et de Johnny Halliday n’occupe même pas la pôle position des démocraties de seconde zone, puisque nous y sommes précédés d’après les calculs de The Economist Intelligence Unit, par le Cap Vert, le Portugal et même l’Afrique du Sud un temps au banc des nations pour sa méprisable invention de l’Apartheid.
Du coup, Nicolas aura 2 raisons de féliciter Angela lors de leur prochain tête à tête : outre son Triple A conservé sans problème, l’Allemagne, bonne élève, occupe la 14ème place au championnat du monde de démocratie avec une moyenne générale de 8,34. Y a pas qu’en économie que l’écart se creuse…
(http://www.bakchich.info/france/2012/01/18/la-france-en-2eme-division-democratique-59947)