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 Nathalie Kuperman : "La bonne idée est ma pire ennemie"

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Christophe

Christophe


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Date d'inscription : 13/07/2007

Nathalie Kuperman : "La bonne idée est ma pire ennemie" Empty
MessageSujet: Nathalie Kuperman : "La bonne idée est ma pire ennemie"   Nathalie Kuperman : "La bonne idée est ma pire ennemie" EmptyMar 24 Jan - 20:02

LE MONDE DES LIVRES | 19.01.12 |
par Christine Rousseau

Nathalie Kuperman : "La bonne idée est ma pire ennemie" Nathal10
La romancière Nathalie Kuperman dans les locaux du "Monde" à Paris, en octobre 2010.

Vous avez gravi les quatre étages sans ascenseur et frappé fort à sa porte, comme elle le recommande. Alors Nathalie Kuperman vous accueille d'un large sourire puis vous entraîne dans un vaste salon ensoleillé avant de disparaître pour apporter du café "et des croissants !", lance-t-elle d'un œil complice de petite fille gourmande. S'étant assurée que la fumée ne gênait pas, elle s'arme de son fume-cigarette. Corps tendu vers son interlocuteur, la voici prête à un exercice qu'elle ne prise guère, même si elle s'y soumet de bonne grâce. Souvent d'ailleurs, au cours de la conversation, cette femme pleine d'humour et de gravité, que l'on sent sur le qui-vive de ses émotions, ponctuera ses phrases d'un "Je ne sais pas si je suis très claire ?", ou d'un énième "Pardon, je pars un peu dans tous les sens...". Notamment lorsqu'on évoque ses livres, dont le motif, explique-t-elle, n'est jamais établi d'avance. "J'aime être surprise par l'écriture. La bonne idée est ma pire ennemie ! Lorsque j'en ai une ou que d'emblée je vois comment le livre va s'articuler, j'ai aussitôt le sentiment de débuter un devoir d'écolière. Une sorte de devoir pour être à la hauteur de cette bonne idée. C'est terrible. Je ne sais combien de romans j'ai commencés ainsi avant de les abandonner aussitôt parce que l'idée prenait le dessus sur l'écriture."

Même si celle-ci peut l'entraîner loin, très loin en elle. Comme ce fut le cas avec Les Raisons de mon crime, percutant et bouleversant roman d'amour, de vie, de retrouvailles où l'intime et le social jouent constamment à cache-cache entre réel et fiction. Et qu'importent les affres par lesquelles elle est passée pour ce livre ("Le plus difficile physiquement que j'ai eu à écrire"), Nathalie Kuperman fait une entière confiance à l'écriture et à l'énergie qu'elle lui procure. "Écrire me rend les choses plus supportables...", confesse-t-elle dans une volute de fumée. Et ce, quel que soit le public visé. "D'une heure à l'autre, je peux passer de l'envie d'écrire un texte pour la jeunesse à un roman pour adultes. Cette possibilité me donne une énergie incroyable."

Contredisant une bibliographie imposante dans le secteur jeunesse - plus de vingt titres contre six pour "adultes", même si la frontière est parfois ténue entre les deux domaines - la romancière avoue être venue par hasard à la littérature jeunesse. "Alors que j'étais en panne sur mon premier roman, Le Contretemps (éd. du Griot, 1993), j'ai commencé à composer l'histoire d'une petite fille qui s'ennuie. En fait, je ne faisais que transposer l'état dans lequel je me trouvais dans un récit pour enfants... Ensuite, je l'ai envoyée, et c'est ainsi que j'ai décroché un emploi de rédactrice dans le groupe de presse jeunesse Fleurus. Après quoi j'ai écrit énormément d'histoires pour eux mais aussi pour L'École des loisirs. C'était une autre manière d'exister."

Mais voilà, en 2009, à la suite de la vente de Fleurus, qui lui a inspiré Nous étions des êtres vivants (Gallimard, 2010) - où elle relate sous forme d'une tragédie antique la déliquescence individuelle et collective des salariés face aux menaces de restructuration et de licenciements -, Nathalie Kuperman se retrouve au chômage. Elle concède volontiers que, sans cette expérience, elle n'aurait pas donné une dimension sociale aussi forte aux Raisons de mon crime. "Cette situation de précarité a produit une sorte de déséquilibre en moi d'où a surgi le livre. J'ai projeté chez ma narratrice certaines de mes angoisses, notamment celle de se retrouver du jour au lendemain à la rue." Même si, il y a quelques semaines, elle a trouvé un emploi d'éditrice aux éditions de L'Olivier, les questions de pauvreté, de misère, de déclassement et d'isolement, qu'elle dépeint avec une redoutable justesse dans son nouveau roman, continuent de l'obséder. "Comment voulez-vous ne pas être touché par toutes les histoires que l'on entend chaque jour, sauf à vivre dans une tour d'ivoire ?" Or, à cela, la romancière se refuse. "J'ai besoin, explique-t-elle encore, d'être en prise directe avec le réel. Si j'avais la possibilité de vivre de ma plume, je ne suis pas certaine que la nécessité d'écrire serait la même. Écrire, c'est s'extraire du quotidien, s'arracher à la vie pour mener une existence parallèle. Pour cela, j'ai besoin d'être surprise par le réel."

Et surprise, elle le fut lorsqu'il y a un an, après un passage à une émission littéraire à la télévision, une cousine avec laquelle elle n'avait plus de contact l'a appelée. Tiraillée entre la promesse qu'elle lui a faite de la revoir et la terreur que ces retrouvailles lui inspiraient, Nathalie Kuperman a trouvé son "sauve-qui-peut" dans l'écriture et défini les grandes lignes de son livre. Restait à convaincre sa cousine de lui raconter sa vie, celle de sa mère et de leur grand-mère que la romancière n'a guère connue. Et pour cause, sa mère ayant choisi de rompre presque tous les liens avec sa mère et sa sœur. "Le deal était de dire toute la vérité. Pour autant, j'avais besoin de passer par la fiction , sinon cela n'aurait eu aucun intérêt. Ses mots étaient tellement forts, évocateurs ou décalés qu'il suffisait d'un seul pour construire une histoire ou bâtir un chapitre." À l'écouter évoquer ce livre dont la rédaction ne lui a pris que deux mois et demi, on sent Nathalie Kuperman encore ébranlée par cette plongée douloureuse. "Au cours de cette période, je ne dormais presque plus et, les rares fois où j'y parvenais, je me réveillais en pleine nuit en me disant : "C'est terrible ce que je suis en train de lui faire..." Je craignais qu'elle rejette ce texte. Sans son accord, il n'aurait pu être publié." Surmontant ses peurs et ses doutes, Nathalie Kuperman va donc poursuivre, poussée par l'envie de "gratter de vieilles plaies" et de soulever enfin un pan occulté d'une histoire familiale marquée par l'alcool.

Dans Tu me trouves comment ? (Gallimard, 2001) ou J'ai renvoyé Marta (Gallimard, 2005), la romancière avait effleuré le thème de l'alcoolisme - qui demeure largement tabou, surtout lorsqu'il touche les femmes. Cette fois, elle l'aborde frontalement, sans jugement ni misérabilisme, aidée par la puissance d'un humour détonant, noir et gouailleur - une des grandes forces de son livre. Et aussi, de manière singulière, par le biais d'une étrange filiation. Motif d'exclusion, de ruptures, de deuils, l'alcool est ici surtout la constante d'une généalogie éthylique où se lit la force terrifiante du lien filial. "Tout est tellement imbriqué que cela en est effroyable, explique Nathalie Kuperman. L'alcool empêche de travailler et conduit à la misère sociale et morale. Le personnage de Martine, la cousine, ne se vit pas comme alcoolique car, pour elle, cesser de boire reviendrait à trahir sa mère. Voilà pourquoi la narratrice a envie d'aller y voir de plus près, pour se rapprocher d'elle, de son sujet d'écriture et, au-delà, de sa mère..."

Soudain Nathalie Kuperman s'interrompt, émue. Dans ses yeux, une ombre passe, celle de sa mère disparue, il y a plus de vingt ans. "Elle rêvait d'écrire mais n'en a pas eu le temps. Parfois, j'ai le sentiment que j'ai usurpé sa place. Peut-être est-ce cela mon crime...." Après un silence, elle reprend. "C'est bizarre voyez-vous, mais en l'espace de quelques mois, j'ai eu le sentiment de la retrouver. Jamais, peut-être, je n'ai ressenti sa perte avec autant de douleur. Mon lien avec elle, je l'expérimente depuis mes débuts dans l'écriture. Jusqu'alors je ne m'en étais jamais rendu compte réellement. Car rien n'est concerté chez moi. Je ne prends jamais de notes, ou presque, et surtout je ne veux pas réfléchir à ce que je suis en train d'écrire quand je ne suis pas devant la page. C'est une manière de rester concentrée, et tant pis si je perds des choses. De toute façon, on écrit aussi avec la perte..."
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Extrait

"Martine. Je suis enfin à toi. Je m'enfile un autre verre de vin avant de t'imaginer. Voilà, je te vois. Tu es dans ta cuisine chambre salle à manger. Accoudée à la table en contreplaqué, tu attends l'heure d'aller dormir. Lucien n'a plus la force de te parler. Peut-être la télé, la télé sûrement. Vous commentez une série, pas vraiment convaincus par la cohérence de l'histoire. Pendant ce temps-là, je gravite autour de toi, je note, je croque. Que dis-tu de ça ? Ça t'épate, hein ? Ha ha ! Chère cousine qui m'obligeait à bouffer les fourmis. J'ai envie de te dire je t'aime, mais les mots ne passent pas la barrière de mes dents. Cet amour est mou, son objet incertain. Il erre vaguement entre nos mères qui se sont tant haïes, ne sait trop quelle direction prendre. Il se pourrait qu'il veuille rapprocher nos mortes. Pouah cette simple idée m'écœure. Mais pour qui te prends-tu, ma p'tite fille ? Tais-toi, maman, j'essaie juste de comprendre pourquoi je veux écrire ce livre, une foutrerie en vérité, mais il est un peu tard pour nommer ainsi les mots qui se bousculent et me poussent à vouloir les coucher sur le papier. Allez, allez, c'est parti ! Je veux savoir d'où je viens, de quels conflits, de quelles haines intestines je suis issue.".
("Les Raisons de mon crime", pages 98-99.)
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Parcours

1963 - Nathalie Kuperman naît à Paris.
1993 - Elle publie son premier roman, Le Contretemps (Editions du Griot).
2000 - Rue Jean-Dolent (Gallimard).
2004 - Attention fou rire, premier roman pour la jeunesse (L'École des loisirs).
2008 - Petit déjeuner avec Mick Jagger (L'Olivier, "Figures libres").
2010 - Nous étions des êtres vivants (Gallimard).


(http://www.lemonde.fr/livres/article/2012/01/19/nathalie-kuperman-la-bonne-idee-est-ma-pire-ennemie_1631772_3260.html)
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