Le Pen reconduit à la tête du Front national

A l'issue du XIIIe Congrès du Front national, tenu au Palais des Congrès de Bordeaux, Jean-Marie Le Pen, 79 ans, a été réélu à la tête du parti par près de 98 % des voix, sur près de 54 % des suffrages exprimés.

Marine Le Pen, sa fille, principale prétendante à sa succession, s'est déclarée "très heureuse" des résultats obtenus. Elle a ajouté que le nouvel organigramme de son parti allait être annoncé dès dimanche et établirait en principe un certain équilibre entre elle et l'autre prétendant à la succession, Bruno Gollnisch.

Rappelons que Jean-Marie Le Pen, avocat de formation, ancien lieutenant dans le corps des parachutistes engagés dans la bataille d'Alger, avec Jacques Massu, s'est notoirement distingué par sa participation aux tortures infligées aux nombreux Algériens, souvent innocents, arrêtés à ce moment-là.

Dès sa démobilisation, en 58/59, Jean-Marie Le Pen s'est fait élire député. Les positions politiques, qui étaient alors les siennes, le rangeaient dès cette époque-là dans l'extrême droite, où il devait par suite "briller" dans la défense des thèses virulentes de OAS, avant de disparaître de la scène politique jusqu'au milieu des années soixante-dix.

C'est vers cette période-là qu'il est revenu à la politique, en créant le Front national dont on sait l'étendue des thèmes xénophobes, à l'endroit notamment des Maghrébins et des Africains subsahariens.

Plusieurs fois candidat malchanceux aux Présidentielles, Le Pen avait quand même réussi à réunir jusqu'à 15 %, en 2002, des suffrages sur son nom, poussant les socialistes eux-mêmes à se ranger derrière Chirac, au 2ème tour, pour lui barrer le chemin de l'Elysée.

Autour de lui, gravitent des éléments acquis à ses idées, comme Bruno Gollnish, Saint-Just, mais aussi d'autres extrémistes du genre Bruno Mégret, et surtout sa propre fille Marine, avocate de profession.

Les rôles sont désormais connus pour les proches de Jean-Marie Le Pen. Sa fille, Marine, s'est adjugé les plus importantes responsabilités : communication, formation, propagande. Gollnisch devra se contenter des affaires internationales et européennes, et de l'adaptation du programme du parti. C'est pour lui un net recul par rapport à ses responsabilités antérieures de délégué général . Louis Aliot conserve le poste de secrétaire général chargé notamment du contrôle des fédérations départementales. Carl Lang est maintenu au Bureau politique, l'organe exécutif du parti. Alain Soral, le polémiste marxiste et Marc Georges sont nommés au Comité central.

La grande gagnante, Marine Le Pen, qui a recueilli près de 76 % des voix, un peu moins que Gollnisch, avec 85 %, a déclaré, satisfaite : "Cela remet les choses en place... et donne une vision d'équilibre... qui est celle que souhaitent les adhérents".

Contre les contestataires, qui avaient marqué leur préférence pour Gollnisch, la fille Le Pen a encore rabâché son thème favori : " A l'heure où le pays connaît l'invasion étrangère la plus terrible de son histoire, chacun de nous doit se reprendre, s'apaiser... rendre à notre famille politique son équilibre serein ".

Un film, diffusé ce soir, doit, en principe, relater le passé tortionnaire de Le Pen, lors de son engagement volontaire dans le 1er R.E.P. (régiment étranger parachutiste), en 1957, aux côtés du général Massu, responsable alors de la division parachutiste chargée de ramener l'ordre à Alger.

Au nombre des accusateurs de Le Pen, tortionnaire, Mohamed Abdelaoui, qui avait 27 ans en 1957, rappelle, dans ce film, comment il a été "pris en charge" par le lieutenant Le Pen : " On m'a mis par terre, un fil électrique dans le sexe et un autre à l'orteil du pied droit. Le Pen est venu alors jeter sur moi un bidon d'eau. " Le Pen considère, bien sûr, que c'est "totalement faux" et qu'il ne sait même pas où se trouve le Fort l'Empereur dont il est question.

Mais l'auteur du film dispose d'autres témoignages, dont un rapport de police accusant formellement Le Pen dans les tortures ; un second déjà publié dans le journal Combat, où Le Pen reconnaît : "J'ai torturé parce qu'il fallait le faire" (une déclaration sur laquelle il est revenu quelques jours plus tard) ; un troisième, enfin, inséré dans le journal Le Monde, où Demarquet, un autre officier parachutiste ayant guerroyé avec Le Pen, est catégorique : " Il a fait partie lui-même des équipes qui torturaient. Personnellement ". Bien sûr, le président du Front national ne manquera pas là aussi de nier. C'est dans sa nature.