Les persécutions contre Benchicou se poursuivent

Les geôles d’Alger, cet ouvrage polémique tant attendu des lecteurs algérois, et dont la sortie dédicacée était programmée pour ce matin à l’occasion de l’ouverture de la Foire du livre, vient d’être interdit de vente.

Des policiers ont, en effet, dès la première heure d’ouverture du stand, procédé à la saisie de tous les volumes s’y trouvant et à sa fermeture.

Benchicou, l’auteur bien connu d’un autre brûlot, qui avait défrayé la chronique lors de sa sortie en 2004, sous le titre Bouteflika, une imposture algérienne, n’a pas manqué aussitôt d’en aviser le monde de la presse, renvoyant ainsi le gouvernement algérien aux mensonges dont il est coutumier à propos de la liberté d’expression.

C’est ce même Benchicou, ancien directeur du journal Le Matin qui a purgé deux ans de prison, de 2004 à 2006, pour un faux trafic de sous monté de toutes pièces, à défaut de lui trouver des motifs d’incarcération plus crédibles et convaincants.

Il faut croire que le nouvel ouvrage, dont on redoute l’impact négatif, considérable et prévisible dans le pays, est un nouveau pamphlet mettant une nouvelle fois à nu les graves dérives du régime algérien en place. A lire, en effet, quelques extraits reproduits dans le site Le Matin, Benchicou met en lumière, à côté des conditions désastreuses de l’univers carcéral, les grands maux de la société algérienne nés en grande partie de la gestion despotique et irresponsable du pays. Les excès et abus de toute sorte, qui se répercutent sur le peuple lui-même, y émaillent quelques pages de celles du moins présentées dans le site.

Il suffit, au demeurant, de lire les nombreux commentaires des internautes qui accompagnent les nombreux articles insérés dans la plupart des articles meublant ce dernier, pour se faire une idée de l’immense désarroi voire du désespoir qui caractérise les lecteurs dans leur ensemble. Le régime de Bouteflika y est traité avec grande rudesse et violence n’ayant d’égale que la répression qu’il exerce lui-même sur le peuple pour l’étouffer et le contraindre au silence.

Les journaux d'Alger de ce matin ont dans l'ensemble unanimement condamné la saisie du nouvel ouvrage de Benchicou, Les Geôles d'Alger. Ce livre devait être dédicacé, jeudi, par son auteur, en même temps qu'un autre, signé de Me Ali-Yahia Abdenour, ex président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH). Tous deux édités par les Editions Inas ont été saisis au même moment et pour les mêmes motifs de non déclaration préalable aux autorités organisatrices de la Foire du livre.

Les Editions Inas, qui ont refusé d'obtempérer à l'ordre de diffuser le livre de Benchicou hors de la Foire, ont organisé aujourd'hui de concert avec l'auteur une conférence de presse pour expliquer leur attitude.

En flétrissant tous deux une grave atteinte à la liberté d'expression, Benchicou a tout particulièrement insisté sur son droit d'écrire ce qu'il a personnellement vécu durant deux ans à la prison d'El-Harrach. Il a contesté d'ailleurs aux généraux, à Bouteflika et à Zerhouni la propriété exclusive qu'ils croient détenir sur l'Algérie. Tout comme il a persisté à revendiquer, comme journaliste, son droit de s'opposer à un régime ayant usé de l'arbitraire et de la manipulation pour l'arrêter et le condamner, et ce dans l'illégalité la plus invraisemblable.

Il ne s'est d'ailleurs aucunement gêné d'appeler à la lutte contre un régime rétrograde, en cessant d'abord de céder à la peur, à l'indifférence, à la passivité, le tout étant synonyme de lâcheté, de son point de vue.

Pour terminer, enfin, il a estimé que les subterfuges utilisés pour justifier la saisie de son livre ne résistent juridiquement à aucun examen sérieux et qu'ils participent de la seule volonté de le réduire au silence et de briser en lui toute velléité de résistance.

Décidément, il faut croire que Mohamed Benchikou, l'ancien directeur du journal Le Matin, est bel et bien le damné, le pestiféré peu en odeur de sainteté dans son propre pays. Pour la troisième fois consécutive, le nouvel ouvrage de son cru est interdit de publication. La police, dépêchée dans les locaux de l'imprimerie Mauguin de Blida, a saisi l'ensemble des documents traitant du livre "Journal d'un homme libre", en instance de fabrication.

Pourtant, à en croire le communiqué publié par l'auteur des "Geôles d'Alger", toutes les formalités légales de déclaration préalable auprès de la Bibliothèque nationale, ont été accomplies dans les règles.

Cette espèce d'acharnement mis par les autorités algériennes à la saisie de publications de Benchikou démontre une fois de plus, s'il en était besoin, que le régime d'Alger se comporte exactement comme le plus arriéré, le plus démagogue, le plus dictatorial, à n'en pas douter, des pouvoirs encore existants sur la planète.

Ce n'est pas en verrouillant l'expression publique qu'il réussira en tout cas à gagner à sa cause le soutien des Algériens de toute tendance, quel que soit leur âge ou leur sexe. L'histoire le relèguera immanquablement, enfin, au nombre des régimes despotiques, sur lesquels cracheront demain les générations à venir.

Mme Khalida Toumi, ministre algérienne de la Culture, est sortie hier de ses "ténèbres" pour revendiquer la paternité de la saisie de l'ouvrage de Benchicou, qui était en cours d'impression chez l'imprimerie Mauguin de Blida.

L'ancienne militante du RCD, en rupture de ban, s'est déclarée scandalisée par les atteintes portées, dans le livre, contre des personnalités principalement nationales et contre l'amalgame fait entre le ministre de l'Intérieur, Zerhouni, et feu le général Massu, ancien tortionnaire d'Alger. Pour elle, avoir placé sur le même plan ce général et l'ancien officier des services secrets algériens est une erreur grave susceptible de valoir de la prison à l'auteur, Benchicou.

Dans son site Internet, lematin.dz, ce dernier a inséré quelques pages de son ouvrage où il est essentiellement fait état de ses passages au micro de la presse audiovisuelle française. Il se serait montré d'ailleurs très critique à l'endroit notamment de Sarkozy, pourfendant surtout ses positions sur l'immigration et son soutien plus ou moins ouvert au peuple israélien. Par contre, rien jusqu'ici, du moins à travers ses deux papiers consacrés au sujet, n'évoque la comparaison de Zerhouni à Massu.

Peut-être verra-t-on cette dernière dans un prochain article !

En fait, faute d'avoir consulté le site lematin.dz de Benchicou avant l'insertion de mon commentaire d'hier, je n'ai pas pu prendre connaissance d'un nouveau papier publié par l'ancien directeur du journal Le Matin.

Ce dernier y a, en effet, évoqué un peu plus en détail la comparaison de Zerhouni avec Massu et Charon aux pages 126 et 129. Sous le pseudonyme de Yazer (Ya pour Yazid et Zer pour Zerhouni), le ministre de l'Intérieur est violemment critiqué dans la phrase : "En revanche, Kaiser Moulay et Le Grand Vizir Yazer, qui ne désespèrent pas de pasticher Massu, un demi-siècle après sa déroute, s’activent toujours à réduire les indocilités sociales et politiques par le gourdin et les tribunaux".

A la page 129, Benchicou ne prend pas non plus de gants pour brocarder l'ancien Premier ministre intégriste Belkhadem. Il note : "Notre chef de gouvernement se livrait à cet exercice, ce jour-là, en recyclant la technique de deux célèbres bourreaux : Massu et Ariel Sharon. Avec la foi du représentant de commerce, Abdoul le Persan affirmait devant la presse que le problème n’était désormais plus dans le danger terroriste mais dans la montée de la délinquance juvénile. Avec cette précision jubilatoire : les délits liés à la petite et moyenne criminalité étaient en hausse alors que ceux rattachés au terrorisme connaissaient un déclin heureux.

Abdoul le Persan se livrait, là, à un vieux subterfuge. Par cette sournoise similitude entre le larcin de rue et l’explosion d’une bombe, il reléguait l’acte terroriste au rang de vulgaire maraudage et pensait ainsi rétablir la sérénité par le mensonge. Rien n’est en effet plus rassurant pour l’opinion que de savoir qu’à l’échelle des menaces, le pickpocket avait déclassé le terroriste et qu’elle avait, en conséquences, plus à craindre pour le portemonnaie des vieilles dames que pour la sécurité de la patrie !
Le chef du gouvernement aligatorien n’ignore pourtant rien de la petite différence qui sépare le pickpocket du terroriste et qui rend dérisoire toute comparaison : le projet. Le premier n’en a pas, il vole pour lui-même ; le second en a un, très politique, il tue pour renverser le pouvoir en place.

L’inconvénient, pour Abdoul le Persan est que cette fumisterie, à laquelle tous les régimes oppresseurs s’étaient déjà adonné, à commencer par les plus grands, l’occupant français et l’occupant israélien, était vaine.
La jubilation d’Abdoul le Persan rappelait, en effet, celle d’Ariel Sharon, après que l’élévation d’un mur pour séparer Israël des « territoires » eût provoqué une baisse des attentats. Celle-là même que l’on avait entendue, jadis dans la bouche du général Massu après la bataille d’Alger : « Après tout, nous avons ici beaucoup moins de morts causées par les terroristes que l’on n’en a ailleurs du fait des accidents de la route ! »
La péroraison suggérait que la défaite des « terroristes » était à ce point consommée qu’elle en est arrivée à faire moins de victimes que l’excès de vitesse."

De toute évidence, pour diffamation, le propos peut indubitablement conduire l'auteur devant les tribunaux, par cela d'excessif que les deux comparaisons avec Massu et Charon n'ont pas de raison d'être. Même si Benchicou a suffisamment de raisons de se plaindre des atteintes graves qu'il a subies en propre par le fait de Bouteflika et de son alter ego Zerhouni, il eût mieux valu ne pas évoquer quelque similitude de ces derniers avec les généraux Massu et Charon.

A l'occasion du Salon du livre dont l'inauguration s'est déroulée, hier, en présence de Bouteflika, deux autres ouvrages au moins ont été également censurés.

Le premier est de Boualem Sansal - l'ancien haut fonctionnaire rangé désormais au nombre des écrivains de langue française -, porte le titre de Le village de l'Allemand. Il est reproché à l'auteur, en sus de ses positions nettement tranchées contre le régime en place, ses déclarations au journal français L'Observateur, très critiques à l'endroit du ministre en exercice de la Solidarité, qui avait relevé le penchant juif de Sarkozy.

Le second est de Salim Bachi, un jeune romancier né en 1971 qui a été primé en France pour ses deux premiers ouvrages, Le chien d'Ulisse et La Kahéna. Son troisième ouvrage Tuez-les tous semble tout particulièrement froisser les autorités du pays, parce qu'il ferait, selon leurs dires, une espèce d'apologie du terrorisme.

Ces deux auteurs rejoignent donc Benchicou parmi leurs confrères nationaux interdits de publication.