Numerama.com - 03.06.2011
par Guillaume Champeau
Un rapport de l'ONU sur la liberté d'expression et Internet demande aux États, à commencer par la France, de renoncer aux lois qui permettent de suspendre l'accès à Internet en cas de violation des droits d'auteur.
Le rapporteur spécial des Nations Unies pour la protection de la liberté d'expression présente ce jeudi un rapport (pdf) sur les politiques relatives à Internet, dont les conclusions ont été analysées par la Quadrature du Net. "Ses recommandations pour la protection des libertés fondamentales contredisent radicalement les orientations fixées par les gouvernements du G8", se félicite l'organisation, qui estime que le rapporteur "met brillamment en lumière les lignes que les gouvernements ne doivent pas franchir afin de protéger les droits fondamentaux des citoyens et la démocratie".
Parmi les conclusions du rapport de l'ONU, le rapporteur spécial "prie instamment les États d'abroger ou de modifier les lois de propriété intellectuelle actuelles qui permettent que des utilisateurs soient déconnectés de l'accès à Internet, et de s'abstenir d'adopter de telles lois". On ne pouvait faire plus clair à destination de la France et de sa loi Hadopi, ou des pays comme la Grande-Bretagne qui souhaiteraient bientôt l'imiter.
"Le Rapporteur Spécial considère que couper des utilisateurs de l'accès à Internet, quelle que soit la justification avancée, y compris pour des motifs de violation de droits de propriété intellectuelle, est disproportionné et donc contraire à l'article 19, paragraphe 3, du Pacte International relatif aux Droits Civiques et Politiques".
Par ailleurs, le rapporteur s'oppose au fait de rendre les intermédiaires techniques responsables des activités de leurs utilisateurs, comme le suggère l'accord ACTA et les conclusions du G8. En établissant une responsabilité pénale des FAI et hébergeurs pour les agissements de leurs clients et utilisateurs, la loi contraindrait de fait les intermédiaires à surveiller et brider la liberté d'expression des internautes.
Enfin, à l'heure où les mesures de filtrage se multiplient, avec encore une nouvelle proposition émanant cette semaine de Frédéric Lefebvre, le rapporteur se dit "profondément préoccupé par les mécanismes de blocage et de filtrage de plus en plus sophistiqués utilisés par les États pour la censure". Sans être opposé au filtrage, il demande que la mesure soit proportionnée et transparente. "Le manque de transparence autour de ces mesures fait qu'il est aussi difficile de déterminer si le blocage ou le filtrage est réellement nécessaire pour l'objectif avancé par les États. En tant que tel, le Rapporteur Spécial invite les États qui bloquent actuellement des sites web à fournir les listes des sites bloqués et les détails complets concernant la nécessité et la justification de tels blocages ou filtrages pour chacun des différents sites", indique le rapport.
"Le rapport de l'ONU sur la liberté d'expression en ligne est un coup porté aux gouvernements du G8, au commissaire européen Michel Barnier, et aux gouvernements impliqués dans la négociation de de l'accord ACTA, qui sont tous en train de transformer les acteurs du Net en police privée du droit d'auteur", se réjouit Jérémie Zimmermann, le porte-parole de la Quadrature du Net. "Le rapporteur spécial des Nations Unies Franck La Rue affirme que la liberté d'expression est plus importante que le droit d'auteur et qu'elle doit être protégée à tout prix, dans les régimes autoritaires comme dans les démocraties. Les citoyens de par le monde doivent s'inspirer de ce rapport et tenir leurs gouvernements pour responsables des politiques qui portent atteinte à Internet et nos libertés".