Le ras-le-bol de Fadela Amara crée la surprise

Amara, l’immigrée kabyle, élevée au rang de secrétaire d’Etat à la Politique de la ville, vient d’exprimer publiquement tout le fond de sa pensée de militante de gauche à propos des fameux tests ADN. Elle qui a trouvé « dégueulasse » qu’on ait « instrumentalisé l’immigration », n’en revient sans doute pas de découvrir dans quelles compromissions l’a-t-on à dessein recrutée.

C’est donc le premier couac de ce premier gouvernement Fillon dit d’ouverture que nombre de députés de l’UMP commencent à regretter sérieusement.

Patrick Devidjian, secrétaire général de ce mouvement, est l’un des premiers à s’émouvoir de la prise de position courageuse de Fadela qui tranche franchement avec les habituelles courbettes qui sont le propre des détenteurs de postes ministériels. Il prend ce coup-de-gueule d’Amara pour une injure inacceptable adressée à la majorité des députés. Relayé aussitôt par nombre de ses amis de l’UMP, qui estiment qu’Amara a gravement dérogé au devoir de solidarité gouvernementale, Devedjian évite néanmoins de se prononcer sur l'éventuel retrait du gouvernement de la secrétaire d’Etat.

Sarkozy, qui croyait rassembler plus largement avec sa politique d’ouverture à gauche, doit désormais déchanter. Il est des reniements à des principes de base qu’acceptent sans doute souvent des faibles, des gens sans conviction profonde et à la vue courte, mais l’inverse est aussi vrai que l’on rencontre fréquemment chez des hommes à forte personnalité, et totalement confiants dans leur jugement et leur perception des choses, où l’apparat, l’argent, et autre vantardise ne s’accommodent guère du véritable devoir de servir loyalement et honnêtement la collectivité.

En cela, oui, Amara Fadela aura administré à tous une belle leçon de l’approche saine et responsable de la politique.

Fadela Amara, loin de baisser les bras, semble tenir bon. Elle reprend le cours normal de ses activités et se dit confiante.

Les appels au calme de Sarkozy, envoyés depuis Moscou où il se trouvait en conférence avec le président Poutine, ont, de toute évidence, contribué à ramener tout le monde à la raison, tant au niveau de l'UMP que du gouvernement.

D'ailleurs, François Fillon, qui a reçu ce matin la secrétaire d'Etat à la politique de la ville, l'a plutôt encouragée à poursuivre son action gouvernementale jugée positive, tout en l'engageant "à ouvrir un dialogue plus direct avec la majorité".

Le Premier ministre doit imputer sans doute la réaction impromptue de Amara au manque de concertation ayant prévalu au sein même du gouvernement et, en ce sens, se considère-t-il quelque part responsable au moins en partie du haut-le-coeur de la secrétaire d'Etat.

D'après le magazine L'Express, Mme Royal se serait offusquée que la secrétaire d'Etat ne se soit pas exprimée en bon français. Emprunté au langage populaire, le mot "dégueulasse" sans doute a dû la choquer apparemment. A-t-elle eu raison ? Voyons ce qu'en disent les dictionnaires.

Pour Le Robert, la définition est :
dégueulasse : adj.
• 1867; de dégueuler
¨ Fam. Sale, répugnant au physique ou au moral. Þ dégoûtant. Ces cabinets sont dégueulasses ! C'est franchement dégueulasse ce qu'il a fait là. Þ moche. Par ext. Un temps dégueulasse : un très mauvais temps. Þ pourri. C'est un travail dégueulasse, très mal fait. Þ salopé. C'est pas dégueulasse : c'est très bon; très réussi (cf. C'est pas cochon). Abrév. fam. DÉGUEU [degV]. « Je suis un petit con, pas correct, dégueu » (R. Forlani). — Subst. C'est un dégueulasse. Þ salaud. Gros dégueulasse ! Þ cochon.

Pour Larousse :
dégueulasse
adjectif
(de dégueuler)
Populaire
D'une malpropreté dégoûtante ; repoussant, sale : Chaussures dégueulasses.
Répugnant moralement ; ignoble, révoltant : Ce que tu lui as fait est dégueulasse.
Répugnant moralement ; ignoble, révoltant
Très mauvais : Travail dégueulasse.

Pour Encarta :
dégueulasse : adjectif (même forme au masculin et au féminin, pluriel dégueulasses)
1. répugnant pour des raisons d'ordre moral (très familier; péjoratif)
elle est dégueulasse d'avoir fait ça
2. très mauvais (très familier; péjoratif)
un restaurant dégueulasse • un temps dégueulasse
3. qui inspire de la répugnance à cause de sa saleté (très familier; péjoratif)
une salle de bains dégueulasse
4. qui est fait sans aucun soin (très familier)
un travail dégueulasse
dégueulasse nom commun - masculin ou féminin (dégueulasses)
1. personne qui choque par l'impudeur de sa conduite (très familier; péjoratif)
Synonyme: dégoûtant
un gros dégueulasse

Comme on le voit, le mot existe bien dans le dictionnaire. Seul Le Larousse considère qu'il appartient au langage populaire et donc qu'il se situe à un cran en-dessous du langage de l'intelligentsia.

Sachant qu'Amara est une fille du peuple, militante pour les droits du petit peuple, on ne peut décemment lui reprocher un soi-disant écart de langage.

En tout cas, à préférer entre elle et Sarkozy lui-même qui a usé du mot "racaille", un terme aussi outrancier que blessant venant d'un ministre devenu président de la République, Amara a sans doute mieux mesuré ses propos.

Fadela Amara, dont les rapports avec ses collègues semblent s’être nettement améliorés au cours de ces derniers jours, n’est pas prête de démissionner du gouvernement, malgré sa violente critique de l’article concernant l’ADN de la loi sur l’immigration, une critique ayant suscité d’ailleurs une certaine polémique au sein même des parlementaires UMP.

Au cours de l’émission « Thé ou café » de France 2, de ce matin, la secrétaire d’Etat à la politique de la ville assure même : « Si l’amendement est confirmé, oui, je resterai ». Elle a ajouté qu’elle considérait disproportionnée la réaction générée par ses propos contre l’ADN.

En fait, bien qu’une frange de la société française s’insurge contre l’article relatif à l’ADN, qu’elle estime discriminatoire, une large proportion de Français, selon OpinionWay, se déclare, à 56 %, en sa faveur, estimant « y voir le moyen de lutter contre la fraude ». Et la preuve a été administrée aujourd’hui même par le nombre très court, deux centaines tout au plus, de manifestants qui se sont mobilisés aujourd’hui, dans la rue, pour protester contre le vote de cet article.