L'Expansion.fr - 2.11.2011
par Raphaële Karayan
L'activité téléviseurs plombe les bénéfices de tous les géants de l'électronique grand public, malgré le succès des écrans plats. Parmi eux, les industriels japonais sont particulièrement en difficulté. Philips, le seul européen qui tenait le coup, jette l'éponge.
Partout, les écrans plats font un carton. On pourrait penser le marché juteux. Et pourtant. Philips vient de signer laborieusement le transfert de sa branche téléviseurs dans une coentreprise avec le taïwanais TPV Technology, dont il ne conservera que 30%. Panasonic a annoncé le 31 octobre une vaste restructuration de sa division de production de dalles d'écrans TV, comprenant des fermetures d'usines et des réductions de production. Ils ne sont pas les seuls à éprouver des difficultés sur ce marché, aujourd'hui dominé par les fabricants coréens. Et encore, même pour eux la situation est compliquée.
Abandons en série
Philips avait arrêté de produire des dalles en 2009 (pour les sous-traiter à LG), mais cela n'a pas enrayé les pertes de sa branche téléviseurs, encore dans le rouge de 54 millions d'euros au troisième trimestre 2011 alors qu'elle représente toujours 10% du chiffre d'affaires. Depuis 2007, selon Les Échos, elle aurait cumulé près d'un milliard de pertes. Ce n'est pas le premier à jeter l'éponge. JVC et Pioneer l'ont fait avant lui.
Les écrans plats plombent également la rentabilité de Panasonic. L'agence de notation financière Standard & Poor's vient d'abaisser la note de sa dette à long terme pour cette raison précise. Clairement, le groupe japonais ne fera plus de cette activité déficitaire sa priorité. Il compte recourir davantage à la sous-traitance, alors que jusqu'à présent il contrôlait une grosse partie de la chaîne de production. Le groupe va arrêter de produire en propre une grande partie des dalles LCD destinées aux téléviseurs au Japon, et stopper une usine de dalles plasma dans l'archipel. Une usine près de Tokyo va fermer, tandis qu'une autre sera réaffectée à la production de dalles pour d'autres écrans que les TV. La production des dalles plasma sera réalisée dans une seule usine au lieu de trois.
Sharp, lui aussi, a décidé de réorienter sa production de dalles : vers le marché professionnel, les smartphones et les tablettes. "Les TV de dimensions inférieures à 40 pouces ne sont plus rentables, pour personne", explique simplement le PDG de Sharp, Mikio Katayama.
Le conglomérat Hitachi envisage de son côté de cesser de produire lui-même ses téléviseurs, tout en conservant sa marque. Plus de 80% des téléviseurs Hitachi sont déjà assemblés par des tiers hors du Japon.
Quant à Sony, il pourrait se retirer de sa co-entreprise avec Samsung, déficitaire depuis toujours, qui cumule des pertes de 6 milliards de dollars. Le groupe pense finir l'exercice sur une perte nette de 90 milliards de yens (820 millions d'euros) au lieu d'un bénéfice de 60 milliards de yens, en raison notamment de la chute des prix des téléviseurs. Le groupe a décidé de mettre en œuvre un programme de restructuration afin de recouvrer des marges d'ici à mars 2014, qui pourrait passer par le recours à la sous-traitance.
La Corée du Sud a dépassé le Japon
Aujourd'hui, ce sont les fabricants coréens qui s'en tirent le mieux, car ils ont les coûts les plus bas et parce que les Japonais ont été pénalisés par la hausse du yen. "LG et Samsung ont investi des dizaines de milliards de dollars dans des usines dernier cri, qui leur ont permis de réduire les coûts de production. Après avoir sous-traité pour les industriels japonais pendant des années, les Coréens mais aussi les Taïwanais, comme AU Optronics et Chimei Innolux, se sont mis à niveau et ont dépassé le maître", explique Pascal Coutance, rédacteur en chef délégué de la revue spécialisée ElectroniqueS.
Les Sud-Coréens ont dépassé les industriels japonais en parts de marché depuis 2011, alors que ces derniers contrôlaient 48% du marché mondial des TV en 2005, contre 21% pour les Sud-Coréens. Selon DisplaySearch, Samsung possédait au deuxième trimestre 2011 22,6% de part de marché mondiale en valeur dans les écrans plats, devant LG (14,4%).
Mais même eux souffrent. Les écrans plats ont plombé le bénéfice de Samsung au troisième trimestre, en recul de 23%. Même punition pour LG, qui basculé dans le rouge au troisième trimestre avec une perte de 263 millions d'euros, la division écrans plats essuyant une perte nette de 445 millions d'euros. Cet été, il a annoncé vouloir réduire d'un quart ses investissements dans les téléviseurs.
La baisse des prix de vente mine la rentabilité
Le principal problème des industriels sur le marché des écrans plats, ce sont les prix de vente en magasin. Ils ont perdu jusqu'à 30% par an pour des écrans de tailles moyennes. Les fabricants et les sous-traitants, qui ont investi massivement dans leurs usines pour faire décoller rapidement le marché, sont cycliquement victimes de surcapacités qui font chuter les prix. En France, ils baissent en moyenne de 1,5% à 2% par mois, selon le Simavelec, le syndicat du secteur.
En volume, c'est mieux mais par mirobolant. Le marché devrait augmenter de 6% cette année selon DisplaySearch, l'Europe et l'Amérique du Nord freinant la croissance globale.
Certains fabricants ont été pénalisés par leurs choix technologiques. C'est le cas de Panasonic, numéro un des écrans plasma. Avant, les écrans plasma de grande taille étaient moins chers que leurs équivalents LCD, mais le prix de ces derniers baisse plus vite, et l'écart de prix se réduit donc peu à peu. Le marché des plasma devrait représenter seulement 17 millions d'unités en 2011, contre 206 millions pour les écrans LCD.
Résultat, pour les géants historiques du secteur, il devient plus rentable de sous-traiter complètement leur production pour bénéficier des coûts de production des Coréens et des Taïwanais, de se concentrer sur des produits haut de gamme (écrans de très grande taille, 3D...) où ils ont encore des avantages compétitifs, ou de reconvertir des usines de production de dalles vers d'autres appareils (smartphones, tablettes...).
(http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/teles-a-ecran-plat-un-business-pas-rentable_268404.html?p=2)