Le Maroc exerce des violences sur les populations civiles sahraouies d'el-Ayoune

Augurant la nième rencontre prévue pour aujourd'hui entre représentants sahraouis et marocains à New York, sous l'égide de l'ONU, de graves incidents ont eu pour théâtre un campement de Sahraouis à Layoune, le chef-lieu du Sahara occidental occupé illégalement par le Maroc.

2 personnes au moins - un gendarme et un sapeur pompier tous deux marocains vraisemblablement - ont trouvé la mort et 70 autres blessées lors de l'assaut donné ce matin à l'aube par les troupes marocaines pour démanteler un camp de manifestants sahraouis dressé près de Layoune, indiquent les dépêches d'agences.

Érigé le 19 octobre par quelques 12 000 habitants sahraouis de Layoune, le campement se fixait le double objectif de protester contre "la détérioration de leurs conditions de vie et de réclamer des emplois et des logements". Au départ, il semble que la dimension sociale de ce mouvement ait pris le pas sur le côté politique, laisse-t-on entendre parmi le comité chargé de la coordination avec les autorités marocaines.

Ces violences ne manqueront pas sans nul doute d'impacter le redémarrage des négociations bilatérales entre les belligérants que les représentants de l'ONU avaient pris tant de peine à préparer.

L'information donnée hier quant au nombre des victimes de cette violence semble être bien inférieure à la réalité. Ce n'est pas deux mais onze personnes qui ont été tuées lors de ces affrontements, où les Marocains ont déversé tôt le matin des tonnes d'eau par hélicoptères sur les Sahraouis endormis sous leurs tentes avant d'investir leur camp, indique un communiqué du Polisario publié aujourd'hui par l'AFP.

"Les blessés, quant à eux, sont au nombre de 723 bien que la liste ne soit pas pour l'heure exhaustive, tandis que celui des disparus ou personnes qui sont recherchées par leurs parents et proches a atteint 159 personnes, dont le sort laisse supposer qu'il y a parmi eux des morts", indique encore le Polisario.

En plus, ajoute ce dernier, les forces marocaines ont également "saccagé des centaines de maisons et boutiques et détruit des voitures appartenant à des Sahraouis".

De son côté, Rabat a révisé à la hausse le bilan des pertes en indiquant que seuls 6 morts ont été recensés et se comptent exclusivement dans ses rangs, ce que contredit le Polisario qui précise dans le même communiqué cité : "L'héroïque population de la ville de Lâayoune a enterré ses martyrs, dont le nombre s'élève jusqu'à présent à 11 personnes".

Rappelons que ces événements se sont déroulés hier, au premier jour de la nouvelle rencontre, pour un quatrième ou cinquième round de négociations, organisée près de New York par l'ONU entre les belligérants, le Maroc et le Polisario qui revendique l'autodétermination pour son peuple colonisé depuis 1975 par Rabat.

L'autre impair commis par Rabat, et qui le discrédite devant la communauté internationale, est le traitement peu démocratique de la visite que se proposait de rendre le député français, membre du PCF, à Layoune, chef-lieu du Sahara Occidental.

Arrivé dimanche en fin d'après-midi à Casablanca avec l'intention de prendre un vol pour Layoune, le parlementaire Jean-Paul Lecoq s'est trouvé confiné à l'aéroport, avec interdiction de n'en pas bouger, avant d'être placé dans un avion en partance le lendemain matin pour Paris.

Paris dit regretter "la surprenante" décision de refoulement dudit parlementaire et a demandé des explications à Rabat, à en croire la déclaration de Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères.

"Nous regrettons cette décision de refoulement et nous en avons informé l'ambassadeur du Maroc en France", a précisé par suite lors d'un point-presse le porte-parole du Quai d'Orsay, Bernard Valero. "Nous lui avons demandé des explications sur cette décision surprenante envers un membre de notre représentation nationale", a-t-il ajouté.

Il faut croire que Rabat, qui avait mis en route son projet d'investir par la force des armes le campement sahraoui de Layoune lundi matin, ne tenait absolument pas à permettre à un étranger, de surcroît communiste, d'assister au carnage qui allait suivre.

Pour isoler le Sahara occidental du monde extérieur, les autorités marocaines continuent d'instaurer le black out en bloquant les accréditations de journalistes internationaux désirant s'y rendre.

Mieux, le reporter Luis de Vega, le correspondant du quotidien espagnol ABC au Maroc, vient de se voir retirer son accréditation, le Maroc lui reprochant soi-disant "son attitude dénuée de tout professionnalisme" dans la couverture des événements qui se sont déroulés à El-Ayoune.

"Je ne comprends pas cette décision car je travaille depuis plusieurs années au Maroc et je continue de le faire dans le respect de la loi et des règles du journalisme", a déclaré pour sa part à l'AFP le journaliste espagnol. "Je suis obligé d'écouter et de prendre en considération les critiques", a-t-il ajouté.

Reporters sans Frontières (RSF) a annoncé mercredi qu'une "dizaine de correspondants étrangers sont empêchés" de se rendre à Lâayoune, au Sahara occidental, après le démantèlement lundi par les forces de l'ordre marocaines du campement qu'avaient dressé des contestataires sahraouis à Gdeim Izik, près de Lâayoune. "A ce jour (mercredi), une dizaine de correspondants étrangers sont toujours empêchés d'embarquer pour Lâayoune par les représentants de la compagnie gouvernementale Royal Air Maroc (RAM) à l'aéroport de Casablanca", a affirmé RSF dans un communiqué.

Dire que le Maroc voulait, il n'y a pas dix jours, attirer l'attention de l'opinion internationale sur les prétendus "séquestrés" sahraouis dans les camps de Tindouf, mettant en avant la responsabilité de l'Algérie. N'est-ce pas que le mensonge finit toujours par vous péter sur la gueule comme un boomerang ?

Ali Lemrabet, journaliste marocain de l'opposition, s'est vu refoulé à l'aéroport de Casablanca où il s'était présenté, avant-hier, pour prendre le vol d'Al-Ayoune, au Sahara occidental. Le billet pourtant réservé, il a reçu un "niet" à la russe lui interdisant de prendre ce vol.
Laissons-lui le soin de donner plus de détails dans le communiqué qu'il a diffusé à cette occasion. Le voici :
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Casablanca, le 12 novembre 2010 - Communiqué

Aujourd’hui, à 14h30, à l’aéroport Mohammed V de Casablanca, alors que je m’apprêtais à prendre l’avion de 16h10 pour Laâyoune, 4 agents en civil se sont rués vers les comptoirs de la Royal Air Maroc et ont bloqué manu militari le travail des hôtesses qui délivraient des billets d’avion pour les voyageurs en partance pour le Sahara.

Ils ont été suivis plus tard par des responsables de la RAM, tout aussi excités, qui ont commencé à taper nerveusement sur les claviers des ordinateurs de manière désordonnée et suspecte.

Après quelques minutes, toutes les hôtesses ont quitté leurs postes de travail pour aller rejoindre, à l’écart, ce groupe de responsables et d’agents (sûrement de la DST) qui n’ont cessé durant cette étrange opération de consulter au téléphone un ou des mystérieux interlocuteurs.

Finalement, l’hôtesse de la Royal Air Maroc m’a expliqué que l’avion était complet, m’a signifié que mon nom avait été placé sur la liste d’attente et que par conséquent je ne pouvais pas voyager à Laâyoune.

Une fausse explication puisque l’agence qui m’a vendu le billet s’était chargée de m’assurer une place.

Pour preuve, le photographe Mourad Borja a pu prendre sans problème l’avion de Laâyoune alors qu’il a acheté son billet un jour après moi. Dans l’avion, M. Borja m’a signalé qu’entre « 12 et 14 places sont restées libres ».

De même, l’avocat et militant des droits de l’homme, Mohamed Messaoudi, qui a assisté à toute la scène et a pris cet avion avec une délégation de l’AMDH, m’a confirmé par téléphone depuis Laâyoune que « une dizaine de places sont restées vides ».

C’est la première fois depuis longtemps qu’un citoyen marocain ne peut pas voyager librement à l’intérieur de son propre pays. Si le Maroc officiel considère le Sahara comme faisant partie du territoire national, il donne par là une preuve éclatante de son contraire.

Si nous devons avoir besoin d’un passeport spécial, comme à l’époque du colonialisme, pour passer d’une zone à une autre, il faudrait que l’État, garant de notre libre circulation, nous indique les modalités pour obtenir ce précieux laissez-passer.

A moins que l’on ne soit en face de méthodes, illégales de surcroit, qui traduisent une nervosité de l’État et une déliquescence de ses centres de décision.

Après m’avoir interdit l’exercice de la profession de journaliste pendant dix ans, voilà que cette dictature couronnée cherche à limiter mes déplacements dans mon propre pays.

Que me reproche-t-on pour que ce royaume bafoue ses propres lois ?

Je ne suis pas un fugitif, je ne suis pas en clandestinité, puisque j’habite au Maroc et je vis au grand jour.

Que cache cette fuite en avant ?

Cache-t-on quelque chose à Laâyoune ?

Ou bien les responsables du pays veulent-ils diluer avec des pratiques d’un autre âge, qui en fait n’a jamais abandonné certaines mentalités féodales, leurs échecs dans un dossier qu’ils ont géré de manière exclusive et musclée depuis 35 ans ?

Cela fait pratiquement 6 ans que je suis interdit d’écriture par une décision moyenâgeuse. C’est comme si on avait voulu me couper les mains pour m’empêcher d’écrire et la langue pour m’interdire de m’exprimer.

L’Etat marocain veut m’empêcher d’exercer mon métier et par là même de faire vivre ma famille.

Il veut me pousser à la paupérisation.

Je dis assez.

D’une manière ou d’une autre, je ferai entendre ma voix.

Ali Lmrabet
Journaliste indépendant

Examinée mardi dernier par le Conseil de sécurité, la question des violences exercées par le Maroc dans la ville de Laâyoune, au Sahara occidental, s'est vite refermée sur le veto opposé par Paris à toute décision mettant Rabat en position fâcheuse.

D'ailleurs, le Polisario s'est fendu d'un communiqué on ne peut plus clair sur l'alignement tranché de la France sur Rabat : "Le Polisario regrette profondément que la France, membre permanent du Conseil de Sécurité et ayant droit au veto, se soit opposée vigoureusement à la volonté manifeste exprimée par les autres membres du Conseil en vue de l'envoi rapide d'une commission internationale d'enquête".

Malgré toutes les protestations des ONG tout particulièrement, la diplomatie française aura donc usé de son droit de veto pour laisser perdurer une situation conflictuelle qui risque désormais de prendre des proportions autrement plus dangereuses pour toute la région.

Le Parlement européen ayant abordé la question des violences attribuées au Maroc à El-Ayoun, au Sahara occidental, s'est déclaré plutôt favorable à une enquête de l'ONU sur le terrain. "Les Nations unies constitueraient l'organisation la plus à même de mener une enquête internationale indépendante en vue de clarifier les événements, les décès et les disparitions" survenus au camp de Gdim Izik, affirme-t-il, dans une résolution adoptée ce jeudi à Strasbourg.

La France, par son véto au Conseil de sécurité, avait empêché la mise en place d'une telle enquête.

Dans le texte adopté, le Parlement exprime par ailleurs "sa profonde préoccupation face à la nette détérioration de la situation au Sahara occidental et condamne fermement les violents incidents qui se sont produits dans le camp de Gdim Izik lors de son démantèlement, ainsi que dans la ville de Laâyoune", chef lieu du Sahara occidental.

Le Parlement "regrette" également "les atteintes à la liberté de la presse et de l'information auxquelles ont été exposés de nombreux journalistes européens" au Sahara occidental, et se déclare "préoccupé" "face à la détention et aux allégations de harcèlement des défenseurs sahraouis des droits de l'homme".

Pour faire diversion sans doute, le Maroc a organisé, hier, une vaste manifestation populaire à travers le territoire avec pour objet de montrer à la communauté internationale la conviction du peuple en la "marocanité" du Sahara occidental.

Comme toujours, Rabat feint d'oublier qu'il n'a rien fait, tout comme pour les enclaves aujourd'hui encore placées sous domination espagnole, pour libérer ce territoire du Rio de Oro. Par contre, sitôt dégagé du joug espagnol, ce dernier a été immédiatement investi par la force des armes marocaines en 1975, pour étouffer toute velléité de son peuple d'aspirer comme de juste à son indépendance pour laquelle il avait lui-même combattu.

Au demeurant, combien donc sont-ils les pays de la planète ayant reconnu officiellement cette "marocanité" du Sahara occidental ? Trois ou quatre... N'est-ce pas un chiffre bien négligeable par rapport à celui des capitales ayant même créé des représentations diplomatiques auprès du Polisario ? C'est ensuite au peuple concerné de s'exprimer librement sur son rattachement éventuel au Maroc, sous réserve que les autorités de Rabat finissent par admettre la nécessité pleine et entière d'assurer un libre référendum sous contrôle des Nations unies.

En vérité, toutes ces gesticulations du palais royal n'avaient d'autre but que de tenter de contrer l'avancée significative enregistrée par le Polisario auprès de l'U.E., où le royaume croyait à tort qu'il disposait d'une écoute très étendue. Les événements d'el-Ayoun ont révélé au monde la vérité franche et crue de l'occupation colonialiste marocaine du Sahara... Tout le reste n'a valeur que de pipi de chat.