Le Point - 10.03.2011
Par Emmanuel Berretta
L'éditeur exploitait, à tort, les droits du film "La belle équipe", réalisé en 1936 par Julien Duvivier.
Les cinéphiles se souviennent forcément de La belle équipe, film réalisé en 1936 par Julien Duvivier avec cette séquence devenue culte où Jean Gabin chante "Quand on se promène au bord de l'eau..." en roulant les R... Un film qui donne lieu à un contentieux depuis 2006 entre l'éditeur René Château Vidéo et l'héritier de Julien Duvivier, Christian, ainsi qu'Agnès et Catherine Spaak, héritières de Charles Spaak (coscénariste). Le 23 février 2001, la cour d'appel de Paris a reconnu les droits des héritiers et interdit, sous astreinte de 15 000 euros par infraction constatée, à René Château d'exploiter La belle équipe, ce qu'il faisait depuis 1991. Les dommages et intérêts s'élèvent à 30 000 euros en faveur de Christian Duvivier, compte tenu du manque à gagner, et à 3 000 euros au titre du droit moral. Les filles de Charles Spaak obtiennent 10 000 euros chacune et 1 000 euros de plus en réparation du préjudice moral.
Du point de vue du droit d'auteur, l'arrêt de la cour d'appel est intéressant. Les juges rappellent que Julien Duvivier, en 1936, ne pouvait imaginer l'invention ultérieure de la vidéo. Il n'avait donc cédé que les droits d'exploitation cinématographique, prorogés au bout de trente ans par un nouvel accord en 1966. Julien Duvivier avait toutefois posé une condition : La belle équipe ne devait être, à partir de 1966, exploitée que dans la version tragique et non plus la version comportant une fin heureuse, comme à l'époque de sa sortie en salle. Or cette volonté de l'auteur a été méconnue par René Château, qui a commercialisé, sans en avoir les droits, la version en happy end... Double faute, dirait-on.
Le happy end banni de la commercialisation
"La logique du droit d'auteur, droit de protection, interdit d'interpréter un contrat de cession (...) comme portant des droits qui n'y sont mentionnés ni explicitement ni même implicitement", rappelle l'arrêt. Par conséquent, pour les DVD et VHS de La belle équipe, le consentement des ayants droit était impératif.
Concernant les bobines du film (copies et négatifs) présentant la fin heureuse, reniée par Duvivier et Spaak, la cour d'appel ordonne qu'elles soient remises aux héritiers. Ces bobines seront remises aux Archives du film du CNC aux fins de conservation. La fin heureuse de La belle équipe ne sera donc pas jetée dans les poubelles. Elle pourra être consultée aux Archives, mais elle ne pourra pas être diffusée. Voilà, en tout cas, une histoire qui finit bien.
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