LEMONDE | 07.11.11 |
Tous les moyens auront été mis en œuvre par l'exécutif français pour que l'opération militaire en Libye soit une réussite. Paris a ainsi successivement déployé quatre sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) sur ce théâtre, dont l'un a effectué deux passages. En plus de tous ses avions de combat disponibles, son porte-avions, ses deux bâtiments de commandement porte-hélicoptères et ses forces spéciales au sol.
Les SNA ont été engagés durant huit mois, soit avant le feu vert de l'ONU pour l'intervention aérienne. Le premier est parti dès la fin février collecter le renseignement préalable à la décision de lancer les premières frappes sur les colonnes kadhafistes à Benghazi, le 19 mars.
Les discussions entre chefs d'état-major de la marine britannique et français ont commencé elles aussi un mois avant le début de l'opération, pour répartir les zones d'intervention respectives : en langage de sous-mariniers, "pour que chacun puisse avoir de l'eau". Conservant un commandement national sur ses moyens stratégiques, "la France a pu faire ce qu'elle voulait" dans l'opération "Unified Protector" de l'OTAN, note un officier sous-marinier. Elle fut le seul membre de la coalition à décider de maintenir ce moyen tout du long.
Les sous-marins nucléaires américains et les britanniques ont joué un rôle essentiel les premiers jours pour lancer les missiles Tomahawk qui ont neutralisé les défenses antiaériennes libyennes. Turquie, Italie, Espagne ont ensuite ponctuellement déployé des sous-marins classiques pour des missions de surveillance.
Le SNA qui est parti le premier vient de rentrer à Toulon, après avoir également clos l'opération le 25 octobre. En "précurseur", il a balayé toute la côte libyenne. "Il s'agissait simplement de savoir ce qui se passait : quelle était l'intensité des combats et la valeur opérationnelle des camps en présence, explique le commandant L., que Le Monde a rencontré le 4 novembre. Quand nous sommes arrivés, nous avons vu que les mouvements de pétroliers avaient cessé autour des terminaux côtiers, qu'il n'y avait plus aucune activité de pêche, notamment dans le golfe de Syrte, fermé par une "death line" par le colonel Mouammar Kadhafi."
Les yeux du conflit
Le jour suivant le vote de la résolution de l'ONU, le sous-marin a assisté au changement immédiat d'attitude des forces kadhafistes : "Elles ont arrêté de faire voler leurs avions et de faire sortir leurs bateaux, et ont mis en place leur défense antiaérienne." Le Guide libyen avait pris la mesure de ce qui s'annonçait.
En revenant sur le théâtre mi-juillet, le même SNA a cette fois préparé l'intervention des hélicoptères français. Habituellement, le sous-marin chasse seul. "Une telle intégration en soutien des frappes des hélicoptères de l'aviation légère de l'armée de terre, c'est sans précédent", souligne le commandant H. Tirs d'artillerie, feux d'artifices, activités portuaires, déplacements humains : "Nous avons pu détecter le soulèvement de Tripoli", ajoute le commandant H. Avec une frégate britannique, le SNA est alors le seul bateau en mer devant la capitale libyenne.
Maîtres du littoral, les sous-marins ont été les yeux du conflit. "Cela a pallié l'absence de troupes au sol", commente le commandant H. Ils ont aussi contrôlé les ports, neutralisant la marine du colonel Kadhafi. La seule menace qui a persisté était celle des bateaux-suicides et des mines ; elle a finalement été très limitée, sans que l'on sache vraiment pourquoi. "Ils auraient pu faire très mal", ajoute l'officier français, sachant qu'en surface, une quarantaine de bateaux de la coalition encombraient les côtes sans vraie coordination.
Les équipages n'avaient pas connu une telle mission de guerre depuis le Kosovo. Elle s'est déroulée en immersion périscopique, position de faible profondeur la plus délicate pour le sous-marin. Pour ses hommes, ce fut une guerre en direct et à distance. "Vous êtes face à un territoire sur lequel les gens s'entre-tuent. Vous les voyez." En l'absence de troupes au sol, une étrange impression de "spectateur".
Nathalie Guibert
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Le général Paloméros souligne le manque de drones
L'étendue du territoire libyen a poussé l'armée de l'air française, dès le début de l'intervention, à mener des opérations "dans la profondeur", au-dessus des bastions kadhafistes du sud du pays et des routes d'approvisionnement du régime. Les chasseurs ont conduit de nombreuses missions de renseignement dans ces régions, a confirmé, le 3 novembre, le général Jean-Paul Paloméros, chef d'état-major. Celui-ci est satisfait d'avoir vu ses avions "voler sans discontinuer du 19 mars au 25 octobre". Mais il regrette de ne pas avoir pu déployer de drones de moyenne altitude et longue endurance (MALE), la France n'en ayant que trois exemplaires : "Si on avait eu plus de drones, on aurait pu mieux savoir, ce qui est mieux pouvoir." Tandis que les Américains déploient des bases de drones en Afrique, les 16 drones prévus dans la loi de programmation 2003-2008, jamais acquis, manquent : "Cette capacité est indispensable", affirme le général, qui demande "20 drones pour 2020".
(http://www.lemonde.fr/libye/article/2011/11/07/comment-les-sous-marins-ont-joue-un-role-en-libye_1599905_1496980.html)