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 Histoire de la Palestine entre 1917 et 1947

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mâchicoulis




Nombre de messages : 111
Date d'inscription : 30/10/2010

Histoire de la Palestine entre 1917 et 1947 Empty
MessageSujet: Histoire de la Palestine entre 1917 et 1947   Histoire de la Palestine entre 1917 et 1947 EmptyVen 8 Avr - 19:01

Une foison considérable d'écrits se rapportant à la Palestine ont vu le jour dans les différents médias pour commenter l'actualité d'une période ou d'un moment mais rarement pour rappeler l'historique de la fixation d'Israël sur ce territoire. Un avocat, Gilles Devers, tente de combler cette lacune, en écrivant un article dans ce sens sur son blog http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/. Certes, il ne s'agit là que d'une simple approche juridique, telle que la SDN (Société des Nations, ancêtre de l'ONU) la concevait elle-même, mais il a le mérite de décrypter quelque peu les circonstances qui ont donné lieu à un état de fait établi, aujourd'hui pesant et sans aucun doute préjudiciable à la Palestine elle-même, d'une part, et au droit international, d'autre part.
Voici donc cet article, à l'attention des lecteurs de Thilelli, qui restent libres d'y apporter les commentaires de leur choix.

*****************************************************************************************
Gilles Devers - 7.04.2011

Comment s’est construite l’histoire de la Palestine lors du XX° Siècle ? Tout part de la fin de la Première Guerre Mondiale, avec la dislocation de l’Empire Ottoman.

Le régime des mandats de la SDN (1922)

Le régime des mandats a été une pratique étendue à la fin de la Première Guerre Mondiale. Dans un langage très caractéristique de l’époque, il s’agissait de gérer le mouvement d’indépendance des nations. C’était la solution juridique envisagée alors qu’apparaissait l’idée ce qui allait plus tard s’imposer comme principe, le droit des peuples à l’autodétermination.

S’agissant de l’autodétermination du peuple palestinien, la référence se trouve à l’article 22 du Pacte de la SDN.

Les deux premiers aliénas définissent le cadre général, par référence à la notion de souveraineté.

« Les principes suivants s'appliquent aux colonies et territoires qui, à la suite de la guerre, ont cessé d'être sous la souveraineté des États qui les gouvernaient précédemment et qui sont habités par des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne. Le bien-être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation, et il convient d'incorporer dans le présent Pacte des garanties pour l'accomplissement de cette mission. »

« La meilleure méthode pour réaliser pratiquement ce principe est de confier la tutelle de ces peuples aux nations développées qui, en raison de leurs ressources, de leur expérience ou de leur position géographique, sont le mieux à même d'assumer cette responsabilité et qui consentent a l'accepter: elles exerceraient cette tutelle en qualité de Mandataires et au nom de la Société. »

L’article 22 : Les mandats pour l’ancien Empire Ottoman

L’article 22 se poursuit en décrivant les divers types de mandats, suivant le degré de développement, la situation géographique et économique du territoire. L’aliéna 4, décisif, traite de l’ancien Empire ottoman.

« Certaines communautés, qui appartenaient autrefois à l'Empire ottoman, ont atteint un degré de développement tel que leur existence comme Nations indépendantes peut être reconnue provisoirement, à la condition que les conseils et l'aide d'un Mandataire guident leur administration jusqu'au moment où elles seront capables de se conduire seules. Les vœux de ces communautés doivent être pris d'abord en considération pour le choix du Mandataire ».

Se référant aux mandats dits de classe « A », attribué aux territoires arabes de l’Empire Ottoman dont la Palestine, la Société des Nations énonçait :

« Dans un premier groupe – les mandats « A » (Syrie, Liban, Palestine, Transjordanie et Iraq) – la nation est provisoirement reconnue comme indépendante, mais reçoit le conseil et l’assistance administrative du mandat jusqu’à ce qu’elle soit capable d’être indépendante (…)

« Le mandat « A » diffère sensiblement de ceux des deux autres catégories. Dans les pays auxquels ils s’appliquent, les habitants ont atteint un stade de développement plus avancé et leur indépendance pourrait en principe être reconnue par le pacte, sous les conditions ci-dessus mentionnées. La mission des mandataires dans ces pays a donc consisté principalement à développer leur capacité à s’autogouverner, à établir leurs systèmes économiques et les institutions sociales et autres sur une base plus stable de manière à ce qu’elles puissent assumer leur position en tant que nations indépendantes. »

Comme l’a rappelé la Cour Internationale de Justice (CIJ, 11 juillet 1950, Statut international du sud ouest africain) ces mandats reposaient sur deux principes : la non-annexion et le développement des peuples.

Le Premier ministre britannique, Lloyd Georges, avait exprimé le point de vue du Royaume-Uni, qui allait être mandataire pour la Palestine, dès 1918 :

« L’Arabie, la Mésopotamie, la Syrie et la Palestine ont d’après nous le droit de voir reconnaître leurs aspirations nationales séparées, et (…) le principe d’autodétermination nationale est donc applicable à ces cas de la même manière qu’aux territoires européens occupés. »

Une quinzaine de mandats ont été adoptés dans le cadre de cet article 22 précité, tous confiés aux puissances coloniales, vainqueurs de la Guerre. Trois concernaient l’ancien empire ottoman : l’Irak, la Syrie, et la Palestine. Celui-ci, signé le 24 juillet 1922, visait les territoires qui correspondent aujourd’hui à la Jordanie, à la Palestine occupée et à Israël. L’Irak, la Syrie et le Liban sont parvenus, non sans mal, à l’indépendance. La Jordanie a été disjointe du mandat de Palestine par un accord avec les autorités jordaniennes ouvrant la voie à l’indépendance.

La spécificité du mandat pour la Palestine

Le processus, décrit précédemment pour les autres pays, n’a pas été achevé vis-à-vis de la Palestine

Une raison très précise est à l’origine de tous les évènements qui ont suivi : l’engagement du 2 novembre 1917 de la couronne britannique, représentée par Lord Arthur Balfour, le ministre britannique des Affaires étrangères, à Lord Rothschild, représentant de la Fédération sioniste, de créer en Palestine un « foyer national juif ». Cette question, a été incluse dans le mandat.

La première étape a été d’identifier la Palestine, dans le cadre du démantèlement de l’Empire ottoman, et ce serait le fait de l’article 95 du Traité de Sèvres du 10 août 1920. Pour prévoir le « foyer national juif », le texte souligne la préexistence des droits des Palestiniens : rien ne peut être fait qui cause préjudice aux droits civils et religieux des Palestiniens.

Art. 95. – The High Contracting Parties agree to entrust, by application of the provisions of Article 22, the administration of Palestine, within such boundaries as may be determined by the Principal Allied Powers, to a Mandatory to be selected by the said Powers. The Mandatory will be responsible for putting into effect the declaration originally made on November 2, 1917, by the British Government, and adopted by the other Allied Powers, in favour of the establishment in Palestine of a national home for the Jewish people, it being clearly understood that nothing shall be done which may prejudice the civil and religious rights of existing non-Jewish communities in Palestine, or the rights and political status enjoyed by Jews in any other country”.

Cet article qui fait référence aux frontières de la Palestine, renvoyant à un plan, d'un futur mandat d’administration, confié à l’une des grandes puissances, mentionne bien aussi la déclaration du 2 novembre 1917, accompagnée de la préconisation de ne causer aucun préjudice aux populations non juives.

Le traité de Lausanne

Ce traité [de Sèvres] ne sera pas ratifié par les instances de la nouvelle Turquie, et le traité de Lausanne, du 24 juillet 1923, lui succédera, étant précisé qu’entre temps, le 24 juillet 1922, la SDN valide le mandat donné au Royaume Uni sur la Palestine. Selon le premier alinéa du préambule, il s’agit de déterminer le rôle d’un mandataire chargé de l’administration du territoire de la Palestine, qui « appartenait autrefois à l’Empire Turc ».

La déclaration de Lord Balfour est citée dans le préambule du mandat, le texte du mandat visant à concilier ces deux objectifs inconciliables : foyer national et indépendance dans le respect des frontières d’origine.

L’article 1 prend acte de la souveraineté, inaliénable, du peuple palestinien, le mandataire ayant, selon l’article 1 tous les pouvoirs pour la législation et l’administration :

« Art. 1. - The Mandatory shall have full powers of legislation and of administration, save as they may be limited by the terms of this mandate. »

Si l’article 2 prévoit que le Royaume-Uni a « la responsabilité d’instituer dans le pays un état de choses politique, administratif et économique de nature à assurer l’établissement du foyer national pour le peuple juif », ce dernier doit surtout :

« assurer également le développement d’institutions de libre gouvernement, ainsi que la sauvegarde des droits civils et religieux de tous les habitants de la Palestine, à quelque race ou religion qu’ils appartiennent. ».

La notion de foyer national restait à définir, mais devait s’inscrire dans le respect de l’article 4 qui prévoyait :

« Un organisme juif convenable sera officiellement reconnu et aura le droit de donner des avis à l’administration de la Palestine et de coopérer avec elle dans toutes questions économiques, sociales et autres, susceptibles d’affecter l’établissement du foyer national juif et les intérêts de la population juive en Palestine, et, toujours sous réserve du contrôle de l’administration, d’aider et de participer au développement du pays. ».

Ce projet « ne peut porter préjudice aux droits civils et religieux » des autres communautés, et surtout le mandat ne peut échapper au cadre de l’article 22 du Pacte, à savoir le respect de la souveraineté, et la garantie essentielle se trouve à l’article 5, qui protège l’intégrité du territoire :

« Le mandataire sera responsable de veiller à ce qu’aucun territoire palestinien ne soit cédé ou abandonné, ni en aucune manière placé sous le gouvernement d’une quelconque puissance étrangère. »

Le mandat n’est donc que d’administration, et ne pourra non plus, et en aucune manière, modifier la substance de la souveraineté, dans les limites territoriales fixées par un mémorandum britannique du 16 septembre, et correspondant aux limites de l’ancienne province de l’empire ottoman.

Les textes du droit applicable en Palestine montrent que l’ordre juridique palestinien était déjà pleinement structuré à l’époque, et respecté par le mandataire.

Parmi une documentation très fournie sur le droit applicable pendant la période du mandat, l’élément central est la sentence arbitrale sur la dette publique ottomane, du 18 avril 1925.

Affaire de la dette publique ottomane (Sentence arbitrale du 18 avril 1925)

La question posée est celle de la dette publique ottomane, qui au début des années 1920 doit être partagée entre la Turquie et les « territoires détachés de l’Empire Ottoman », à la suite du processus enclenché par le traité de Lausanne du 24 juillet 1923. L’arbitre a été saisi par le Conseil de la Société des Nations. Les parties à l’arbitrage sont, sur un pied d’égalité, la Turquie, la Bulgarie, la Grèce, l’Italie, l’Irak, la Transjordanie et la Palestine.

On lit au point 1, page 532 :

« Sur convocation communiquée par le Secrétariat général de la Société des Nations aux cinq Puissances recourantes, ainsi qu'à l'Italie, ont comparu devant l'Arbitre siégeant à Londres dans la salle d'audience du Tribunal arbitral mixte anglo-allemand, 2, Cavendish Square, le lundi 20 janvier 1925, à 16 heures, les États ci-après:

- La Bulgarie, représentée par MM. Steyan Petroff Tchomakoff, Conseiller de la Légation de Bulgarie, et Th. Papazoff, Conseiller à la Cour de Cassation de Sofia;

- Les États placés sous mandat français, représentés par M. Adrien Thierry, Premier Secrétaire de l'Ambassade de France à Londres, lequel était assisté de Adib Pacha, Secrétaire général de l'État du Grand Liban, représentant ce dernier;

- L'Irak, la Palestine et la Transjordanie, représentés par Sir Paul Harvey, lequel était assisté de MM. R. V. Vernon et Ibrahim Effendi El Kebir, pour l'Irak;

- La Grèce, représentée par M. Alexandre A. Pallis, Délégué près de la D.P.O.
»

La Palestine est citée comme partie, en qualité d’État, et cette qualité n’est ni contestée, ni même discutée.

Le dispositif de la sentence (page 611) se prononce sur la répartition la dette, et la met à la charge des Etats, sans autre réserve, et ce même pour la Palestine, qualifiée d'État sous mandat britannique. De fait, la sentence cite de nombreux points intéressant la Palestine, en tant que telle. La formule est reprise s’agissant de la prise en charge des honoraires (VII, page 613)

« Les honoraires de l'Arbitre et les autres frais du présent Arbitrage sont mis à la charge des Parties, et répartis entre Elles comme suit:

Trois parts à la charge de l'Irak, de la Palestine et de la Transjordanie, pris collectivement comme États placés sous mandat britannique;

Deux parts à la charge de la Syrie et du Liban, pris collectivement comme Etats placés sous mandat français;

Une part à la charge de la Bulgarie;

Une part à la charge de la Grèce;

Une part à la charge de l'Italie;

Une part à la charge de la Turquie.

Total: neuf parts.
»

Dans la partie « Frais de l’arbitrage » (p. 608), l’arbitre s’interroge sur la répartition des frais d’arbitrage. Il écarte une première interprétation fondée sur une répartition en fonction du bénéfice tirée de la décision, pour dire ceci (p. 609) :

« 3. Le seul procédé correct demeure celui qui consiste à répartir les frais d'une manière égale entre les États comme tels. Ici se présente la difficulté de savoir comment il convient d'envisager les Pays d'Asie sous mandat britannique et sous mandat français. L'Irak est un Royaume, à l'égard duquel la Grande-Bretagne a assumé des responsabilités équivalant à celles d'une Puissance mandataire. Sous le mandat britannique, la Palestine et la TransJordanie ont chacune une organisation entièrement distincte. On est donc en présence de trois États suffisamment séparés pour être considérés ici comme Parties distinctes ».

Puis l’arbitre conclut sur une formulation qui renvoie à l’égalité souveraine des parties entre elles :

« Le nombre des Parties à considérer ici est donc de neuf. L'Arbitre estime ne pas être autorisé à faire entre Elles une distinction au point de vue de leur importance et à consacrer ainsi, même en simple apparence, une inégalité qui n'existe pas entre Elles ».

Confirmation de cette analyse par le RU, mandataire

Le 18 février 1947, le secrétaire d’État britannique aux affaires étrangères, devant la Chambre des communes, a reconnu être dans l’incapacité d'imposer une solution de partage, en retenant l’existence de « deux communautés en Palestine », la souveraineté palestinienne n’étant pas discutable :

« His Majesty's Government have .... been faced with an irreconcilable conflict of principles. There are in Palestine about 1,200,000 Arabs and 600,000 Jews. For the Jews, the essential point of principle is the creation of a sovereign Jewish State. For the Arabs, the essential point of principle is to resist to the last the establishment of Jewish sovereignty in any part of Palestine. The discussions of the last month have quite clearly shown that there is no prospect of resolving this conflict by any settlement negotiated between the parties. But if the conflict has to be resolved by an arbitrary decision, that is not a decision which His Majesty's Government are empowered, as Mandatory, to take. His Majesty's Government have of themselves no power, under the terms of the Mandate, to award the country either to the Arabs or to the Jews, or even to partition it between them. »



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