En Syrie les manifestations anti régime se sont déroulées encore une fois dans le sang

Bravant les interdits, des dizaines de milliers de Syriens ont occupé la rue, au sortir de la prière de ce vendredi, pour protester contre le régime despotique d'Assad, revendiquer les libertés publiques et exprimer leur solidarité avec les victimes de Deraa, berceau de la révolte.

Les cortèges se sont principalement formés à Damas, à Homs au centre du pays, mais aussi à Banias, à l'est.

À Damas notamment, les soldats en tenue de combat étaient là en grand nombre, à bord de leurs véhicules chargés de mitrailleuses.

Tandis que l'on annonçait, il y a moins d'une heure seulement, des manifestations dans le calme, une dépêche de l'AFP qui vient de tomber apporte un démenti formel : 7 personnes au moins ont été tuées à Deraa et des dizaines d'autres blessées par des tirs des forces de l'ordre.

Les autorités syriennes ne semblent pas avoir tenu grand compte des sévères critiques qui ont accompagné l'examen des violences dont elles étaient accusées devant la dernière réunion du Conseil de sécurité.

À ce jour, plus de 500 personnes ont trouvé la mort, au cours des différentes manifestations où l'armée avec ses blindés et ses snippers a tiré à balles réelles sur les citoyens qui ont osé réclamer leurs droits les plus élémentaires.

Le chiffre des victimes a été revu notablement à la hausse en fin de journée. On parle à présent de 16 morts à Deraa et non plus de 7 morts.

Les forces de l'ordre ont ouvert le feu sur les villageois venus apporter des victuailles aux habitants de la ville assiégée, rapportent les médias internationaux.

L'agence syrienne Sanaa indique, pour sa part, que quatre soldats syriens ont été tués et 2 autres enlevés lors d'une attaque contre un poste militaire à Deraa par "un groupe terroriste armé".

C'est bien là la réponse du berger à la bergère. Dans un pays où les hommes sont abattus sans retenue et avec un consternant sang-froid, comme au tir aux pigeons, il eût été incompréhensible pour les manifestants disposant d'armes individuelles de ne pas vouloir s'en servir dans des cas aussi extrêmes... Il est vrai qu'en Syrie, où la situation de guerre larvée est toujours présente, il circule d'importantes quantités d'armes automatiques sous le manteau, un motif supplémentaire qui aurait dû décourager le pouvoir central pour ne pas user de façon aussi intensive que bestiale d'armes de guerre contre des manifestants pacifiques réclamant simplement leurs droits.

Le chiffre des victimes a encore été revu à la hausse, ce matin, puisque l'on parle désormais non pas de 16 mais de 66 tués hier, selon des médias qui se réfèrent aux déclarations de militants des droits de l'homme syriens.

Dans la seule ville de Deraa, le bastion de la révolte, il y aurait eu 33 morts, la plupart étant le fait de snippers tirant à partir des toits sur tout passant dans la rue. D'autres sont attribués aux militaires contrôlant les accès et ouest de la ville. Ont été visées des personnes venues des villages voisins apporter de la nourriture aux assiégés, terrés chez eux depuis maintenant cinq jours.

Ce nouveau bain de sang incite Washington et l'Union européenne à prendre des sanctions contre le régime de Damas. Obama a décidé d'ores et déjà des sanctions économiques contre le frère de Bachar el-Assad, Maher, ainsi que contre Ali Mamlouk, chef des services de renseignement et Atef Najib, ancien chef du renseignement pour la province de Deraa (sud), a annoncé vendredi la Maison-Blanche.

Pour sa part, l'U.E. est sur le point de décréter un embargo sur les armes, en attendant de préparer d'autres sanctions.

Enfin, le Conseil des droits de l'homme, réuni hier, a demandé l'envoi d'une mission d'enquête en Syrie pour relever les violations des droits de l'homme. Présentée par les USA, la résolution, condamnant explicitement l'usage de la violence meurtrière contre les manifestants pacifiques par les autorités syriennes, a été adoptée par 26 voix pour, 9 contre et 7 abstentions. La Chine, la Russie, le Pakistan et Cuba sont au nombre des votants contre la résolution.

Enfin, toutes ces tueries n'ont pas entamé la détermination des Syriens à poursuivre leur combat pour la démocratie et le départ du despote. Un appel à une nouvelle manifestation d'envergure est d'ores et déjà lancée pour vendredi prochain.

Après avoir fait massacrer son peuple avec des canons et des chars, le sanguinaire Assad s'emploie aujourd'hui à arrêter massivement ses compatriotes, soupçonnés d'avoir pris part aux manifestations demandant sa destitution. On estime à un millier le nombre total de personnes incarcérées en Syrie ces jours derniers.

"Les arrestations massives menées par les autorités syriennes se poursuivent dans les gouvernorats notamment à Deraa (sud), dans la province de Damas et à Idleb (nord-ouest)", affirme le communiqué de l'Organisation nationale des droits de l'Homme (ONDH), rapporté dans une dépêche de l'AFP.

"Il y a eu une intensification insensée des arrestations dans les villes. Les autorités arrêtent tous ceux qui veulent manifester, notamment des écrivains, des intellectuels et des militants connus pour leurs revendications en faveur des réformes", ajoute l'ONDH.

Des condamnations fusent de nombreuses capitales du monde libre qui appellent à des sanctions sévères contre le régime despotique responsable de la mort de près de six cents personnes.