Latribune.fr - 29.12.2011
par Stanislas Jourdan
La question peut surprendre mais, contrairement aux idées reçues, les Grecs travaillent presque deux fois plus que les Allemands. Un bon argument pour les Grecs de se défendre d'être les "cigales" de l'Europe. De là à s'en vanter...Comme l'a noté le célèbre blogueur Matthew Yglesias sur le magazine
Slate, les Grecs sont loin d'être des "flemmards", et pour cause : ils travaillent en réalité plus que beaucoup d'entre nous. "
Après avoir étudié les chiffres, vous pourrez réviser votre jugement" affirme Yglesias, qui s'appuie sur les chiffres de l'OCDE de 2008, selon lesquels les travailleurs grecs travaillent en moyenne 2.120 heures par an, tandis que les travailleurs allemands ne travaillent que 1.429 heures.
Les données de l'OCDE, fondées sur des enquêtes auprès des travailleurs, ne laissent guère de place à l'interprétation, comme le montre ce graphique :
Le pays le plus en difficulté de l'Union Européenne serait-il celui qui travaille le plus ?A y regarder de près, pourtant, les choses sont plus nuancées.
D'abord, il faut tenir compte du fait que le taux d'emploi de la Grèce (61%) est plus faible que dans le reste de l'Europe, l'Allemagne ayant par exemple un taux d'emploi de 68%. Autrement dit, en proportion de la population, moins de grecs travaillent... plus longtemps. Pas de quoi se réjouir puisque cela signifie globalement plus d'inégalités de revenus.
Ensuite, toujours selon les données de l'OCDE, environ 36% des Grecs travaillent pour leur propre entreprise. Ce chiffre est le plus élevé d'Europe, et de loin : la moyenne de l'Union Européenne est à 16,5%. Or, c'est bien connu, on travaille en général plus longtemps lorsque l'on est son propre patron.
Pendant longtemps, l'auto-emploi en Grèce a été perçu comme "
l'épine dorsale de l'économie grecque", explique Kostas Kallergis, journaliste indépendant et blogueur d'Athènes. "
Toutefois, l'auto-emploi peut potentiellement représenter toute personne qui n'est pas salariée" ajoute-t-il. Selon lui, il faut également prendre en compte le fait que pour certains métiers, le temps de travail est difficile à estimer : "
Le gérant d'un magasin par exemple, passe facilement toute la journée dans sa boutique. Mais son temps de travail est-il comparable à celui d'un juriste indépendant qui ne compte pas ses heures ? De plus, comment estimer le temps de travail d'un fermier ?" s'interroge-t-il face à ses statistiques.
Des statistiques qui révèlent surtout un manque de productivitéEnfin et surtout, en faisant valoir qu'ils travaillent plus que leurs voisins, ils pointent en réalité du doigt la plus grande lacune de leur économie : le manque de productivité. Travailler plus pour produire moins, en quelque sorte. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : l'économie hellénique est l'une des pays développés la moins productive, avec seulement 32 dollars de PIB créé pour une heure de travail. À titre de comparaison, la France et l'Allemagne se situent aux alentours de 50 dollars par heure, soit plus que la moyenne de la zone euro (46,5).
Et le problème n'est pas nouveau, loin de là. Depuis 1983, les Grecs travaillent toujours autant, à l'inverse de l'ensemble des pays développés. Par exemple, les Français travaillent 200 heures de moins par an qu'il y a 30 ans, et les Allemands 136 heures (depuis la réunification).
(http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20111227trib000673840/les-grecs-travaillent-ils-trop-.html)