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 Mouloud Feraoun. Il y a cinquante ans, à Ben Aknoun

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Akhroub

Akhroub


Nombre de messages : 227
Date d'inscription : 10/05/2007

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MessageSujet: Mouloud Feraoun. Il y a cinquante ans, à Ben Aknoun   Mouloud Feraoun. Il y a cinquante ans, à Ben Aknoun EmptySam 17 Mar - 17:39

El-Watan - 17.03.2012
par Ameziane Farhani

Avant-hier, le compteur de l’histoire a marqué 50 ans depuis l’assassinat de l’écrivain Mouloud Feraoun parmi six personnes exécutées contre un mur, lors de « l’attentat de Château Royal », ainsi qu’on désignait le siège à Ben Aknoun des Centres socio-éducatifs d’Algérie.

Ce crime fut perpétré le 15 mars 1962, à 10 h 45 par un commandant Delta de la sinistre OAS. Les Centres socio-éducatifs avaient été créés en 1955 par Germaine Tillion, à la demande du gouverneur général, Jacques Soustelle, qui tentait alors de créer des trompe-l’œil pour contrecarrer la dynamique du 1er Novembre 1954. Ils mobilisèrent cependant des personnes de bonne volonté, convaincues de l’utilité d’une alphabétisation en arabe et en français des innombrables exclus du système scolaire (près de 90% des enfants algériens !) et d’actions sociales diverses.

La DST, qui les surveillait de près, les accusa de servir de couverture à des menées nationalistes. En 1956 et 1959, plusieurs de leurs membres furent arrêtés. Les Centres étaient déjà dans le collimateur des autorités coloniales, et [plus tard] donc des déserteurs français ralliés à l’OAS. Et, à quatre jours du cessez-le-feu, [le 18.03.1961,] cette organisation redoublait de rage meurtrière, non pas pour arrêter un processus qu’elle savait inexorable, mais pour accomplir sa politique de la terre brûlée.

Il est symptomatique que la dimension culturelle n’ait pas échappé à ces criminels. L’incendie de la bibliothèque de l’Université, celui de l’Académie et d’autres lieux culturels sont des symboles forts de cette volonté d’empêcher le peuple algérien d’accéder au savoir. Ils n’étaient cependant qu’un paroxysme violent de la politique suivie depuis plus d’un siècle. En 1908, le Congrès des Colons refusa unanimement l’instruction aux Algériens : « Instruire nos sujets, c’est les rendre aujourd’hui nos égaux, demain nos maîtres »(1).

En tant qu’instituteur, Mouloud Feraoun s’était battu sur ce terrain. En tant qu’écrivain, il donna ce roman, Le Fils du pauvre (publié à compte d’auteur en 1950), dans lequel il montre l’acharnement des Algériens à ne pas sombrer dans l’ignorance.

L’histoire a prouvé que cet effort, mené au prix de très lourds sacrifices des familles, a permis de fournir les cadres du mouvement nationaliste et de la guerre de Libération nationale, puis ceux de l’indépendance. L’œuvre littéraire de Mouloud Feraoun a été considérée par certains comme en retrait du combat libérateur. En fait, à maints égards, elle l’a traduit à sa manière, un peu à la façon de Mohammed Racim, lequel gommait toute présence française dans ses miniatures, s’appliquant à représenter l’Algérie d’avant 1830, ainsi que l’analysera Bachir Hadj Ali. Pour l’universitaire, Christiane Achour, la littérature de Feraoun est une « littérature de la rectification et non de la remise en cause ».

Vivant et travaillant en Algérie, Mouloud Feraoun était directement exposé à la surveillance et aux représailles des autorités coloniales ainsi qu’à la vindicte des colons. Son refus de l’exil, et sans doute une certaine prudence, l’auraient conduit à « écrire entre les lignes » et à paraître timoré par rapport au conflit historique de la guerre d’indépendance. Pourtant, son œuvre littéraire a été perçue en son temps comme pleine de symboles cachés. Ainsi, en 1953, le titre La Terre et le sang, au-delà de son récit, prend une dimension immédiatement lisible dans le contexte, et ce, de part et d’autre.

On y trouve, pour la première fois dans la littérature algérienne, un adultère décrit avec une audace désarmante. Il est le fait d’un émigré rentré au pays avec une épouse française qu’il trompera avec une parente, également mariée, qui représenterait l’appel de sa terre et l’indivisibilité de celle-ci et du sang. En 1957, il publie Les Chemins qui montent et, là aussi, son titre a été considéré par plusieurs lecteurs algériens de l’époque comme une allusion aux maquis. On a fait également le procès de son écriture, vue par certains critiques comme scolaire et lisse. Sa relecture, un demi-siècle après, souligne des qualités de concision, du rythme et des tournures proches du roman moderne anglo-saxon.

D’une manière globale, ses écrits constituent aujourd’hui un patrimoine littéraire précieux que l’école a contribué longtemps à enraciner dans l’imaginaire des Algériens. S’il s’inscrit dans une phase classique de la littérature algérienne dont l’histoire s’est accélérée et condensée (comme les autres expressions artistiques), il a ouvert la voie aux écrivains novateurs qui suivront et permis ainsi de marquer une évolution. Mouloud Feraoun a écrit : « Je préfère souffrir avec mes compatriotes que de les regarder souffrir ; ce n’est pas le moment de mourir en traître puisqu’on peut mourir en victime »(2). L’histoire a, en quelque sorte, exaucé sa préférence. En tombant sous les balles criminelles de l’OAS, il est devenu, avec Réda Houhou, assassiné en 1956 à Constantine, le deuxième écrivain martyr de l’Algérie en lutte.
---
(1) Ch.-R. Ageron. Histoire de l’Algérie contemporaine. PUF, 1979. p 162).
(2) M. Feraoun. Journal 1955-1962. Seuil. pp. 132-133








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Faïza

Faïza


Nombre de messages : 265
Date d'inscription : 12/05/2007

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MessageSujet: Re: Mouloud Feraoun. Il y a cinquante ans, à Ben Aknoun   Mouloud Feraoun. Il y a cinquante ans, à Ben Aknoun EmptySam 17 Mar - 18:02

El-Watan - 16.03.2012
Propos recueillis par Nassima Oulebsir auprès d'Ali Feraoun, fils de l'auteur

Le FLN voulait écarter mon père

- L’un des fils des victimes tuées avec votre père a dit que le temps du deuil est révolu et qu’il est temps maintenant de passer aux revendications…

- Quelles revendications ? Les Français ont tué mon père dans une guerre. Nous avons tourné la page sans la déchirer, comme disait Boumediène. Nous ne comptons pas pardonner. Notre deuil n’est pas fini. Ma mère est morte il y a deux ans. Et nous sommes toujours frustrés par la disparition de notre père, parti dans un moment d’inattention. Si j’arrive à en parler, ma grande sœur ne réussit toujours pas à le faire. Ce qui est grave, c’est qu’après l’Indépendance, nous n’avons pas été épaulés. Nous avons été chassés de notre villa Djnah Lakhdar. La kasma [FLN] du Clos Salembier a tout fait pour nous faire sortir. De 1962 à octobre 1964, il a fallu l’intervention de [Me] Mohand Issad et d’Aït Ahmed auprès de Ben Bella pour y rester. Et puis, toujours sous la pression de la kasma, et sous prétexte de loger des chefs d’État de la conférence des 77, nous avons été obligés de quitter les lieux. La villa est restée inoccupée jusqu’à 1972 avant de devenir une école de couture. C’est de la méchanceté et de la rancune envers mon père. Il avait en effet, en 1958, dénoncé le FLN en écrivant à El Moudjahid qu’il était déçu par l’élite qui menait la guerre : « Pauvres montagnards, les ennemis de demain seront pires que ceux d’aujourd’hui. »

- De quoi accusait-il le FLN ?

Il avait mis à nu les calculs des FLNistes qui cherchaient à occuper des postes importants à l’indépendance. Dès que le FLN a pris le pouvoir, il a tout fait pour écarter le nom de Feraoun. D’ailleurs, il y a toujours eu des résistances à donner son nom à une rue ou un collège. Sous pression du FLN, on a même refusé, en 1993, de baptiser l’université [de] Tizi Ouzou à son nom. Même l’instruction du ministre de la Culture de nommer la salle El Mougar Mouloud Feraoun a rencontré des oppositions. Et on a toujours enseigné à toute une génération que Feraoun était partagé entre la France et l’Algérie. Christiane Achour voulait se spécialiser dans l’écriture de Feraoun en se basant sur les textes du livre Le Journal. Or, Le Journal a été publié sans que Feraoun puisse le corriger. Il ne voulait pas afficher sa position clairement vis-à-vis de la Révolution pour ne pas éveiller les soupçons des Français. Je n’avais pas hésité à répondre à Christiane Achour qu’elle était la fille de Chaulet, qui était un Français, et que c’est son père qui avait trahi son pays en mettant la tenue de l’ALN et non pas mon père. On reprochait à mon père de ne pas s’être engagé dans la Révolution. Or, aujourd’hui, je détiens la preuve qu’il était membre de l’ALN.

- Racontez-nous la journée du 15 mars 1962…

La veille, nous avons eu de longues discussions en famille. Nous avons évoqué tous ses livres et sa vie. Nous avons bavardé de notre vie en Kabylie, car nous n’avons jamais aimé Alger. La Kabylie nous manquait, mais nous étions obligés de la fuir, car l’armée française avait menacé mon père. De ma chambre, j’ai entendu dire mon père à ma mère le matin avant qu’il sorte : « N’envoie pas les enfants à l’école, car il se pourrait qu’un jour on ne te les rende pas. » À 10h, on a sonné à la porte. C’était mon ami Bouzid Hanafi. Il m’a dit : « Il paraît qu’il y a eu un attentat, mais je pense que ton père n’est pas mort. » Aussitôt, j’ai couru avec ma mère au rectorat (actuel ministère de l’Education). Arrivés sur place, le recteur nous a ouvert ses bras en présentant ses condoléances. Il nous a dit que mon père était à la morgue…

- On a l’impression que les chercheurs algériens sont peu intéressés par les recherches sur l’écriture feraounienne

- Depuis l’indépendance, seule une dizaine d’étudiants ont fait des recherches sur Feraoun. Et entre-temps, j’ai eu à répondre à plusieurs demandes des chercheurs japonais, américains et français qui ont réalisé des études. Chez nous, rares sont ceux qui le connaissent réellement. Il faut dire que les Algériens ne lisent pas. Même les écrivains ont lu peu de livres de Feraoun. Nous n’avons pas encore de référant et le sens des valeurs.

- C’est peut-être dû à l’école qui n’a pas réussi à inculquer le sens de la littérature algérienne. Feraoun est absent de nos manuels scolaires

- Dans un livre du primaire, il y a un extrait de Feraoun décrivant Alger à partir de la mer. L’écolier a donc une fausse idée de Feraoun, car cela ne le représente aucunement. On aurait pu choisir d’autres passages pour faire comprendre à toute une génération la situation de l’époque. Cette génération, ou peut-être d’autres, est incapable de vous citer un livre de Feraoun, de Kateb Yacine ou de Dib. Peut-être un jour que la donne changera... Notre société cherche encore ses repères. Il faut que l’école puisse inculquer aux élèves l’esprit d’analyse et de réflexion.
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