Les Yéménites ont enterré leurs morts dans une profonde douleur

Pendant que le monde avait les yeux tournés sur la Libye, hier, un carnage se produisait à Sanaa, au Yémen. 52 manifestants ont trouvé la mort, suite aux tirs de snipers appartenant vraisemblablement aux forces de l'ordre yéménites, et opérant à partir des fenêtres des immeubles avoisinant la place où se tenait le rassemblement.

Aussi, à l'occasion des funérailles de ces victimes aujourd'hui, un immense cortège s'est étiré de l'université, lieu de la tuerie d'hier, jusqu'au cimetière distant de quelques kilomètres.

La foule était, bien sûr, surchauffée à la vue d'un massacre semblable, opéré de surcroit en silence, le monde étant davantage préoccupé par l'affaire libyenne.

Des slogans scandés par la foule ont accompagné les dépouilles mortelles à leur dernière demeure. "Le sang des martyrs n'est pas versé en vain", pouvait-on entendre. Personne ne croyait alors à la version officielle selon laquelle les tireurs n'avaient aucun lien avec la force publique. Pour tous, "Seul le président Saleh est responsable de ce massacre", laissait-on également entendre.

À ces obsèques, l'occasion avait réuni à la fois les opposants et les indépendants parmi les représentants des partis politiques, tous également consternés devant la gravité de la circonstance.

Trois ministres en exercice ont d'ailleurs déposé leur démission aujourd'hui même, en signe de protestation contre une aussi terrible répression.

Les religieux, de leur côté, ont adjuré les membres des forces de l'ordre à désobéir désormais aux ordres de tuer, et accusé nommément le président d'être responsable premier du carnage d'hier. Dans un communiqué repris par l'AFP, ces religieux ont demandé par ailleurs le retrait de Sanaa de la garde républicaine et que le corps de la sécurité publique, appelé police politique, soit dissous.

Saleh, pour tenter de se dédouaner, n'a bien évidemment rien trouvé d'autre que de faire de la journée d'aujourd'hui un jour de deuil national, décision estimée ridicule par la coordination des manifestants dans un communiqué.

Pour tout le peuple, "le pouvoir a perdu désormais toute légitimité", a-t-on soutenu dans toutes les associations nationales révoltées par la catastrophe qui a secoué le pays tout entier.

avec le nouvelobs.com

Le Yémen vit manifestement une succession de défections de dignitaires du régime, suite au massacre, vendredi dernier, de 52 manifestants pacifiques réunis avec leurs milliers de camarades dans un sit in devant l'université. Après les 3 ministres, dont la démission a été rendue publique hier, c'est aujourd'hui le tour des ambassadeurs yéménites aux Nations unies, au Koweit et en Arabie saoudite, du gouverneur de la province d'Aden et des dirigeants du parti présidentiel d'annoncer leur retrait, pour protester contre la dernière tuerie. D'après l'ambassadeur yéménite à Paris, interrogé par France-24, lui-même et quatre de ses collègues en poste en Europe se sont désolidarisés de l'action gouvernementale, sans rallier l'opposition, en demandant au président Saleh de se décharger de ses responsabilités et de les confier vraisemblablement à l'armée.

Du côté de cette dernière, d'ailleurs, une cinquantaine d'officiers ainsi que trois généraux ont déserté également les rangs pour se joindre aux manifestants ce matin à Sanaa. Ils se sont présentés vers midi, accompagnés de soldats qui ont suivi leur mouvement, au rassemblement des jeunes manifestants pour annoncer leur décision à la tribune, rapportent les correspondants d'agences de presse.

En particulier, le général, Ali Mohsen Al-Ahmar, chef de la première division blindée, s'est, lui, adressé au peuple, par l'entremise de la chaîne el-Jazeera, pour lui faire part de son ralliement à "la révolte pacifique des jeunes" réclamant le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans. L'officier général s'est, à cette occasion, indigné de constater comment le chef de l'État "réprime les manifestants pacifiques" et "pousse le pays vers la guerre civile".

La situation sur place commence à prendre des proportions peu propices au retour de la paix, des chars ayant été massivement déployés dans la capitale même, à des fins d'intimidation sans doute des manifestants, à l'exemple de ce qu'à fait Kadhafi dans son pays.

Enfin, si le secrétaire général de l'ONU Ban Ki Moon et certains chefs d'État étrangers, comme Sarkozy, ont condamné jusqu'ici fermement l'usage exagéré de la force pour réprimer les manifestations pacifiques, en revanche, les USA n'osent pas encore se prononcer, leurs intérêts propres prédominant visiblement sur la question des libertés et des droits humains.

Le Yémen est en effet exposé, par ailleurs, à des luttes confessionnelles, entre chiites au nord et sunnites au sud, qui obligent à une grande retenue, d'autant que le nord est supposé abriter un fief de terroristes islamistes, qui dérange grandement le voisin immédiat, l'Arabie saoudite, principal allié de Washington dans la région.

Enfin, pour Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères, le départ de Saleh est "incontournable", selon ses propres mots.

Le président Ali Abdallah Saleh est poussé chaque jour un peu plus vers la porte de sortie. Mais cette pression s'avère à présent bien plus forte qu'elle ne l'était avant vendredi dernier, où 52 manifestants ont perdu la vie par balles imputées à des snipers appartenant au corps de la police secrète, a-t-on dit.

Le général de la division blindée qui a rallié l'opposition a même cru devoir aujourd'hui disposer ses chars et ses tanks tout autour de la foule des manifestants pour la protéger, mettant ainsi en garde d'éventuels tireurs qu'ils ne peuvent plus renouveler leurs actes lâches et barbares sans être immédiatement abattus eux-mêmes en même temps que les occupants des logements alentour qui leur ouvrent leurs portes.

Cette situation nouvelle a contraint le tyran en place à proposer cette fois de céder son siège non plus en 2013 à la fin de son mandat mais en janvier prochain, ce que rejettent quand même les manifestants.

Il faut dire que la communauté internationale commence à s'inquiéter sérieusement des débordements qui l'accusent et le rendent désormais infréquentable, malgré le soutien des USA dont il pouvait se gausser jusqu'ici.