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 Abderrahmane Mira - le tigre de la Soummam (2ème partie)

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Aram

Aram


Nombre de messages : 172
Date d'inscription : 06/04/2007

Abderrahmane Mira - le tigre de la Soummam (2ème partie) Empty
MessageSujet: Abderrahmane Mira - le tigre de la Soummam (2ème partie)   Abderrahmane Mira - le tigre de la Soummam (2ème partie) EmptySam 8 Nov - 18:35

A cette époque, la situation des wilayas de l’intérieur s’est considérablement détériorée. C’est d’ailleurs le motif essentiel du départ d’Amirouche en Tunisie, afin de demander des explications sur l’asphyxie dont l’intérieur est victime. Le constat est même explicitement établi par la réunion du GPRA au mois de juillet 1959. Il est reconnu un affaiblissement général des wilayas de l’intérieur à partir de mai 1958. En la wilaya III, la situation s’est compliquée avec l’affaire de « La Bleuïte ». Une opération d’intoxication montée par le capitaine Léger fait croire que l’intelligentsia de la révolution collabore avec la France. Des purges sont déclenchées, emportant quelque 420 cadres. Dès le mois d’avril, le commandant Mira stoppe net cette machine infernale et rend responsable le capitaine Mahyouz Ahcène de cette funeste action. Dans son livre L’Imposture au pouvoir (aux éditions Arcantère), le lieutenant Mohamed Benyahia décrit avec émotion sa libération par Abderrahmane Mira. La radio de la wilaya III, Nouredine Belkhodja évoque, dans son journal de marche, la désapprobation des tortures par Abderrahmane Mira, dès le 31 mars 1959. L’on considère que 64 personnes ont été élargies et ont repris le combat. Selon les témoignages de plusieurs personnes, Abderrahmane Mira regrette de n’avoir pas pu arriver à temps pour sauver le capitaine Mustapha Nouri, trop atteint pour survivre aux tortures qu’il a endurées. Au même moment, il libère les prisonniers français détenus dans l’Akfadou. Cet épisode est rapporté avec fidélité par René Rouby dans son livre Otage d’Amirouche(3). Voilà le témoignage de cet instituteur des Aït Yani enlevé par l’ALN, en mesure de représailles :

11 mai 1959 : nous venons de boire notre café du matin. Dehors un cri. Le garde se lève d’un bond, une silhouette s’encadre dans l’embrasure de la porte. C’est Abderrahmane Mira en grande tenue qui rentre : « ça y est les gars, j’ai une bonne nouvelle à vous annoncer. Dans huit jours, vous serez libérés !…

Je sais que vous n’avez rien fait de mal. Vous les soldats, vous obéissiez, vous les civils, vous aviez votre place… Mais vous êtes Français, vous représentez la France qui est notre ennemie… En fait ce n’est pas aux Français qu’on en veut, mais au colonialisme que nous voulons chassez de chez nous ! Quand l’Algérie sera indépendante, nous garderons les Français qui voudront rester sous la nationalité algérienne ou avec le statut d’étrangers !!! Quand vous serez rentrés chez vous, je veux que vous disiez la vérité ! Vous avez vu l’ALN, elle est très puissante. Notre cause est la bonne, la seule, la vraie… Nous gagnerons la guerre parce que, nous autres, nous avons un idéal. Le colonel Amirouche est mort, je suis là pour le remplacer… Quand je mourrai, un autre prendra ma place, nous combattons pour notre pays…Ce n’est pas comme vos soldats qui crient : Vive la quille. Vous penserez à nous et vous nous aiderez. » Dans cette brève allocution, Abderrahmane Mira fait preuve d’un grand doigté politique, acquis sans doute dans son parcours militant de la cause nationale. Il ne confond pas à dessein la force, si nécessaire, et la violence. Dès la fin de cette douloureuse affaire, la wilaya III aura à affronter, à partir du 22 juillet 1959, la plus grande opération militaire jamais déclenchée en Algérie : l’opération « Jumelles ». Le général Challe, qui la dirige, installe 70 000 de ses hommes en Kabylie pour réduire ce bastion inexpugnable, considéré encore à cette époque comme le cœur de la lutte armée. Lui-même place son PC, dénommé Artois, au col de Chelata, à 17 km au nord d’Akbou.

C’est au cours de cette opération de grande envergure que survient la mort de Abderrahmane Mira, le 6 novembre 1959, au confluent de la rivière séparant les villages d’Aït Hyani et d’Aït Mquedem, à un kilomètre à vol d’oiseau du fameux Pc Artois du général Challe. L’opération est dirigée par le capitaine Tréguère, commandant de la première compagnie du 2e RIMA (Régiment d’infanterie marine aéroportée — Les Marsouins) Contacté par l’entremise de René Rouby, Tréguère, devenu colonel et maintenant à la retraite en Bretagne, ne veut plus s’étaler sur ce fait d’armes qui l’a rendu célèbre malgré lui, dit-il. Cependant, j’ai pu récupérer la photocopie des papiers contenus dans la sacoche de mon père que le 2e bureau de l’armée lui a restitués après examen. Lors de la mort de Abderrahmane Mira, toute la presse quotidienne de l’époque (Le Figaro, L’Aurore, Le Monde, France Soir) a commenté ce triste événement à la une de ses journaux. Il en est de même de la presse coloniale. Au lendemain de sa mort, L’Echo d’Alger publie en titraille de sa une ceci : « Hier après-midi, dans la vallée de la Soummam, à 5 kilomètres au nord d’Akbou, Abderrahmane Mira, successeur d’Amirouche à la tête de la wilaya III, a été abattu au cours d’une embuscade dressée par le 2e RIMA. Il a été formellement identifié dans la soirée par un des membres de sa famille. Un des secrétaires de Mira a été tué au cours du même engagement. » En page 16, toujours en gros caractères, il est écrit : « L’insaisissable Abderrahmane Mira, successeur d’Amirouche, à la tête de la wilaya III, abattu avec l’un de ses lieutenants.*Placés en embuscade, les Marsouins ouvrent le feu sur un groupe de 5 rebelles. Parmi les cadavres, celui de l’homme au chien. » Le soir même, sa dépouille mortelle est transportée à la caserne de Tizi n’Slib, puis à Akbou, avant d’être exposée publiquement dans son village, Taghalat. Cette opération est destinée à la fois pour reconnaître le corps et démoraliser la population. Une fois celle-ci terminée, le corps d’Abderrahmane Mira est héliporté, partant pour une destination inconnue comme le furent les dépouilles mortelles des colonels Amirouche (Wilaya III), Haouès (Wilaya VI) et M’hammed (Wilaya IV).

Son corps a-t-il disparu à jamais ? Toujours est-il que l’Etat national souverain n’a pas engagé des recherches. Les recherches familiales ont été infructueuses, quand bien même quelques informations peuvent nous indiquer l’endroit de l’enterrement. Les autorités françaises ont été officieusement saisies à ce sujet. En vain pour l’instant. L’Etat algérien le décorera de la médaille du martyr, le 1er novembre 1984 et de la distinction d’El Athir, le 1er novembre 1999. Et le 16 septembre 1987, la décision n°289 du ministère des Moudjahidine, assurant la continuité de l’Etat à la suite du Gpra, répare une injustice en l’élevant au grade de colonel, grade qui sanctionne les chefs de wilaya. A l’instar de centaines de milliers d’Algériens, Abderrahmane Mira fut victime de la bêtise et de l’injustice — le colonialisme — arc-bouté sur ses privilèges, ses discriminations, aveugle à l’évolution et à la marche de l’histoire. La violence générée par ce conflit est issue de l’un des plus formidables chocs culturels de ce siècle. Elle n’en finit pas de produire ses effets jusqu’à aujourd’hui. Abderrahmane Mira est entré dans l’histoire comme le symbole et le représentant de ce patriotisme rural dont l’Algérie combattante a tiré sa quintessence. Il lègue à ses compagnons l’image d’un téméraire et d’un altruiste que les aèdes de l’époque ont rimé en poésie.
(1) Amar, frère aîné d’Abderrahmane, est décédé en 1957. Il faisait partie de l’expédition de la Wilaya VI. Il était adjudant.
(2) SHAT (Service historique de l’armée de terre) : informations écrites par Amirouche lui-même dans son agenda personnel récupéré après sa mort, le 18 mars à 1h34 ????, évoqué également dans le dossier Mira Abderrahmane.
(3) René Rouby vient de rééditer pour la troisième fois, au mois de mai 2008, son livre, aux éditions Vauzelles.
(4) *Il s’agit de Yatha Mouloud, fils de Rabah, chef nidham du village d’Aït Hyani.


Par Tarik Mira, fils de Abderrahmane, député RCD de Béjaïa.
(article publié par El-Watan le 8 novembre 2008 - pages 22 et 23)
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