LeNouvelObs.com - 5.05.2011
Propos recueillis par Morgane Bertrand
Hervé Le Treut, physicien-climatologue, fait le point sur les relations entre sécheresse et réchauffement climatique.
Peut-on expliquer les épisodes de sécheresse par le réchauffement climatique ?
- Il faut veiller à ne pas confondre deux échelles temporelles. Les émissions de gaz à effets de serre et leurs effets s’évaluent sur quelques décennies : la durée de vie du CO2 dans l’atmosphère est de 100 ans environ, il s’accumule depuis les années 1950… La sécheresse actuelle, elle, est un événement ponctuel, qui peut s’interrompre à tout moment.
D’ailleurs, on prend pour référence celle de 1976, époque où il y avait beaucoup moins de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Un épisode de sécheresse, hors contexte, relève de la météorologie, qui change d’une semaine ou d’une année sur l’autre et qu’on ne peut prévoir à long terme.
La sécheresse actuelle est le fruit du hasard ?
- Il y a une grande part de hasard dans le comportement de l’atmosphère. Mais parallèlement, certains facteurs font que le hasard n’est pas total. Il existe par exemple des phénomènes organisés à l’échelle saisonnière qui sont liés aux océans. Le Niño et la Niña dans le Pacifique, mouvements d’eau chaude d’un bord à l’autre de l’océan, favorisent des inondations ou des sécheresses. Inondations en Californie ou au Pérou pendant El Niño, en Inde ou au Pakistan pendant la Niña. Et sécheresses en Australie pendant El Niño.
Et en Europe ?
- Le climat en Europe est faiblement influencé par ce mouvement de balancier des eaux du Pacifique, mais il dépend d’une oscillation Nord-Atlantique plus difficile à prévoir qui peut le moduler à l’échelle décennale. Le réchauffement climatique lié aux gaz à effet de serre intervient aussi comme un modulateur, qui affecte les autres phénomènes météorologiques, qui ne sont appréhendables que de manière statistique. Prenez un dé. En situation normale, le 6 revient en moyenne toutes les 6 fois. Dans un dé pipé, il revient plus souvent. Ce qu’on peut craindre pour le futur, c’est qu’il y ait une modification de la fréquence ou de l’intensité des sécheresses.
Plus de sécheresses, où et quand ?
Une inquiétude forte par rapport à la sécheresse concerne en particulier le pourtour du bassin méditerranéen. Toutes les projections montrent sa vulnérabilité. Cela peut s’expliquer : un climat plus chaud peut favoriser des anticyclones sur ces régions, empêchant les masses d’air humide d’y pénétrer. Il s’agit d’un risque suffisamment plausible pour s’y préparer dès maintenant, par une bonne gestion des ressources en eau par exemple, ou par des choix de pratiques agricoles adaptés.
Dans nos modèles, l’Europe du nord, elle, n’a pas systématiquement tendance à s’assécher, à la différence de l’événement de sécheresse actuel, qui touche particulièrement le nord et l’ouest de la France. Mais de manière générale, la capacité de s’adapter à des fluctuations météorologiques naturelles ou à des changements climatiques de plus long terme liés aux activités humaines, va de pair.
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/secheresse/20110525.OBS3931/demain-des-secheresses-plus-frequentes-et-plus-intenses.html