L’arroseur arrosé

D’après le Financial Times, repris par le Figaro d’hier, le Pentagone, en juin dernier, a fait l’objet d’un piratage informatique par l’armée chinoise.

Le journal anglais indique en même temps que les Etats-Unis, "qui se livrent également à de l’espionnage informatique sur les Chinois", avouent leur réelle inquiétude en constatant que "La Chine a montré ainsi qu’elle pouvait perturber leurs systèmes à des moments critiques".

Les Chinois, bien sûr, rejettent ces accusations qu’ils considèrent irrecevables. "C’est non seulement sans fondement, mais aussi la démonstration d’une mentalité de guerre froide", a rétorqué la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, avant d’ajouter que ces insinuations tendent à s’opposer au "contexte favorable à l’amélioration des relations militaires sino-américaines".

Il faut rappeler, à ce propos, que les Chinois se placent au deuxième rang mondial, après les USA, en nombre d’internautes : 130 millions.

Au demeurant, précise par ailleurs le Figaro, l’hebdomadaire Der Spiegel a fait état, au cours de la semaine dernière, de l’espionnage du gouvernement allemand par l’armée chinoise, grâce à des programmes dits « chevaux de Troie ». Un tel état de choses, évoqué, il y a quelques jours, lors de la visite à Berlin du Premier ministre chinois, avait donné lieu à cet engagement de ce dernier : "Nous voulons poursuivre notre coopération avec le gouvernement allemand et prendre des mesures fermes pour prévenir tout acte de piratage qui menacerait les systèmes informatiques".

Un papier du correspondant du journal Le Monde à Shangaï fait état de l’existence d’équipes de hackers (pirates informatiques) solidement constituées pour se spécialiser dans l’intrusion de sites web, tout particulièrement américains, taïwanais, japonais et autres. Il s’agit le plus souvent de jeunes étudiants ou chercheurs qui les composent, en se donnant pour mission, quelque peu tolérée par les autorités, de s’introduire dans des sites web qu’ils parviennent souvent à brouiller à leur guise.

Ils se présentent comme des défenseurs « de la dignité et de l’intégrité de la patrie chinoise », sous le terme générique de hong-kers (hong signifiant « rouge » en chinois) et revendiquent leur combat : « Contrairement à nos homologues occidentaux, qui sont des individualistes et des anarchistes, les hackers chinois ont des motivations politiques », car « c’est un moyen pour eux de protester dans les affaires internationales » et qu’il n’y a « aucun moyen de le faire autrement en Chine », explique l’un d’eux, créateur de China Eagle Union, un groupe fondé en 2000, rapporte le journal Le Monde.

Le journal Le Monde, dans son édition d’aujourd’hui, donne davantage de précisions sur ce sujet. Il indique, entre autres, que :

• Des services étatiques français, dont la Défense nationale, ont été touchés par ces hackers chinois. Francis Delon, secrétaire général de ce département, a même considéré qu’ "on peut parler d’affaire sérieuse".

• Les services de la Défense US, dirigés par Robert Gates, ont été visités à leur tour, d’après le Financial Times du 4 septembre.

• Huit jours plutôt, la chancelière Angela Merkel, elle-même, s’était plainte de faits semblables subis en Allemagne.

• Le 5, The Guardian annonçait, de son côté, une autre visite des pirates au Foreign Office.

Toutefois, ajoute Le Monde, Delon précise, sans accuser formellement le gouvernement de Pékin, qu’un site chinois se trouve être placé dans la boucle constituée par les attaques faites, et accepte l’hypothèse que celles-ci émanent, comme aux USA et au Royaume Uni, de l’armée populaire chinoise.

Ce qui préoccupe surtout Delon, "c’est le développement des attaques ciblées par des virus faits sur mesure pour tel ou tel destinataire". "De tels virus", note le journal, "s’installent par le biais d’un cheval de Troie, en prenant le contrôle de l’ordinateur à l’insu de la personne visée, tout en inhibant la réaction des pare-feux".

De son côté, Patrick Pailloux, chef de la DCSSI, déplore l’apparition de "virus devenus aujourd’hui invisibles, silencieux et ne se détectant que sous une très grande vigilance."

Aussi, le désordre créé suscite-t-il de graves préoccupations au niveau le plus élevé des Etats concernés.