Le Point.fr - 26/11/2011
par Michel Colomès
Au secours, Thatcher revient ! Les Britanniques vont s'opposer par tous les moyens aux projets de réforme proposés par Sarkozy et Merkel pour éteindre l'incendie menaçant l'euro.
"Il a manqué une bonne occasion de la fermer !" Avec le franc-parler qu'on lui connaît, Nicolas Sarkozy n'a pu s'empêcher de lâcher ce propos peu amène à l'adresse de David Cameron, et cela, alors qu'il s'apprête pourtant à recevoir le Premier ministre de Sa Majesté, vendredi 2 décembre à l'Élysée, pour le traditionnel sommet franco-britannique d'automne.
Dont on peut imaginer sans peine qu'il sera consacré majoritairement à ce qui a provoqué la colère présidentielle : alors que Français et Allemands se démènent pour contrer la spéculation et l'empêcher de jouer au domino avec la dette d'un pays après l'autre, Cameron, en bon Britannique, se la joue perso. D'abord, il n'a pas de mots assez méprisants pour critiquer la taxe sur les transactions financières, la fameuse taxe Tobin, que Sarkozy défend avec la foi des convertis.
Euroscepticisme
Ensuite, il ne pense qu'à protéger sa City de la contagion des fièvres spéculatives dues aux dettes souveraines, sans vraiment chercher à s'impliquer dans les tentatives de ses collègues européens de trouver une potion magique pour faire baisser la température. Quant à ses ministres, ils n'hésitent pas à dire très tranquillement, comme le ministre des Finances George Osborne, qu'ils préparent des plans au cas où la zone euro éclaterait. Désastreux signal donné à des spéculateurs qui n'ont pas besoin de ce pessimisme pour jouer l'euro à la baisse.
Si l'euroscepticisme a toujours été une constante britannique, le regain de méfiance de David Cameron est venu de la volonté d'Angela Merkel de renforcer l'obligation faite aux États de l'Union européenne de mieux maîtriser leurs dettes et leur budget. Avec éventuellement des sanctions automatiques aux contrevenants. Nicolas Sarkozy s'est récemment rallié à cette idée qui implique une réforme du traité de Lisbonne et doit être présentée au Conseil européen du 9 décembre. Avec, sans doute, le secret espoir qu'elle conduirait l'Allemagne à assouplir son refus intransigeant de voir la Banque centrale européenne jouer un rôle de garantie des dettes souveraines.
"I want my money back"
Si les Anglais sont d'accord pour que la BCE joue ainsi un rôle comparable à celui de la Federal Reserve américaine ou de la Banque d'Angleterre, ils refusent, en revanche, vigoureusement toute mesure contraignante qui affecterait la sacro-sainte indépendance de la City. Mais ils savent aussi que Français et Allemands passeront outre, quitte à faire voter les réformes par les seuls membres de la zone euro. "Inadmissible", tempête David Cameron, car les décisions prises par les 17 affecteront forcément les intérêts des 10 autres membres de l'Union qui ne participeraient pas aux décisions. Donc des britanniques.
Il n'est pas sûr que le sommet franco-britannique du 2 décembre parvienne à réconcilier ceux qui veulent plus d'Europe et ceux qui en veulent juste assez pour continuer à jouer cavalier seul. On est loin des démonstrations d'entente franco-britannique, il y a tout juste deux mois, quand Sarkozy et Cameron avaient fait le voyage en Libye pour se féliciter mutuellement de l'excellence de leur coopération militaire pour venir à bout du colonel Kadhafi. Décidément, quand il s'agit de ses intérêts financiers, on retrouve toujours la Grande-Bretagne telle qu'on l'a connue du temps où Margaret Thatcher réclamait à chaque sommet européen : "I want my money back."
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