Balladur mais aussi Sarkozy visés par une plainte pour corruption

L'attentat de Karachi (Pakistan) du 8 mai 2002, qui avait causé la mort de 15 personnes, dont 11 Français travaillant sur place pour le compte de la Direction des constructions navales, n'a pas livré tous ses secrets.

Six familles de victimes ont, de nouveau, saisi la justice à l'effet de poursuivre pour corruption le club politique d'Edouard Balladur impliqué dans la campagne présidentielle de ce dernier en 1995. Parce qu'elles craignent que des pressions au sommet de l'Etat bloquent le cours à donner à leur plainte, elles demandent en particulier la désignation d'un juge d'instruction pour enquêter sur l'éventualité d'encaissements de rétrocommissions par ce club, dans le cadre de la vente de sous-marins par la France au Pakistan en 1994.

L'on se rappelle qu'à l'époque Balladur était Premier ministre d'un gouvernement de droite nommé, "cohabitation" oblige, par Mitterrand. Et le ministre du Budget, qui avait alors le contrôle de cette vente, n'était autre que Nicolas Sarkozy, un fervent soutien du candidat Balladur.

Des policiers luxembourgeois ont laissé entendre, le 7 juin dernier, dans un rapport qui n'apporte pas de preuves formelles néanmoins, que les rétrocommissions en cause auraient été perçues par l'entremise d'une société offshore créée avec l'aval de Sarkozy.

Jusqu'en 2000, c'était, semble-t-il, par cette dernière que les fonds transitaient. Et c'est par suite de la suspension des versements à partir de cette date que les partenaires pakistanais auraient décidé de faire payer de façon aussi sanglante la rupture de leur engagement par les Français partie prenante à ce contrat.

L'avocat des familles, Olivier Morice, accuse Jean-Claude Marin, le procureur de Paris, de protéger Nicolas Sarkozy en éludant toute espèce d'enquête ayant pour effet de mettre au jour les éventuelles rétrocommissions en cause.

Pour le magistrat, les infractions évoquées ici tombent en fait sous le coup de la prescription.

"Nous constatons la précipitation, la fébrilité et l'inconvenance de la prise de position du procureur de la République de Paris puisque son seul souci est de protéger le pouvoir politique, de protéger le président Sarkozy, de protéger Edouard Balladur et tous ceux qui sont concernés par le financement de la campagne présidentielle de M. Balladur", a déclaré l'avocat des familles lors d'une conférence de presse, rapporte le journal Le Nouvel Observateur.

Olivier Morice s'en est également pris aux hommes politiques qui refusent de prendre partie pour permettre à la vérité d'éclater : "L'interrogation finale des parties civiles est de s'interroger sur un certain silence politique complice", leur a-t-il reproché.

" Comment se fait-il que notamment à gauche, on n'entende très peu d'hommes politiques s'insurger contre cette situation scandaleuse? ", a-t-il ajouté.

A dire vrai, les dessous-de-table liés à la vente de frégates à Taïwan sous le règne de Mitterrand expliquerait un tel silence, remarque encore cet avocat.

Le secret défense va en principe être levé sur de nouveaux documents demandés par les juges désignés pour l'affaire de l'attentat de Karachi. Ainsi, en a décidé la Commission consultative du secret de la Défense nationale, aujourd'hui.

Il ne reste plus à attendre que la décision du ministre Hervé Morin, en charge de la Défense nationale, pour rendre ces documents accessibles à la justice.

D'ores et déjà, l'on sait que Morin s'étant toujours plié en la matière aux conclusions de la Commission, il est plus que vraisemblable que les juges pourront vérifier l'existence éventuelle d'une quelconque connexion entre la vente des sous-marins au Pakistan et le versement de rétrocommissions, objet de la requête présentée par l'avocat des six familles de victimes de l'attentat et dont la suspension à partir de 2002 aurait constitué le motif dudit attentat.

Me Olivier Morice, sortant du bureau du juge Marc Trévidic, en charge de l'attentat, a indiqué que ce dernier lui a bien confirmé l'existence de rétrocommissions dans l'affaire de la vente des sous-marins au Pakistan.

Selon cet avocat, le juge compte même demander la désignation d'un juge financier pour traiter cette question, dans le cas où l'ouverture d'une instruction distincte resterait bloquée par le parquet.

Le chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, qui se trouvait alors impliqué comme directeur de la campagne présidentielle de Balladur et en même temps ministre du Budget, toujours d'après Morice, devrait pouvoir s'expliquer sur les motifs ayant débouché sur la suspension des versements de rétrocommissions, dont l'on sait à présent qu'elle serait la cause de l'attentat meurtrier ayant coûté la vie à 11 fonctionnaires français en service commandé. "Il est clair qu'au plus haut niveau de l'Etat français, on sait parfaitement les motifs qui ont conduit à l'arrêt du versement des commissions", a indiqué cet avocat.

Maintenant le problème est de savoir si la déclaration du procureur, Jean-Claude Marin, visant à enterrer le dossier ne fermera toute issue à l'éclatement de la vérité.