Le Monde.fr - 14.11.2011
par Martine Jacot,
La coupe est pleine. Tel est en quelque sorte le message que les autorités américaines ont adressé à la Chine et à la Russie en publiant, jeudi 3 novembre, un rapport sur le cyber-espionnage mené aux dépens des États-Unis dont le ton est inhabituellement accusateur. Depuis 2009, "les réseaux informatiques d’un vaste éventail d’administrations publiques, d’entreprises privées, d’universités ou d’autres institutions, toutes détentrices d’un gros volume d’informations économiques sensibles, ont été victimes d’espionnage", indique le rapport remis au Congrès par l’Office national du contre-espionnage. "Une grande partie de ces activités semblent provenir de Chine", poursuit le document, qui désigne aussi la Russie, dans une moindre mesure.
Parmi les incidents mentionnés à titre d’exemple figure le piratage dont ont été victimes, en 2010, les messageries de responsables américains, de dissidents chinois, de responsables militaires et de journalistes sur leurs comptes Gmail. Google avait estimé que les auteurs de ces intrusions avaient des liens directs avec le gouvernement chinois. En août, rappelle le rapport, la société américaine de sécurité informatique McAfee avait dénoncé des intrusions massives menées contre des entreprises travaillant pour l’armée américaine, des ONG et des usines, en provenance d’un seul et même pays, qui n’avait pas été nommé.
La Chine et la Russie "continueront sans doute à déployer des ressources importantes et toute une panoplie de tactiques pour obtenir des informations de sources américaines, dans le but de parvenir à une parité économique, stratégique et militaire avec les États-Unis", anticipe le rapport. Régulièrement accusée d’être impliquée dans des cyberattaques, la Chine récuse ces allégations dès qu’elles sont formulées. La publication du rapport n’a pas fait exception : le ministère chinois des affaires étrangères a estimé que "préjuger sans enquête de l’origine de cyber-attaques n’est ni professionnel ni responsable". - Moscou a préféré le silence.
Pourquoi les autorités américaines ont-elles mis la Chine et la Russie sur la sellette, alors qu’elles avaient jusqu’alors évité les accusations directes ? Doit-on y voir un aveu de leur impuissance à faire cesser cet espionnage par des voies diplomatiques ou à le contrer par la technologie ? Robert Bryant, directeur de l’Office national du contre-espionnage, a fait valoir la "flambée" récente des cyberattaques et la nécessité de trouver des solutions, passant notamment par une meilleure collaboration entre secteurs privé et public. Des sociétés victimes d’attaques sur leurs données secrètes préfèrent les taire, relève le rapport.
Le document souligne aussi la nécessité pour les alliés des États-Unis de faire pression sur la Chine afin qu’elle mette fin à son cyberespionnage. Selon le Financial Times, une centaine de spécialistes américains et européens ont conduit, ce même 3 novembre, leur premier exercice de cybersécurité à Bruxelles, afin de mieux repérer les faiblesses de la protection de leurs données sensibles et de communiquer plus rapidement entre eux en cas d’attaque.
(URL de la source : http://www.lemonde.fr/technologies/article/2011/11/14/les-etats-un (...))