Quand l’on exhibait, il n’y a pas si longtemps, d’Afrique subsaharienne, et notamment du Libéria ou de la Sierra Leone, des photos d’enfants de 10, 12 ou 15 ans portant Kalachnicov en bandoulière, un fusil bien trop lourd pour leurs maigres épaules sinon trop long pour leur taille, l’on avait quelque peine à croire que des hommes sains d’esprit se soient débarrassés de tout scrupule pour impliquer des enfants dans leur combat d’adultes. Mais cela se passant dans l’Afrique profonde, que l’on disait alors très distante du monde moderne, l’on finissait rapidement par se rendre à l’évidence : l’effet de causalité avait lui-même ses raisons.
Mais, aujourd’hui, l’exemple de ces enfants armés et capables de tuer se retrouve en Algérie même, où, précisément à Boumerdès, à quelques encablures donc de la capitale, de jeunes collégiens ont à nouveau* affaire à la justice pour répondre de leurs activités liées au terrorisme. Manipulés par des assassins barbares essaimés dans la région, ces terroristes en herbe sont accusés d’avoir fourni à leurs commanditaires des renseignements, distribué du matériel de propagande qui fait l’apologie du terrorisme, de s’être prêtés à une formation paramilitaire, et enfin d’avoir accompli sans doute d’autres actes répréhensibles faisant d’eux des criminels susceptibles de devenir demain des kamikazes si les services de police ne les avaient pas stoppés à temps dans leur élan.
Finalement, ces garçons écopent de trois ans de prison ferme chacun, une sanction sans doute jugée bien trop lourde par leurs parents, présents dans la salle d’audience, qui découvrent alors seulement, pour leurs enfants, la perspective de leurs études compromises, de leur avenir gâché. Car, au terme d’une incarcération aussi longue, il n’est pas sûr, en effet, que ces adolescents gardent quelque attirance pour les bancs de l’école, parce qu’ils se seront suffisamment frottés, pendant tout ce temps, à un autre milieu plus dévastateur encore, celui des voyous et des voleurs, des bandits et des drogués, des durs à cuire et des récidivistes, dont on garde fatalement des traces indélébiles pour l’éternité.
Ces parents, qui, pourtant, ont promptement fondu en larmes à l’énoncé du verdict, n’ont-ils vraiment rien à se reprocher, pas de responsabilité directe à assumer dans la conduite criminelle de leur progéniture ? Bien que la rue, en Algérie, se charge seule parfois de l’éducation des enfants qu’on y jette sous vingt prétextes pour ne pas avoir à souffrir chez soi leur brutalité, leur violence et leur indiscipline, le père comme la mère doivent prendre conscience de leur propre et immense échec si leur enfant, sitôt franchie la barre des dix ans, commence à dévier du droit chemin. C’est à eux seuls, comme tuteurs, qu’il incombe de suivre et de contrôler pas à pas les activités de leur progéniture et de rendre compte éventuellement de ses gestes et autres actes malveillants, et ce, tant qu’elle n’a pas encore atteint la majorité. Car, une fois devenu adulte, l’enfant échappe à toute tutelle et se place au même rang que l’homme du commun qui sera jugé avec toute la rigueur de la loi à hauteur de ses faits et gestes illégaux, de ses délits et de ses crimes. En cela, oui, c’est peut-être le rappel nécessaire qu’il faut adresser avec insistance à tous les parents dont l’abdication inconsciente des premiers devoirs a pour effet de produire des petits monstres que d’autres petits malins n'éprouvent aucune gêne à transformer au besoin en kamikazes.
*) Une première affaire a fait l'objet de l'article ci-dessus.