Arche de Zoé - Opération humanitaire ou traite des enfants au Darfour

Tout à fait incidemment, hier à 6 h du matin, les autorités tchadiennes ont découvert, à Abéché, à l’est du Tchad, 103 enfants, originaires du Darfour (Soudan), que neuf convoyeurs de l’association Children rescue s’apprêtaient à faire embarquer dans un avion de location en direction de la France. C’est même leur attroupement à une heure aussi matinale qui avait suscité la curiosité des policiers.

Le comble est qu’après vérification, et atterrissage une demie heure plus tard d’un Boeing 757 non attendu, les accompagnateurs se réclamant pourtant d’une association humanitaire se sont trouvés incapables de justifier à la fois leur présence sur les lieux et l’enlèvement, revêtant toutes les formes d’un kidnapping, de cette centaine d’enfants qu’ils se préparaient à exécuter, au mépris des lois et des règles internationales.

L’avion avait été loué à la compagnie espagnole Girjet, elle-même sous-traitante de Cargo Leasing, une société établie au Luxembourg. Son commandant de bord, un belge du nom de Jacques Wilmart, a même reconnu avoir ramené ces enfants à Abéché, à la suite d’une quarantaine de rotations à bord d'un petit aéronef, Cherokee, de 7 places, à partir de la frontière soudanaise.

Children rescue, qui s’était proposée de soigner des orphelins à Abéché même, avait fini par organiser ce kidnapping « en étroite coopération avec un collectif de Français désirant adopter des enfants du Darfour », avoue un autre pilote belge travaillant pour cette organisation dite humanitaire.

Mieux, ce même pilote ajoute que pareille expédition « avait même le soutien de l’Elysée », et précise que lui-même « n’a rencontré aucune difficulté pour organiser le plan de vol international du Boeing ».

Un échange de courrier, retrouvé par Le Figaro, établit plus clairement encore la collusion entre la caserne des sapeurs-pompiers d’Argenteuil, les autorités aéroportuaires de Roissy-Charles-de-Gaulle et cette association soi-disant humanitaire.

En attendant que la lumière soit faite, particulièrement du côté officiel, pour situer les responsabilités françaises, l’on ne peut que s’interroger sur cette forme nouvelle d’humanitarisme qui n’est peut-être pas à ses débuts.

En tout cas, les Africains, contre lesquels une loi discriminatoire et éhontée vient d’être votée, doivent désormais se résoudre à l'idée que si les Français ne veulent pas d’eux comme adultes, ils n'en diraient pas autant de leur progéniture.

"Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse ?... On a fait tout ce qui était en notre pouvoir pour qu'il ne mène pas cette opération. On a alerté, on a prévenu, on a mis en garde, on a mis dans la boucle les autres ministères, nos postes à l'étranger. Tout le monde a été prévenu, les familles ont été mises en garde à chaque fois. Nous avons saisi la justice. Que pouvions-nous faire de plus", a déclaré Rama Yade, la secrétaire d'Etat française, en charge des droits de l'homme.

Dans ce flot d'aveux spontanés, ne peut-on pas lire une espèce de connivence des responsables français qui ont finalement laissé faire. Qui peut croire, après de telle déclarations, que l'association incriminée n'a pas reçu, avant de s'engager, une espèce de feu vert exprimé simplement du bout des lèvres ? Comme le font généralement les services d'espionnage, quand un des leurs est envoyé en mission dans un cadre plutôt illégal : "Vas-y, nous te couvrons ; mais, s'il y a un os, tu te débrouilleras seul à tes risques et périls ; tu ne pourras même plus compter sur notre aide, et au pire nous prendrons parti contre toi et te condamnerons".

Aussi, les condamnations publiques que le ministère français des Affaires étrangères peut, aujourd'hui, arborer pour se dédouaner sonnent-elles creux et laissent percer, en filigrane, une complicité implicite qui ne peut abuser ni les autorités soudano-tchadiennes concernées ni l'homme du commun pour lesquels l'acte en cause n'est rien d'autre qu'un kidnapping opéré à la manière des gangsters et punissable aussi en conséquence.

Il ne reste plus qu'à espérer que le reste du tiers-monde qui est souvent la destination finale de toutes ces associations dites à caractère humanitaire ouvrira désormais grandement les yeux sur les activités des unes comme des autres, avec la ferme volonté d'en finir avec cette forme nouvelle de banditisme, résultat seul du sous-développement et de la faim.

Le parquet d'Abéché a finalement qualifié les actes à retenir comme chefs d'inculpation des neuf Français impliqués dans cette affaire : "enlèvement de mineurs tendant à compromettre leur état-civil, et d'éscroquerie". Leurs sept camarades espagnols, constituant l'équipage de l'avion devant transporter les enfants vers la France, seront poursuivis pour "complicité".

L'inculpation des 16 Européens et des deux Tchadiens qui leur ont servi d'aides, est attendue pour cette nuit.

Les futurs inculpés doivent être ensuite transférés à N'djamena où ils seront incarcérés, en attendant la suite de la procédure.

Quand au Belge, pilote de son état, il est encore en garde à vue et rien n'a été décidé jusqu'ici à son encontre.

Le président tchadien, Idriss Debi a eu, ce matin, des mots assez durs pour les auteurs de ce "trafic", ainsi que pour les familles dites adoptantes qu'il a qualifiées de "pédophiles".

L'inculpation officielle, pour "enlèvement de mineurs, escroquerie et complicité", des 16 Européens impliqués dans l'affaire tchadienne, est finalement rendue publique dans la soirée d'hier.

Le juge d'instruction a donc, comme il fallait s'y attendre dès lors que le président Deby s'en était lui-même déclaré publiquement, suivi les réquisitions du procureur de la République saisi de l'affaire.

Le code pénal tchadien prévoit, s'agissant d'enlèvement de mineurs, des peines de travaux forcés.

Le transfert des prisonniers vers la maison d'arrêt de N'djamena doit se décider incessamment, en même temps que le sort des deux Tchadiens dont l'inculpation de complicité a été relevée par le procureur et celui du pilote belge qui a convoyé une partie des enfants à Abéché.

Il faut rappeler que, la veille, Idriss Deby, en présence des journalistes, avait posé aux inculpés la question foudroyante de savoir s'ils comptaient "vendre" les enfants aux ONG pédophiles ou bien "les tuer et enlever leurs organes". De tels propos aussi cinglants ont fait, depuis, très mal parmi les nombreux soutiens européens des inculpés, et les commentaires qui les ont suivis ont parfois semblé dénier au président tchadien le droit de prononcer des accusations aussi déplacées qu'excessives à leurs yeux.

En attendant que la justice fasse plus de lumière sur cette affaire, il est d'ores et déjà quasiment établi que les enfants ne viennent que pour une très faible partie d'entre eux du Dharfour, qu'ils ont été bien souvent enlevés à leur famille dans la rue sous l'appât de menue monnaie et de biscuits, qu'ils sont tchadiens pour la plupart et surtout qu'ils ne sont pas orphelins dans la majorité des cas.

D'après une nouvelle dépêche d'agence, tombée il y a un instant, les deux Tchadiens ont été, à leur tour, inculpés de "complicité d'enlèvement de mineurs".

L'un est sous-préfet et l'autre chef de quartier de la localité de Tiné, dans le nord-est du Tchad, à la frontière soudanaise.

Le ministre Albert Pahimi Padacké, qui a fait cette déclaration à l'AFP, a ajouté que toutes les personnes poursuivies, soit 18 au total, sont placées "sous mandat de dépôt". Mais, selon un journaliste de l'AFP, ces dernières se trouvaient toujours, ce matin, au Palais de justice d'Abéché où elles ont passé la nuit.

D'après l'enquête conjointe de l'UNICEF, du HCR et du CICR, menée au Tchad, 85 % des enfants ne sont pas orphelins, 75 % ont leurs deux parents, 10 % en ont un et les trois quarts sont tchadiens et non soudanais du Darfour.

D'autre part, un porte-parole du Quai d'Orsay a laissé entendre que Paris a prévenu N'djamena, l'avant-veille du transfert prévu, autrement dit le 23 octobre. L'ambassade de France au Tchad ainsi que le HCR ont été également prévenus. Selon une autre source, l'ambassade française à Khartoum a été également avisée, puisque les enfants étaient supposés venir du Darfour.

En attendant, la polémique continue d'enfler en France. L'assemblée nationale a vécu, hier, un échange de propos assez vifs entre l'opposition et le gouvernement. L'association l'Arche de Zoe est prise à partie notamment pour les effets induits par son acte sur l'ensemble du travail des associations humanitaires. Les familles dites "d'accueil" qui devaient réceptionner les enfants continuent de s'interroger sur l'attitude des autorités françaises qu'elles ne s'expliquent pas. Elles commencent aussi à réaliser que leur rêve de disposer d'un enfant, pour la bagatelle de 2000 à 6000 euros, s'est évaporé dans les méandres d'un coup tordu...

Inquiétées par la grave tournure prise par l'affaire - les inculpés encourent désormais de longues peines de prison et de travaux forcés au Tchad -, les familles tentent, avec l'aide des médias, d'infléchir la position du gouvernement français pour l'amener à peser de tout son poids afin d'obtenir sans délai sinon la libération des prisonniers, du moins leur transfert sur la France. Assurées qu'elles sont de la clémence de la justice française à l'égard de ces derniers, tant elles persistent à considérer qu'il n'y a là qu'un acte prétendument humanitaire, elles sont parvenues à sensibiliser le président de la République, au point où lui-même, dans un élan du coeur, a cru devoir promettre que la France ferait tout son possible pour boucler cette affaire "sans qu'aucune partie n'y perde sa dignité".

Sarkozy, bien sûr, sait qu'il dispose d'un levier considérable à mettre en oeuvre le cas échéant. L'instruction judiciaire de l'affaire du fils Deby, qui a été tout récemment assassiné à Paris par des malfrats de son propre entourage, pourrait servir de monnaie d'échange, en faisant table rase notamment sur le train de vie princier et la vie dissolue du défunt drogué. Mieux, le père Déby, autrement dit le président tchadien, étant, de son côté, impliqué au Tchad même dans de louches affaires de corruption non encore élucidées, c'est un jeu d'enfant pour les services français d'utiliser à fond, si besoin est, cet autre moyen de pression plus consistant.

Rien n'empêchera, parallèlement, qu'on fasse valoir alors, au nom de la sacro-sainte coopération bilatérale, la disponibilité de la France à aider le Tchad financièrement dans quelque projet d'intérêt public. Ainsi, tout le monde sera content, sauf que, pour les malheureux enfants enlevés à leur famille, rien ne se dessine, jusqu'ici, qui permette de les restituer au plus tôt et en bon ordre à leur famille.

Pendant que les associations humanitaires, qui interrogent les 103 enfants sauvés in extrémis d'un enlèvement illégal, reconnaissent d'ores et déjà que la quasi-totalité d'entre eux ont des parents et sont issus du Tchad, une autre, très connue, Terre des hommes, pour avoir activé sur de nombreux théâtres d'opérations, dénonce carrément l'irresponsabilité de l'Arche de Zoé.

De plus, Terre des Hommes déclare ne connaître cette dernière ni à travers ses activités antérieures, ni par les hommes qui la composent.

Enfin, cette ONG suisse ajoute que l'ambassadeur de France à Khartoum l'avait consultée, au même titre que diverses autres ONG, à propos du projet d'évacuation de 1000 enfants du Darfour et qu'une réponse négative lui a été unanimement donnée.

C'est là une autre preuve, si besoin est, que le gouvernement français était bien au courant du projet, aujourd'hui avorté, et donc que sa responsabilité reste entière dans toute la mesure où il n'a rien fait pour la stopper à temps.

Au fil des jours, la vérité commence à prendre le pas sur le mensonge grossier de la bande de criminels de l'Arche de Zoe.

Le mot n'est pas trop fort, maintenant que l'on sait, à la lumière des événements qui se précipitent, que les petits Tchadiens ont été enlevés à leur famille sous des prétextes fallacieux, à l'exemple de celui présenté à cette jeune femme interrogée devant les caméras. "Trois Français et deux femmes sont venus m'offrir la possibilité d'envoyer mes enfants à Abéché, pour les inscrire dans une école, en promettant de nous les ramener dans une semaine", a-t-elle déclaré.

Le mot n'est pas trop fort, non plus, quand on examine de près les offres écrites aux familles dites adoptantes, pour les assurer, ici, que la procédure d'adoption pourra être engagée, sitôt les enfants placés entre leurs mains, et, là, que les fonds versés serviront à venir en aide aux enfants recueillis à Abéché.

Tous ces faux, joints au scandale qui secoue aujourd'hui la France entière par cette affaire scabreuse justifient amplement le dépôt, aujourd'hui même, d'une première plainte pour escroquerie par une famille adoptante qui s'estime lésée par une réponse négative reçue de l'association mise en cause, alors même qu'elle lui a déjà versé plus de deux mille euros.

Nicolas Sarkozy est attendu cet après-midi à N'djamena, pour discuter avec son homologue tchadien du sort des journalistes français et des hôtesses espagnoles emprisonnés dans le cadre de l'affaire des 103 enfants.

Apparemment assuré de leur libération, pouvant intervenir dans la journée, le président français prévoit même de faire escale, au retour, à Madrid pour y déposer les hôtesses espagnoles.

Il est vrai qu'Idriss Déby s'était lui-même déjà prononcé en faveur de la libération des journalistes et des hôtesses, dont la responsabilité n'a, semble-t-il, rien de commun avec celle des organisateurs du rapt d'enfants. Les premiers étaient là pour couvrir un événement qui ne présentait rien d'illégal à leurs yeux et les autres assumaient une mission de caractère strictement commercial pour laquelle leur avion avait été loué.

En revanche, rien ne prévoit jusqu'ici le moindre changement quant au jugement envisagé à N'djamena de l'équipe de l'Arche de Zoe. Les audiences du juge d'instruction chargé du dossier se poursuivent normalement, et rien ne filtre quant aux résultats de ses auditions.

Ahmat Bachir, le ministre de l'Intérieur du Tchad n'y est pas allé avec le dos de la cuillère, lui qui déclare : "Un procès en France constituerait une insulte pour le peuple tchadien", avant d'ajouter, à l'adresse des Français : "Quand nos délinquants se font arrêter chez vous, ils ne sont pas amenés ici. Les faits ont été commis au Tchad. C'est pourquoi ces bandits doivent être jugés et condamnés ici".

De tels propos ont-ils pour objet de mettre un bémol aux déclarations rassurantes de Sarkozy ? lui, qui se propose d'aller "chercher tous ceux qui restent quoiqu'ils aient fait au Tchad". Seul l'avenir nous dira quel crédit leur accorder.

A l'adresse en particulier de tous ceux qui se portent solidaires de leurs compatriotes emprisonnés et dont ils souhaitent carrément l'élargissement, le ministre tchadien semble tout aussi péremptoire, s'agissant des inculpés : "Ils doivent aussi purger leur peine dans le pays : qu'ils goûtent à nos prisons !", s'est-il exclamé, pour conclure : "Et, une fois qu'ils auront purgé leur peine nous les expulserons du pays une bonne fois pour toutes".

C'est seulement maintenant que les Africains, d'une façon générale, commencent à mesurer l'étendue de la catastrophe si l'on n'avait pas mis fin à temps aux entreprises criminelles d'une association soi-disant humanitaire. Nombreux sont aussi ceux qui s'interrogent s'il n'y a pas eu d'autres enlèvement déjà, au Tchad ou ailleurs, vu la grande confiance accordée généralement aux humanitaires intervenant dans leurs différents pays. Au Congo, tout particulièrement, quelques cas d'enlèvements individuels ont même été signalés et justifient les mesures prises ces derniers jours pour verrouiller désormais tout le processus d'adoption.

Les événements tendent à se précipiter, à la suite de la déclaration tonitruante de Sarkozy, faite ce matin devant les pécheurs en grève.

Voici les réactions rapportées par l'agence AFP, il y a quelques heures :

" Ce n'est pas le président Sarkozy qui décidera ", a immédiatement réagi le ministre tchadien de la Justice, Albert Pahimi Padacké, jugeant sa déclaration "inopportune".

Le président tchadien Idriss Deby Itno a enfoncé le clou en fin de journée: " Il ne me semble pas nécessaire (...) que ces membres de l'ONG soient expatriés ailleurs pour faire la justice. La justice se fera ici au Tchad ", a-t-il déclaré à des journalistes.

" Il n'est pas question pour le moment que les juridictions tchadiennes se dessaisissent du dossier. Au contraire, les juridictions tchadiennes vont aller jusqu'au fond ", a-t-il ajouté, soulignant que son opinion nationale était " très sensible à cette question ".

" Il ne s'agit pas de se mettre d'accord ou de ne pas se mettre d'accord. Il s'agit simplement de respecter la souveraineté d'un Etat, la justice d'un Etat ", a insisté le président tchadien.

Dans une "mise au point" aux déclarations du président français, l'avocat de l'Etat tchadien a jugé " impossible qu'il y ait une extradition quand on lit la convention (judiciaire de 1976) qui lie le Tchad à la France ".

Un des articles de la convention, l'article 49-C, indique que " L'extradition est refusée quand une infraction est commise en tout ou en partie sur le territoire de l'Etat requis ", en l'espèce le Tchad, a-t-il expliqué, invitant " les autorités françaises à une bonne lecture de l'article 49 ".

En essayant, hier soir, de gommer les aspérités de la déclaration par trop choquante et déplacée faite la veille par Sarkozy, selon laquelle " il irait chercher les ressortissants français incarcérés au Tchad quoiqu'ils aient fait " et qui a froissé notablement les autorités tchadiennes, David Martinon, le porte-parole de l'Elysée, n'a en rien réussi à lever l'équivoque à N'djamena.

Une cinquantaine de Tchadiens se sont amassés dès ce matin devant le palais de justice de leur capitale, où devaient être auditionnés leurs quatre concitoyens accusés de " complicité d'enlèvement de mineurs ", pour protester contre les propos du président français, note une dépêche de l'AFP.

Me Collard et ses collègues chargés de la défense de leurs coreligionnaires, et dont la voiture avait été à cette occasion secouée, a eu alors ce mot de dépit, en parlant du président français : " Il nous complique la vie... Nous sommes obligés de travailler avec cette maladresse narcissique... Il faut oeuvrer pour réparer cette maladresse dans le respect de la justice et de la population tchadiennes ".

En vérité, Me Collard n'est pas le seul à trouver que Sarkozy en fait beaucoup trop pour un homme dont la haute fonction impose moins d'impulsivité et davantage de considération et de respect, de circonspection et de retenue devant marquer chacun de ses actes et de ses gestes, quand bien même s'adresse-t-il à des responsables qui doivent leur pouvoir aux interférences ou aux immixtions des services français dans les affaires des ex colonies.

Il est à craindre que ce zorro, comme l'appellent nombre d'internautes dont les commentaires souvent virulents dénoncent en lui non l'homme actif mais l'homme agité, ne finisse très vite par réunir plus de voix demandant son retrait qu'il n'en avait trouvées pour se faire élire, il y a... seulement quelques mois.

Un article, signé Shanda Tomne, du journal camerounais d'opposition "Le Messager", consacré à cette affaire, montre un début de prise de conscience des Africains devant ce problème qui va désormais peser lourdement dans les relations euro-africaines. Ne désirant pas l'amputer, je préfère le livrer in extenso comme le reprend "Le Courrier international" :


ARCHE DE ZOÉ • "Ces voyous à qui Dieu a donné la peau blanche"

Le scandale provoqué par une poignée d’aventuriers européens qui ont affrété un avion pour aller s’emparer d’une centaine d’enfants, sous prétexte d’action humanitaire, sans droit ni titre, sans morale ni raison, est à lui seul tout un symbole de la contradiction dans laquelle baigne l’Occident. Comment comprendre qu’au moment où les portes de tous les pays européens semblent se fermer à l’Afrique par le biais de législations infernales contre l’immigration, on nous annonce que, par charité, une centaine de gamins nègres devaient être accueillis par des familles blanches ? S’agit-il d’en faire des esclaves dans des maisons closes, des jouets pour petits Blancs, de la bonne chair pour des fauves de cirque ? Combien d’enfants ont-ils déjà été victimes de ces rapines, comme victimes africaines innocentes dont le seul tort est d’avoir été condamnées à la misère ?

Le gouvernement tchadien a pu stopper l’opération, en arrêtant ces aventuriers et en confiant les enfants à la garde de l’UNICEF. Mais de quel gouvernement tchadien s’agit-il ? Celui qui est protégé, supervisé et tenu à bout de bras par la France ? Bien évidemment, il ne faut avoir aucune illusion : la libération de ces voyous à qui Dieu a donné la peau blanche sera finalement arrangée. Ils sont citoyens des pays maîtres qui écument le continent, et le bon petit soldat tchadien n’échappera pas à la règle.

Sans doute inspiré par les histoires et les images qui emplissent les bulletins d’informations à travers le monde sur la misère totale du continent africain, un véritable commerce de la pitié s’est mis en place dans les pays riches. L’excitation a dorénavant gagné toutes les couches sociales. Il y a ceux qui se sont assignés pour mission, sans que mandat leur soit donné pour quoi que ce soit, de sauver des enfants africains traités à tort ou à raison d’orphelins. Il y a ceux qui se battent pour inventer des programmes de sauvetage, tantôt pour la Somalie, tantôt pour l’est du Congo démocratique en proie à une rébellion sans fin, tantôt pour le Tchad et la Centrafrique, où des accords de paix succèdent aux accords de paix sans jamais faire taire les armes. On se bat donc partout au nom de l’Afrique.

Mais, et c’est édifiant, on cherche aussi, pour comprendre, pour cadrer, pour dompter la misère, à donner une couleur aux souffrances, à affecter une religion à la pauvreté et même à inventer une génétique de la violence. Où faudrait-il dorénavant orienter les recherches sur les causes de la misère de l’Afrique ? Faudrait-il continuer dans une critique intellectuelle des systèmes de gouvernance ou recourir à une étude approfondie des traits génétiques des peuples africains ?

Le monde ne parle plus que de nous, de l’Afrique. Le monde ne voit plus que nous comme le problème, la honte éternelle de l’espèce humaine, l’humiliation des continents, la source de toutes les maladies. Il y a une trentaine d’années, alors que je résidais à Washington, je découvris un article fort significatif dans le très sérieux Washington Post, sans doute un des plus prestigieux et des plus importants quotidiens des Etats-Unis. L’auteur de l’article, que l’on présentait comme un scientifique éminent, décrivait les différentes espèces de cafards en prenant soin de mentionner leurs capacités de nuisance, leur dangerosité et leur origine. Une bonne dizaine de ces bêtes étaient ainsi répertoriées, provenant de tous les continents. La plus douce, la plus fine et en même temps la moins nuisible était arrivée aux Etats-Unis dans les bagages des immigrants européens. La plus nuisible, la plus grossière, la plus méchante et plus envahissante provenait d’Afrique, importée dans les baluchons des esclaves.

Avant cela, mon séjour d’étudiant en Occident fut très souvent troublé par les injures des marchands de sommeil, qui, pour nous refuser la location de leurs minuscules chambres insalubres, expliquaient que les mets africains étaient trop épicés et dégageaient une forte odeur, gênante pour les voisins.

Aujourd’hui, en 2007, nouveau siècle, nouveau millénaire, et alors que le monde a évolué dans toutes les branches de la recherche scientifique, de la technologie et de l’information, alors que les peuples s’inquiètent de leur place dans la mondialisation, l’Afrique se voit rappeler brutalement ses insuffisances. Nous entrons dans la phase finale du procès cruel fait aux peuples, lequel mettra à mort les continents misérables et les races maudites.

Comme l'écrit Aharbal, les Africains commencent à se remuer. Pour preuve, cette longue lettre adressée à Sarkozy par un député tchadien qui l'accuse nommément de jouer au Zorro pour venir en aide plutôt à son propre frère, le docteur François Sarkozy, impliqué dans une drôle d'aventure :

Arche de Zoé - Le député Ngarlejy YORONGAR écrit à Sarkozy
Ngarléjy Yorongar dit à Sarkozy d'avoir une autre approche de la Convention entre le Tchad et la France en matière de l'extradition

Fédération, Action pour la République
(Far/Parti Fédération)
BP 4197 N'Djaména - Tchad
N°030/FAR/CEF/2007

Excellence Monsieur Nicolas Sarkozy
Président de la République
Objet : Votre déclaration du 6 novembre 2007

Excellence Monsieur,

« J'irai chercher ceux qui restent quoi qu'ils aient fait » dites-vous. « Quoi qu'ils aient fait », en insistant pour être clair et bien compris. Vous narguez les Tchadiens qui sont à vos yeux moins que vos chiens, qui demeurent toujours des esclaves et qui ne méritent ni dignité ni respect, comme les traitaient vos ancêtres.

Venez les chercher, Excellence Monsieur Nicolas Sarkozy, puisqu'ils ont accompli des actes qui méritent la médaille d'honneur. Puisqu'ils n'ont enlevé et séquestré que des enfants nègres, bons pour les réseaux notamment des pédophiles, des voleurs d'organes humains, des proxénètes et des laboratoires d'expérimentation.

Nous savons ce qui vous fait présentement courir.

Vous paniquez depuis le jour où vos compatriotes dignes de la médaille d'honneur à leur décernée ont été arrêtés à Abéché. Mieux, après que vous ayez réussi à les kidnapper avec la complicité de M. Idriss Déby pour les ramener en France, alors qu'ils ont à peine été entendus par le doyen des juges d'instruction chargé de la procédure.

N'est-ce pas, Excellence Monsieur Nicolas Sarkozy, vous voulez étouffer cette affaire dans l'œuf pour éviter le déballage de vos protégés ?

En voici quelques raisons :

Nous soumettons à votre sagacité, le dossier que nous a fait parvenir un de vos compatriotes :

Rappelez- vous de ce rapport sur l' "Aide humanitaire, trafic d'enfants et terrorisme international " à l'OIPC-INTERPOL, en 2004, publié depuis trois ans déjà sur l'Internet ! Voir également " Rapt international d'enfants "entre autres !

Votre frère cadet, François Sarkozy en plein dans le « merdier » ! C'est ce qui vous fait perdre la tête ces jours-ci.

« J'irai chercher ceux qui restent quoi qu'ils aient fait » clamiez-vous, hier 6 novembre 2007, à qui veut vous entendre. On ne peut que s'en féliciter.

Maintenant, à quoi la précipitation de notre Napoléon du troisième millénaire est-elle due ?

Dr François Sarkozy, votre frère cadet, est-il lié aux pieds nickelés de l'humanitaire pour que vous soyez aux toutes premières loges des dessous de la « lamentable équipée » de l'Arche de Zoé ?

En effet, à en croire la bonne presse, la secrétaire générale de l'Arche de Zoé n'est autre que la très respectable Stéphanie LEFEBVRE, une vielle connaissance de M. Eric BRETEAU, initiateur de l'opération foireuse « Children Rescue », au Tchad. Les deux protagonistes se connaissent, dit-on, depuis 15 ans.

Or, Mme Stéphanie LEFEBVRE est la directrice adjointe de Paris Biotech Santé, comme vient de le révéler le Journal chrétien. Et François Sarkozy, votre frère cadet, figure, avec Stéphanie LEFEBVRE, parmi les membres du Comité d'évaluation de ce prestigieux organisme voué à la recherche biomédicale et à la santé. On est émerveillé.

En effet, le parcours de votre frère est éloquent : M. François Sarkozy a été nommé vice-président du conseil de surveillance de « Bio Alliance Pharma », en janvier 2006. Cet organisme est une « société biopharmaceutique d'innovation, spécialisée dans le développement et la commercialisation de nouveaux produits thérapeutiques focalisés sur le cancer, les infections graves (VIH)... » peut-on lire en ligne. C'est là un domaine que connaissaient bien les infirmières bulgares en Libye.

En parallèle, votre frère cadet, le Dr François Sarkozy, 47 ans, occupe depuis 2001 un poste d‘associé au sein d‘AEC Partners.

Qu'y fait-il ? Votre frère cadet y est très actif. La preuve, tout l'intéresse : le développement de stratégies marketing et médicales au niveau international, le management de projets et ressources, la prospection et la négociation de produits, la commercialisation de nouveaux produits et le management de la transition lors de fusions et réorganisations.

Pédiatre de formation, votre frère cadet, le Dr François Sarkozy est un bourreau de boulot. Encore bravo ! Avant cela, pendant la période 1990-2000, il fut successivement directeur médical France pour Aventis Pharma et directeur médical et pharmaceutique France pour Hoechst Marion Roussel.

Et, pendant trois ans, votre frère cadet est dans ses hautes fonctions pharmaceutiques, posté aux Etats-Unis. Félicitations ! Bravo !

Sachant qu'auparavant, le Dr François Sarkozy était chez Roussel-Uclaf, directeur du développement international, responsable du développement clinique international et chef de produit au niveau mondial pour les antibiotiques.

De 1983 à 1990, votre frère cadet a occupé un poste d‘assistant au sein du département de physiologie respiratoire à l‘AP-HP. Un partenaire attitré de Paris Biotech Santé (et de l'Arche de Zoé ?). C‘est également au sein de l‘AP-HP que François Sarkozy a réalisé son internat en pédiatrie (Interne des Hôpitaux de Paris). Le Dr Sarkozy possède aussi un MBA obtenu auprès de l‘INSEAD, si l'on en croit Bio Alliance Presse, le 5 janvier 2006, par un communiqué de presse.

Que fait exactement Bio Alliance Pharma où siège votre frère cadet ?

La compagnie a développé des médicaments comme le Doxorubicin Transdrug pour traiter des maladies décrites comme mille fois plus virulentes en Asie du Sud-est et dans l'Afrique sub-saharienne, si l'on prête foi à Boursorama.

D'autre part, pour développer ces remèdes, la société a fait appel à des expérimentations sur des patients comme, par exemple, pour le Loramyc, 540 patients sur 40 sites répartis entre les Etats-Unis, le Canada et l'Afrique du Sud, peut-on lire sur Smartbrief.

Coïncidence, Eric BRETEAU, ses coauteurs et complices de l'Arche de Zoé voulaient « évacuer » 10.000 orphelins du Darfour vers la France, le Canada et les Etats-Unis.

Quant à AEC Partners où siège votre frère cadet, son plus riche client est le géant américain Pfizer, leader mondial de l'industrie pharmaceutique, spécialiste entre autre du traitement de la maladie d'Alzheimer, « Grande Cause nationale » de la République française en 2007.

ll n'y a bien entendu aucun rapport entre le fait que votre frère ait pour plus riche client le géant Pfizer et le fait que la maladie d'Alzheimer devienne grande cause nationale de la France après votre brillante élection à la tête de la France. Ne me faîtes pas dire ce que je n'ai pas dit !

Au printemps, un petit pays africain géographiquement proche du Tchad, attaque, devant la justice internationale, le fameux Pfizer qui aurait « effectué en 1996 de façon illégale l'essai clinique d'un médicament appelé Trovan Floxacine sur 200 enfants atteints de méningite à méningocoque », selon de multiples sources au-dessus de tout soupçon.

Selon Afrik.com, le géant américain aurait donc en 1996 « secrètement utilisé des enfants comme cobayes dans les tests d'un médicament ». 2,75 milliards de dollars d'indemnités sont réclamés à l'inventeur du Viagra, car « 11 enfants sont morts (5 ont pris le premier produit, 6 le second) et de nombreux autres ont subi des séquelles : surdité, paralysie, lésions cérébrales ou cécité», si l'on en croit Afrik.Com du 21 mai 2007, alors que c'est le très américain The Washington Post qui a déterré l'affaire.

Pour reprendre les termes du Journal chrétien, Parisbiotech, où bossent dur Stéphanie LEFEBVRE, secrétaire générale de L'Arche de Zoé et votre frère « n'est pas une histoire d'amateurs ; ils sont très professionnellement organisés et ne manquent pas de fonds et de soutiens en tout genre. Ils n'avaient donc aucun mal pour organiser et financer l'opération « d'évacuation» menée par l'Arche de Zoé au Tchad ».

Gilbert Léonard de constater dans les colonnes de l'organe de presse en question: La « petite » association «Arche de Zoé» semble avoir préparé cette opération avec beaucoup de relations d'influence et de moyens techniques et financiers. Fin de citation.

Voilà, pour éclairer vos lanternes, l'extrait d'un dossier que m'a envoyé un de vos compatriotes pour me permettre de comprendre le pourquoi de votre agitation.

Libre à vous de donner ordre à votre armée qui n'est séparée de la nouvelle prison que juste par une rue.

Permettez-moi, Excellence, Monsieur Nicolas Sarkozy, de vous rappeler que vous passez complètement à côté de la convention entre la République du Tchad et la République Françoise. Vous avez une lecture erronée des dispositions de cette convention.

En effet, l'article 45 de cette convention relatif à l'extradition dispose sur les sujets à extrader que :

« 1)- Les individus qui sont poursuivis pour crimes ou délits punis par les lois des Parties contractantes d'une peine d'au moins un an d'emprisonnement.

L'extradition peut être refusée « si les infractions ont été commises en tout ou partie sur le territoire de l'Etat » (article 49, alinéa c)..

Pour le cas d'espèce c'est un crime contre l'humanité de ces enfants. Donc, impossible de les extrader, M. Nicolas Sarkozy.

Pour vous, des Français bon teint comme les Breteau ne doivent pas être emprisonnés et jugés par des « nègres juges tchadiens ».

Veuillez agréer, M. le Président, l'assurance de la fierté de M. Idriss Déby d'avoir un ami comme vous.

N'Djaména, le 7 novembre 2007
Le député Ngarlejy YORONGAR

Source: Alwihda

Tandis que le juge tchadien rejette la demande de mise en liberté présentée par les 9 incarcérés (6 Français et 3 Tchadiens), dans le cadre de cette affaire, une nouvelle manifestation, cette fois violente, s'est déroulée ce matin à N'djamena.

Des centaines de jeunes principalement collégiens, selon d'aucuns, un millier au moins, selon d'autres, ont envahi les rues du centre ville de N'djamena, pour dénoncer les agissements de l'Arche de Zoé. Ils ont lancé des pierres contre des voitures occupées par des Occidentaux.

Certains des manifestants, à bord de motocyclettes, circulaient devant l'ambassade de France et le palais de justice, en scandant des mots, tels que "A bas Sarkozy" ; "Sarko voleur" ; "Sarko hors du Tchad" ; "la traite des nègres, c'est fini" ; "Le Tchad est indépendant depuis 1960".

En toile de fond, des Soudanais viennent de faire leur apparition, pour venir chercher, auprès de l'Institution protestante qui a la garde des 103 enfants, ceux de ces derniers qu'ils peuvent reconnaître comme étant des leurs. Accompagnés du procureur tchadien, ils ont visité le camp et pris des photos de gosses répondant sans doute au langage qui leur est commun.

Pour l'instant, en tout cas, le juge chargé de l'affaire considère que "les dépositions des parties civiles ne sont pas encore reçues", pour pouvoir décider du sort des enfants. Plus que cela, on estime que les parents doivent être entendus les uns après les autres pour vérifier les allégations d'abandon sur lesquelles s'appuie la défense des inculpés français.

L'Arche de Zoé doit d'ores et déjà répondre à six plaintes au moins pour "escroquerie", venant des familles dites adoptantes, qui se rendent finalement compte qu'elles ont été menées en bateau depuis le début.

Constituées en partie civile, ces familles, dont le nombre reste jusqu'ici insignifiant par rapport aux 250 inscrites, croyaient candidement pouvoir disposer d'un enfant à adopter, par l'entremise de cette association bidon. Maintenant qu'elles savent une partie déjà de la vérité, elles entendent se faire reconnaître comme victimes d'un traquenard et exiger réparation du préjudice subi. Pour certaines, représentées par leur avocat, Me Eric Dupond-Moretti : " On leur a menti. Elles avaient préparé des chambres, acheté des jouets. Elles croyaient sauver des gosses et voilà qu'elles apprennent brutalement que tout cela est faux. "

D'autres couples éprouvent, en vérité, quelque gêne à se montrer à visage découvert. " On a trop honte. je me sens humiliée. Je culpabilise d'avoir participé à cette mascarade ", reconnait l'une des femmes, selon Le Parisien d'aujourd'hui.

Pourtant, il s'en était fallu de peu que l'enlèvement de ces 103 enfants tchadiens réussisse. Breteau, le chef de bande, était vraiment bien sûr de lui qui allait jusqu'à faire préciser, par les familles adoptantes, le choix du sexe, de l'âge de l'enfant désiré et même du prénom à lui attribuer ensuite, prend soin de préciser Fabrice, l'un des parents candidats retenus par l'Arche de Zoé.

Pour tous, aujourd'hui, le moment est venu de déchanter, de cesser de rêver...

Le juge tchadien chargé du dossier vient de notifier son ordonnance. Le non-lieu a été retenu en faveur des trois journalistes français, des sept membres espagnols de l'équipage du Boeing et du pilote belge, tous libérés le mois dernier. Le sous-préfet de Tiné, également arrêté dans le cadre de cette affaire, bénéficie lui aussi d'un non-lieu.

En revanche, pour les autres inculpés, au nombre de dix, la demande de requalification des faits en délit, présentée par la défense, a été rejetée. Une seconde ordonnance vient en même temps d'être prise pour transmettre le dossier au parquet général, dans l'intention de saisir la Chambre d'accusation.

Les chefs d'inculpation, s'agissant des Français, sont d'ores et déjà connus : enlèvements de mineurs, escroquerie, faux en écritures publiques et grivèlerie, indique une dépêche de l'AFP. La complicité d'enlèvements de mineurs est retenue à l'endroit des autres inculpés tchadiens et soudanais.

La Cour criminelle, qui, de toute évidence, devra juger les inculpés, se réunira au cours de ce mois. La peine prévisible des accusés se situe vraisemblablement entre 5 et 20 ans de travaux forcés.

Si les nouvelles décisions arrêtées, pourtant dans une grande sérénité, ne souffrent, partout ailleurs et aux yeux des observateurs neutres, d'aucun abus en matière juridique, en France, elles soulèvent au contraire une campagne de réprobation qui n'a d'égale que la sémantique volontairement maquillée dans les médias pour abuser les lecteurs. On ne parle, en effet, depuis l'AFP jusqu'au petits journaux de province, en passant par les télévisions et les radios, que d'exfiltration ou de simples transferts d'enfants vers la France. Comme si une espèce de honte, plutôt de complexe à vouloir appeler les choses par leurs noms, pesait trop fort pour désigner crument des Français dans le rapt délibéré d'enfants étrangers, on s'en tient résolument à ces deux seules expressions : exfiltration (mot d'ailleurs impropre puisqu'il ne s'applique qu'à des espions) et transfert d'enfants.

C'est bien le comble, enfin, de continuer de nier une évidence incontournable : l'équipe Breteau n'est rien d'autre qu'une bande de malfrats de bas étage qu'il faut juger avec la plus grande sévérité.

La première audience du procès de l'Arche de Zoé a été ouverte, aujourd'hui à la mi-journée, devant la Chambre criminelle de N'djamena.

Eric Breteau, le premier responsable de cette association poursuivie pour avoir voulu enlever 103 enfants, a été entendu, le premier. Dans un long document de 14 pages lu à la barre, cet accusé a tenté de rejeter l'ensemble des griefs portés contre son organisation, en faisant notamment valoir que les autorités françaises et tchadiennes se trouvaient parfaitement informées de la présence de son association sur le territoire tchadien. Il n'a pas dit, bien sûr, que ces autorités n'avaient à aucun moment approuvé son projet, même si des zones d'ombre demandent à être élucidées de ce côté-là. Aucun code au monde, il est vrai, n'interdit de voler, mais il est interdit de se faire attraper.

Poussé dans ses retranchements, il ne restait à Breteau que le rôle du samaritain à revendiquer : c'est le devoir de se porter au secours des orphelins du Darfour qui lui aurait inspiré son action. Telle sollicitude n'a pas été du goût de l'un des assesseurs contenant mal sa réaction : "si ces enfants étaient des Soudanais", lui a-t-il répliqué.

La défense, tout en relevant alors un signe de partialité de la cour, lequel serait immédiatement rectifié, a cru devoir renvoyer la responsabilité d'une telle méprise aux intermédiaires tchadiens. "Ces derniers auront trompé l'association", disaient-ils. Et ce mensonge serait par suite rappelé plus d'une dizaine de fois dans le propos de Breteau.

Demain, reprendront sans doute les auditions des accusés. Mais d'ores et déjà, à en croire les propos qui s'étaient échangés en coulisse cet après-midi, il est permis de s'attendre à un jugement rapide, principalement dominé par le souci de libérer au plus vite les accusés français contre monnaie sonnante et trébuchante. De lourdes indemnités seraient déjà sollicitées au nom de la partie civile pour indemniser les familles dont les enfants devaient être "exfiltrés", pour employer faussement un terme devenu courant dans le cadre de cette surprenante et non moins scabreuse affaire.

Ce reportage en direct donne la mesure de cette première journée d'audience.

Les intentions se précisent aujourd'hui, par la voix du secrétaire d'Etat français à la Coopération, Jean-Marie Bockel. Des discussions au plus haut niveau se tiennent pour le rapatriement très proche des Français de l'association de l'Arche de Zoé.

Il était à prévoir que les Tchadiens finiraient par accepter, au terme du procès en cours, que les accusés français soient rapatriés pour purger, théoriquement, dans leur pays, la peine dont ils ne pourront apparemment pas réchapper à N'djamena.

Tout concourt, en effet, à subodorer la remise en liberté de ces derniers dès leur arrivée en France. L'opinion publique leur est d'abord quasiment acquise. Ensuite, Sarkozy tiendra là une nouvelle occasion de redorer son blason, lui dont 7 mois d'exercice du pouvoir révèlent l'incapacité à gouverner dans le sens attendu par ses propres soutiens.

Quant aux Tchadiens, tout l'intérêt des familles de victimes reste sans nul doute dominé par le besoin d'échanger Breteau et ses comparses contre des indemnisations consistantes que Paris semble d'ores et déjà disposé à octroyer.

Le verdict est tombé ce soir : 8 ans de travaux forcés pour les six Français ; 4 ans de prison ferme pour les deux intermédiaires tchadien et soudanais ; relaxe pour le maire et le secrétaire général de la mairie de Tiné.

En sus, les huit condamnés sont tenus de payer solidairement aux familles des 103 enfants un total de 6,3 millions d'euros de dommages et intérêts.

Les Français ont semblé alors, pour la première fois, à l'énoncé du verdict, prendre l'exacte mesure de leur acte. Jusque-là, ils avaient plutôt tendance à se considérer totalement innocents, et, pire encore, abusivement incarcérés. Bien trop sûrs d'eux-mêmes, ils n'avaient pas daigné montrer, durant tout le procès, le moindre remords qui eût pu créer quelque mansuétude en leur faveur. Et, l'écoeurement publiquement arboré, par l'un de leurs avocats, Céline Lorenzon, sitôt la sentence rendue, donne encore à penser que ces derniers, plutôt que de leur faire prendre conscience de la dimension inacceptable de leur égarement, les avaient bien bernés d'illusions, à leurs seuls dépens.

Il faut espérer, enfin, que la leçon si magistralement administrée à ces véritables gangsters en herbe serve de leçon à tous ceux qui seraient tentés demain de refaire le même chemin.

Les six condamnés français viennent de quitter l'aéroport de N'djamena pour Paris, suite à l'accord de la Justice tchadienne pour leur tranfèrement dans une prison française, où, théoriquement, ils purgeront leur peine.

Mais, comme la peine de travaux forcés a été supprimée dans le droit français, un tribunal parisien devra, en principe, se réunir à l'effet de commuer cette peine en une autre de simple réclusion, laisse-t-on entendre dans les milieux judiciaires. D'un autre côté, les condamnés devront répondre de leur acte, dans un second procès instruit en France sous le coup d'au moins deux chefs d'inculpation : "aide au séjour irrégulier de mineurs étrangers en France" et "escroquerie".

Sous réserve donc que la Justice tchadienne donne son accord à cette commutation, les prisonniers seront tenus, vraisemblablement au moins pour la forme, de passer quelques semaines de prison dans leur pays avant d'être carrément amnistiés et élargis tant pour la condamnation tchadienne que pour les poursuites pénales exercées contre eux du côté français. C'est, à coup sûr, le scénario auquel il faudra s'attendre, tant la pression pour leur libération demeure forte et sans respect pour les délibérations d'un tribunal africain, et à fortiori tchadien.

Il restera, enfin, à solder la question des dommages et intérêts, à hauteur de 6,3 millions d'euros, que les condamnés devront solidairement, avec leur ex codétenus africains, verser au Trésor tchadien. Là aussi, il est permis de supposer que le Trésor français pourvoira à ce paiement, sur le dos évidemment du contribuable français.

C'est alors seulement que l'on pourra considérer l'affaire définitivement close.

"Si l'Etat devait se substituer à tous ceux qui sont condamnés financièrement, où en arriverait-on ?", a déclaré Rama Yade, aujourd'hui, à propos de l'amende de 6,3 millions d'euros infligée solidairement aux 6 condamnés français de l'Arche de Zoé.

"Ce n'est pas l'Etat qui a été condamné. Ce sont les responsables de l'association. Est-ce que vous avez vu l'Etat se substituer à des responsables de faits de ce genre ? On en finirait pas", a-t-elle encore ajouté.

En droit, la réaction de la secrétaire d'Etat aux droits de l'homme a raison. Mais, dans la réalité, à travers les tractations en coulisse qui ont permis d'aboutir aux résultats que l'on sait, il est à peu près certain que l'on se soit mis d'accord sur le versement de cette pénalité sur le dos du contribuable français, sans quoi les Tchadiens auraient pu saisir, au moins à titre de gage, le Boeing retenu sur le tarmac jusqu'à la fin du procès.

Eric Breteau et ses comparses ne sont apparemment pas près de retrouver la liberté, même si d'aventure le président Déby venait à donner une suite favorable à leur demande de grâce. Ils sont en effet mis en examen pour "aide au séjour irrégulier de mineurs étrangers en France et escroquerie".

Les charges retenues contre eux sont évidemment suffisamment lourdes pour leur valoir de longues années de prison. A un moment où tous les efforts du gouvernement français tendent à enrayer définitivement l'immigration qu'il appelle sauvage en provenance particulièrement d'Afrique, les zozos de l'Arche de Noé opéraient en effet en sens inverse, cherchant à recruter des enfants en bas âge pour les placer directement en adoption dans des familles françaises, contre monnaie sonnante et trébuchante, bien sûr.

Les mécomptes de cette bande de voyous dissuaderont-ils d'autres candidats à ce type d'égarement ?