Le Figaro.fr - 18.10.2011
par Véronique Guillermard
Sur ce marché porteur qui pèse plus de 420 milliards d’euros, la France compte plusieurs champions.
Une caméra qui voit à travers les murs, un exosquelette qui décuple les forces, un drone de la taille d’un oiseau qui surveille les mouvements de foule, des véhicules robots d’intervention en milieu hostile, un tomographe - l’équivalent du scanner pour les êtres humains - qui reconstitue en 3D l’intérieur d’un bagage et est capable d’identifier des explosifs, un lecteur d’empreintes digitales qui fait la différence entre un vrai et un faux doigt grâce à sa capacité à « voir » les veines, une machine d’identification biométrique basée sur un scan de l’iris ou du visage… Ce ne sont pas des gadgets à la James Bond mais quelques-unes des incroyables innovations technologiques qui sont présentées à Milipol, le premier Salon mondial de la sécurité intérieure des États, dont l’édition 2011 (du 18 au 21 octobre, porte de Versailles à Paris) ouvre ses portes ce matin.
Ce salon qui a lieu tous les deux ans à Paris en alternance avec Doha au Qatar, est l’enfant du 11 Septembre et des attentats terroristes aux États-Unis. « Certes, il est né en 1984 mais c’est en 2003 que le concept de marché de la sécurité intérieure a émergé en se distinguant du marché de la défense proprement dit », explique le préfet Alain Rondepierre, président du salon. Milipol a aussi pour vocation d’apporter des solutions en matière de lutte contre la criminalité, d’interventions en milieux hostiles - contaminés ou frappés par des catastrophes naturelles - ainsi que pour les opérations de sécurité publique et de maintien de l’ordre sans oublier la sécurité routière, portuaire et aéroportuaire. Et plus largement la surveillance des frontières. Un marché en croissance
Les clients viennent d’horizon public et privé : entreprises à la tête de sites sensibles comme des centrales nucléaires ; forces de police (sur le terrain, scientifique) et de protection civile (pompiers, démineurs, secouristes…), gendarmerie nationale, douanes, aéroports, agences gouvernementales (FBI, Home Office…), ministères de l’Intérieur et de la Défense car certains équipements ont des applications mixtes, civiles et militaires.
Au total le marché mondial de la sécurité au sens large pèse 420 milliards d’euros (+5,5% en 2010), selon l’enquête publiée dans l’Atlas d’En toute sécurité, le journal de référence sur le sujet. Le marché est dominé par les États-Unis avec 30 % du total mondial mais l’Asie gagne du terrain (23% des dépenses contre 14 % en 2001). De son côté, l’Israël Export Institute estime que le seul marché du « homeland security » pèse 170 milliards de dollars et qu’il progresse de 7 à 8% par an.
Sur ces marchés porteurs, la France compte plusieurs champions. Morpho, le leader mondial de l’identification biométrique depuis le rachat de l’américain L1, équipe plus de 100 États et 450 organisations telles que le FBI, la police israélienne ou Interpol. Morpho est notamment un spécialiste des équipements de passage des frontières dans les aéroports. « Face à l’évolution des menaces, nous devons apporter des réponses de plus en plus sophistiquées, plus efficaces qui ne soient pas trop coûteuses et qui fluidifient le passage aux frontières. Nous sommes par exemple passés de la détection à l’identification des explosifs », explique Bernard Didier, directeur général adjoint de Morpho. Bientôt, il ne sera plus nécessaire de s’enregistrer pour utiliser le successeur de Paraphe qui permet aux porteurs de passeports biométriques de passer le contrôle aux frontières sans faire la queue.
De son côté, Thales s’appuie sur son leadership en matière de systèmes d’information, pour apporter des réponses aux problèmes générés par « l’urbanisation galopante ». Cette dernière « exige des villes plus intelligentes et donc aidées par des systèmes capables de faciliter la prise de décision dans des environnements très complexes », explique Luc Vigneron, président de Thales. Le groupe a décroché auprès de Mexico le premier contrat du genre avec son offre Hypervisor pour sécuriser cette ville de 22 millions d’habitants, gangrenée par la violence. À côté des grands groupes, des PME, soutenues pour certaines par la Direction générale de l’armement, se livrent à une débauche de créativité. Tour d’horizon de quelques-unes des nouveautés de Milipol 2011.
Quelques produits présentés à Milipol, le premier salon mondial de la sécurité
- Cobra - Une gamme de véhicules robotisés (voir ci-dessus)
Développé par ECA, une des trois filiales de la PME Gorgé, le Cobra Bulle est un véhicule terrestre robotisé intelligent. Sa caméra embarquée est recouverte d’une bulle de protection antiéboulement qui ne l’empêche pas de voir jour et nuit et à 360 degrés. Le véhicule de 40 cm de côté pèse 5 kg. Il peut être doté d’un canon afin d’éliminer des mines. Il se pilote jusqu’à 300 m de distance à partir d’une tablette tactile ou d’une manette. Parmi ses missions : aller faire du repérage et filmer en milieux hostiles ou contaminés ou surveiller des sites sensibles comme les centrales nucléaires. Gorgé en vend 100 000 par an.
- Millicam 90 - Voit à travers les murs
« Vous ne pouvez rien nous cacher », annonce fièrement la plaquette de présentation de Millicam 90, la caméra qui voit à travers les murs, les tissus, les plastiques, le bois ou des cloisons de plâtre. Développé en deux ans, par la PME MC2 Technologies, le projet a reçu le soutien de la Direction générale de l’armement (DGA). Millicam 90 répond notamment aux besoins de sécurisation des aéroports, de surveillance de lieux publics, de détection d’engins explosifs. Cette caméra verra en 3D dans une future version.
- Every talk - Le smartphone 4G
Every Talk est un smartphone conçu pour les policiers, les pompiers, les secouristes, les gendarmes. Sa coque ultradure est résistante aux chutes et aux chocs. Il a été conçu par Thales, qui commercialise également l’infrastructure, le réseau Temax, qui permet de l’utiliser. Every Talk est un véritable concentré de technologie qui utilise la 4G. Il est doté, comme l’iPhone, d’un App Store baptisé « Thales Store » avec ses applications professionnelles. Every Talk est testé jusqu’à la fin 2011 par des équipes spécialisées avant d’être mis au catalogue de Thales.
- Morphoway - L’ « e-gate » qui reconnaît le visage d’un passager « à la volée »
Morpho, filiale de Safran, présente à Paris ses portes de contrôle d’identité MorphoWay dont la nouvelle génération sera présente au salon Biometrics Londres (19 au 20 octobre). Elle est déjà disponible pour commercialisation. MorphoWay reconnaît les voyageurs en temps réel et simplifie les procédures de vérification aux frontières. Ces sas automatiques (e-gates) lisent les données biométriques enregistrées dans les passeports et les comparent à celles de leur propriétaire. Basées sur la technologie de reconnaissance par empreintes digitales, du visage ou de l’iris, elles permettent un passage à la frontière plus fluide et moins intrusif pour les passagers.
- Hercule - L’exosquelette
La DGA, qui a financé le projet, n’hésite pas à dire qu’il s’agit « d’une première mondiale ». RB3D, une start-up de jeunes ingénieurs fous de high-tech, a développé un squelette artificiel bourré de capteurs et doté de jambes mécatroniques. Les bras seront prêts dans quelques mois. Hercule, c’est son nom, « s’enfile » comme un manteau. Nul besoin de le relier à des capteurs posés sur le corps, il détecte, grâce à son intelligence, les mouvements de l’utilisateur et les accompagne en les rendant plus amples et en les renforçant. Il aide le soldat, le membre d’une unité d’élite ou le sauveteur à porter des charges (humaines ou non) jusqu’à 100 kg. Il est assez souple pour monter et descendre des escaliers et crapahuter sur des terrains instables. Hercule a une autonomie de 20 km à une allure de 4 km/heure.
- DCL - Le drone de contact léger
Conçu par Air Robot, le drone de contact léger (DCL) pèse 600 grammes pour une envergure de 70 cm. Il a été développé pour réaliser des missions de reconnaissance avant intervention en milieux contaminés ou lors de manifestations. Il est en cours de dotation au Raid.
(URL de la source : http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2011/10/17/04016-20111017ARTFIG (...)