N'est-ce pas une notion creuse, le suffrage universel ?

Sont bien naïfs les responsables du RCD qui croient encore en la volonté du régime en place de modifier sa perception des choses, ses intentions arrêtées de n'en rien changer. Ne dit-on pas qu'on conserve les hommes et les méthodes qui font gagner. Et, s'agissant des élections, en l'occurrence, pourquoi donc croirait-on, un instant, qu'on irait se plier aux desiderata d'une formation politique adverse, fût-elle celle de Sadi, de surcroît ?

Le ministère de l'Intérieur a décidé d'autorité, à l'occasion des prochaines élections locales, d'appliquer une numérotation des bulletins de vote conforme à la moyenne des derniers classements obtenus par les partis en lice. Et, du coup, au grand dam des partis concurrents comme le RCD, le parti unique, autrement dit le FLN qui bat tous les records de suffrages obtenus depuis des lustres, reçoit le n° 1. Est-ce une bonne ou mauvaise chose ? Chacun appréciera, en fonction de ses penchants, sans doute. L'intérêt en tout cas de la place accordée à un tel classement n'a d'égal que la véhémence des protestations enregistrées d'ores et déjà du côté de l'opposition.

En attendant, l'observation de fond que suscite un tel choix de numérotation, dicté bien sûr par ce que nous considérons pour notre part un favoritisme évident, interpelle plutôt les Algériens sur un tout autre plan. Il est maintenant clair que, dans l'esprit de l'administration comme de tous les partis politiques toutes tendances confondues, les électeurs, pour leur immense majorité, sont considérés sinon illettrés du moins incapables de faire un choix mature et responsable de leurs représentants à tous les niveaux. Et cela résulterait essentiellement, bien évidemment, de l'inculture notamment politique et civique qui rend les électeurs inaptes à faire un choix valable des hommes appelés aux responsabilités diverses. Le culte du tribalisme, du régionalisme et d'autres tares ayant fait jusqu'ici le lit des formations dominantes, il ne saurait être question pour elles de remettre en cause le système en place et les fraudes qui lui sont liées, sous peine de perdre le contrôle du pouvoir lui-même.

Du reste, une très grande proportion de gens ne participent même plus aux élections depuis un certain nombre d'années, pour d'autres raisons encore plus triviales. Aussi, le moment n'est-il pas venu de reconsidérer tout le système de ce suffrage universel qui, tout bien pesé, ne répond pas aux attentes légitimes d'un peuple bien plus préoccupé de ses besoins immédiats de se nourrir, de se vêtir, de se loger, etc., que de s'occuper de politique stérile ne changeant strictement jamais rien à son sort ?