Elections locales en Algérie - rien de changé

Au nombre des bizarreries algériennes, les élections locales d'hier auraient enregistré un taux de participation de 44.09 %, à en croire Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur, qui, dans une conférence de presse réunie ce vendredi, a fait le bilan dit officiel de ce double vote. Par rapport aux dernières élections législatives de mai dernier, il y a là un bond de 10 % de participation, dont on aurait pu s'honorer, si les conditions atmosphériques l'avaient seulement permis. Car, la journée d'hier, chômée, a été marquée par une continuelle et exceptionnelle pluviosité ayant retenu chez eux quasiment l'ensemble des électeurs algériens.

En tout cas, les résultats provisoires déclarés donneraient la majorité des suffrages à l'indéboulonnable FLN, à la fois pour les APW (Assemblées populaires de wilayas) et les APC (Assemblées populaires communales). Il aurait obtenu 4201 sièges, soit 30.05 %, aux APC et compterait 161 d'entre elles, sur les 1 541 au total, où il serait majoritaire.

Le R.N.D., parti d'Ouyahia, arriverait en 2e position, en obtenant la majorité dans 107 communes. Viendraient derrière lui le MSP, le parti ex Hamas, remportant 16 communes, le FNA, 15 communes, ex aequo avec les Indépendants, le FFS et le RCD se partageant, eux, 12 communes chacun.

Les formations politiques arrivées en tête enregistreraient néanmoins un recul notable par rapport aux élections précédentes d'octobre 2002, où étaient respectivement contrôlées 668 communes par le FLN, 171 par le RND et 77 par les indépendants.

En se félicitant des résultats ainsi atteints, dans ce qu'il a appelé un déroulement du scrution dans d'"excellentes conditions", le ministre de l'Intérieur n'a toutefois pas donné les résultats des APW, excepté le taux obtenu par le FLN, de 32 %. Il n'a indiqué non plus aucun signe des résultats concernant les autres formations politiques engagées dans la course, comme le Parti des travailleurs, le Parti socialiste des travailleurs, l'A.N.R., etc.

A la lumière, enfin, de ces premières chiffres, il est manifeste que les principaux partis d'opposition, qui sont sur la brèche de longue date déjà, comme le FFS et le RCD, ont quasiment été laminés du paysage politique, puisqu'ils ne contrôleraient plus que 12 communes chacun, un chiffre bien dérisoire notamment en Kabylie où ils pouvaient se prévaloir d'une certaine audience en leur faveur. A moins de 1 % des suffrages obtenus, soit 14 fois moins que le parti de tête, le FLN, ils semblent de toute évidence relégués à l'arrière plan et contenus dans des limites leur interdisant tout espoir de rebondir à court ou moyen terme.

Sur 18 446 626 électeurs inscrits, les suffrages exprimés auront été de 7 252 057 pour les APC et 7 022 984 pour les APW.

Les résultats sont, à première vue, les suivants :

A.P.W. A.P.C. Sièges obtenus Taux Sièges obtenus Taux F.L.N. 630 32,14 4 201 30,05 R.N.D. 429 21,89 3 426 24,50 F.N.A. 277 14,13 1 578 11,29 H.M.S. 294 15,00 1 495 10,69 P.T. 179 9,13 958 6,85 R.C.D. 53 2,70 605 4,33 F.F.S. 54 2,76 566 4,05 Indépendants 4 0,20 542 3,88 NAHDA 15 0,77 219 1,57 EL-ISLAH 20 1,02 207 1,48 Divers 5 0,26 184 1,31 1 960 100,00 13 981 100,00

Le RCD a publié, hier, un communiqué assez cinglant par lequel il remet en cause les résultats des élections de jeudi dernier, tout en dénonçant le parti pris des fonctionnaires et autres agents des services de sécurité qui auraient agi à contresens des missions attendues d'eux : "Ils ont fait irruption dans les bureaux de vote pour évacuer les observateurs de l'opposition démocratique notamment le RCD à Tébessa, Souk Ahras, Mila, etc."

Le communiqué a même laissé entendre que dans certains grands centres de vote urbains, des coupures de courant électrique ont été sciemment organisées pour permettre les fraudes.

Il a en même temps stigmatisé l'attitude du ministre de l'Intérieur ayant cru devoir justifier près d'une centaine de rejets de candidatures RCD au prétexte qu'elles proviennent de marginaux et autres repris de justice, et ce, à seule fin "de créer un climat de suspicion et d'incitation à l'agression".

Le plus déplorable encore, remarque le RCD, est que, en élisant, cette fois, certains de ses candidats jusque dans les localités les plus éloignées, comme Illizi, Tamrasset ou Tindouf, on fermait les portes aux autres candidats du parti dans les grandes villes du pays, comme Alger, Sétif ou Boumerdès.

Il est clair, enfin, conclue le communiqué, qu'il y a là "une volonté politique établie d'imposer l'hégémonie des cinq partis de la coalition gouvernementale au mépris de la volonté populaire".