EXCLUSIF. Le directeur de cliniques du Pas-de-Calais pris en photo avec DSK sommé de rendre des comp

LePoint.fr - 17.12.2011
par Jean-Michel Décugis et Aziz Zemour

EXCLUSIF. Le directeur de cliniques du Pas-de-Calais pris en photo avec DSK sommé de rendre des comptes.


Sur cette photo prise à Washington et parue par erreur en une
de "La Voix du Nord", Jacques Mellick fils (à gauche) et Patrick
Pique (à droite) sont en compagnie de Dominique Strauss-Kahn.

51 000 euros. C'est le montant des frais pour l'année 2010 de Patrick Pique, ancien directeur général de l'Association hospitalière Nord-Artois cliniques (Ahnac). Une note plutôt salée difficile à digérer pour les salariés de ce poids lourd de soins dans la région Nord-Pas-de-Calais qui connaît de fortes turbulences financières : perte d'exploitation 2010 entre trois et cinq millions d'euros, emprunts redevables à hauteur de 49 millions d'euros, dette cumulée de 213 millions d'euros, plan de départs volontaires... Fin novembre, un déclenchement de droit d'alerte a été voté quasiment à l'unanimité par les représentants du comité central d'entreprise (CCE).

C'est une photo parue malencontreusement dans La Voix du Nord, le 25 octobre dernier, qui a mis le feu aux poudres. Dans le bureau de DSK, au FMI, trois hommes posaient, en apparence heureux d'être ensemble : Dominique Strauss-Kahn, encore patron de l'institution internationale, Jacques Mellick fils, président du mouvement À gauche en Europe 62, relais de DSK dans le Pas-de-Calais, et enfin Patrick Pique. Par erreur, le dirigeant était présenté par le journal local comme étant Fabrice Paszkowski, l'organisateur des fameuses parties fines tarifées, mis en examen et écroué dans l'affaire du Carlton. Et il est vrai que cette photo avait été prise en marge des escapades organisées par Paszkowski.

"Nous voulons savoir"

Le lendemain, un rectificatif avait été aussitôt publié par La Voix du Nord, mais celui-ci n'a eu pour effet que d'amplifier la rumeur. Et multiplier les interrogations. Notamment de la CGT, qui, dès le lendemain de la parution, exigeait de savoir si le groupe qui gère neuf établissements de santé dans la région était concerné par cette affaire. "Il s'avère que monsieur Pique porte un badge qui ressemble fortement à celui de l'entreprise, et nous voulons savoir l'implication de l'Anhac", annonce le syndicat dans un courrier adressé à la directrice des affaires juridiques et sociales du groupe. Et la CGT de poursuivre : "Nous voulons savoir qui a supporté les frais d'hébergement, de transport, dans quel hôtel ils séjournaient.". Le courrier de la CGT exige une "réponse précise et détaillée sous 48 heures, week-end compris", faute de quoi elle menace d'informer le "personnel" du "refus de la direction" et d'"orienter son expertise en cours ainsi que l'avocat du CCE" sur les fameuses dépenses de 51 000 euros de l'ancien directeur général.

Réponse de la direction, le 3 novembre: "L'Ahnac n'est en aucune manière concernée par ce dossier." Depuis, par voie de presse, la CGT en a appris un peu plus sur le séjour à Washington de son ancien directeur général. En fait, celui-ci a eu lieu les 24, 25 et 26 janvier 2010. Le déplacement était organisé par Cerner, une société américaine de logiciels de gestion d'hôpitaux. Étaient du voyage le directeur de l'Agence régionale de santé (ARS), le directeur de l'hôpital de Valenciennes et Raphaël Radanne, conseiller santé de Sarkozy à l'époque. Le petit groupe s'est notamment rendu à l'hôpital de Richmond, en Caroline du Nord, pour découvrir les outils de gestion de cet établissement. Mais Patrick Pique est resté une nuit et un jour de plus dans la capitale administrative américaine. "Jacques Mellick, qui se trouvait par hasard au même moment à Washington, m'a proposé de me présenter DSK", nous a expliqué Patrick Pique. Ce 27 janvier, dans le bureau de DSK, l'ancien directeur général de l'Ahnac dit croiser Fabrice Paszkowski, une connaissance de 20 ans, et le commissaire Jean-Christophe Lagarde (tous deux mis en examen dans l'affaire du Carlton). Selon Patrice Pique, la photo a été prise par une assistante de DSK.

Facture réglée par l'Anhac

"J'attaquerai tous les médias qui feront l'amalgame entre cette photo, mon voyage aux États-Unis et l'affaire de prostitution du Carlton", a menacé Patrick Pique quand Le Point a tapé à sa porte. Même réaction du côté de Jacques Mellick fils. Le fils de l'ancien député-maire de Béthune a fait savoir au Point, par l'intermédiaire de son avocat, Lef Forster, que, "comme l'indiquent les protagonistes entendus par la police dans le cadre de l'affaire du Carlton, Jacques Mellick n'a jamais participé à une partie fine". Ce voyage, qui a été financé par ses soins, aurait eu pour objet la préparation de la campagne présidentielle du futur candidat socialiste.

Une chose est sûre, la nouvelle direction de l'Ahnac a retrouvé dans ses cartons la facture d'une nuitée d'hôtel aux États-Unis réglée avec la carte bleue professionnelle de Patrick Pique, le 27 janvier. Puis une autre facture de 879,34 euros adressée à l'association hospitalière par Cerner, correspondant aux frais du voyage (vol aller-retour, hébergement et transfert en minibus). Selon nos informations, cette facture aurait été visée par Patrick Pique lui-même et non par la directrice chargée des relations humaines qui ne pouvait en connaître l'existence. À propos de la note relative à la nuitée du 27 janvier, un courrier recommandé aurait été adressé par la nouvelle direction à Patrick Pique pour lui demander des explications et lui réclamer, le cas échéant, le remboursement.


Indemnité de 300 000 euros

Quant aux fameux 51 000 euros de frais pour 2010, la direction générale aurait réclamé pour analyse la communication du Grand Livre des comptes. Selon nos informations, une partie des dépenses de repas et de déplacement réglées par carte bleue ne serait pas justifiée au regard de l'agenda de Patrick Pique. "Dès mon arrivée, j'ai rédigé une note de service pour que soit désormais organisé le contrôle des frais de mission et de déplacement", affirme Pascal Forcioli, nouveau directeur général de l'Ahnac. Et d'ajouter: "Je veux moraliser le fonctionnement de l'association hospitalière."

Patrick Pique a quitté précipitamment l'Ahnac, en mai dernier, avec à la clef une indemnité, selon nos informations, de 300 000 euros. L'ancien dirigeant vit toujours dans son logement de fonction qu'il aurait racheté à la Soginorpa, un bailleur social qui gère les anciens logements miniers. Le logement de Patrick Pique se trouve dans l'enceinte de la polyclinique de Liévin.

Ami de Jean-Pierre Kucheida

Le député-maire de cette commune, Jean Pierre Kucheida, aujourd'hui dans le collimateur de la justice, fait partie du conseil d'administration de l'Ahnac, et il est un ami d'enfance de Patrick Pique, dont l'épouse, Véronique, a travaillé quelque temps à la Soginorpa comme conseillère rattachée au président. Un emploi à mi-temps à 1 000 euros net par mois avec, comme avantage en nature, un téléphone portable et des indemnités kilométriques.

Lundi, le comité central d'entreprise de l'Anhac doit rencontrer la direction générale. Sans nul doute, la question des dépenses de Patrick Pique sera abordée...

(http://www.lepoint.fr/societe/affaire-carlton-ps-du-pas-de-calais-le-chainon-manquant-17-12-2011-1409610_23.php)