"Le mensonge de Dieu" de Mohamed Benchicou interdit de publication à Alger

Benchicou, ancien directeur du journal Le Matin et auteur de plusieurs ouvrages à caractère politique, vient de diffuser un communiqué annonçant l'interdiction de publication en Algérie de son nouveau roman "Le mensonge de Dieu" par la ministre de la Culture, Khalida Toumi.

Le livre, qui sort le 5 mai simultanément en France et au Canada, n'a pas reçu, selon l'auteur, le numéro ISBN demandé le 19 janvier dernier par son éditeur algérien.

Benchicou fustige Khalida Toumi qui se substitue à la justice. « La censure d’une œuvre de création intellectuelle relève des prérogatives exclusives de l’autorité judiciaire, et non d’un ministre », indique-t-il dans son communiqué, où il ajoute qu'il a « saisi toutes les instances nationales (Syndicat des éditeurs du livre, SNJ…) et internationales (Unesco, Organisation mondiale des écrivains, presse internationale…) à propos de cette nouvelle censure d’un autre temps décidée à la veille de la célébration de la Journée internationale de la liberté d’expression, par un régime qui se pique de vouloir des ‘‘réformes profondes’’ ».

À cause de la censure devenue la règle en Algérie, Benchicou a été privé de publication de deux autres ouvrages au moins dans un passé récent : "Journal d’un homme libre" et "Les geôles d'Alger". Il est vrai qu'un précédent livre "L'imposture algérienne", où il est fait une critique sévère de Bouteflika, avait même conduit Benchicou en prison pour deux ou trois ans ainsi qu'à un important redressement fiscal puis à la suspension sine die de son journal.

Aussi, les fallacieuses promesses de libéralisation, d'ouverture des médias, du champ politique, etc., annoncées récemment en grande pompe par le chef de l'État n'ont-elles aucun sens, aucune portée.

« Mme Toumi n'a jamais refusé d'octroyer un numéro ISBN à l'ouvrage de M. Benchicou (…) ». « Cette démarche ne relève pas des attributions du ministre en charge de la Culture », a écrit le chef de cabinet de la ministre à l'AFP, dans un message email, rapporte TSA.

Aujourd'hui encore, Benchicou, l'auteur de l'ouvrage en cause, s'est insurgé contre une censure qu'il juge excessive des autorités : « De quel droit, ils choisissent ce que l'Algérien doit lire ? De quel droit, ils ont fait de moi un "écrivain de l'exil" alors que je suis un Algérien ? Ils me contestent ma nationalité. Ce n'est pas juste ».

Arezki Aït-Larbi, l'éditeur du livre interdit, confirme de son côté "l'acte de censure", en soulignant : « qu’aucun texte de loi n’exige la présentation d’un exemplaire lors de l’enregistrement à l’ISBN ». « C’est de l’abus d’obéissance », explique‑t‑il en dénonçant cet « acte de censure ». Selon lui, « si un livre pose un problème d’ordre public, il appartiendra à l’autorité judiciaire, et à elle seule, d’en prononcer l’éventuelle interdiction », rapporte encore TSA.

Ne pouvant plus sans doute surmonter les pressions internationales qui se sont exercées sur elles dès l'annonce du blocage de la publication de ce livre, les autorités algériennes ont fini par céder et autoriser le directeur de la Bibliothèque nationale à délivrer le fameux numéro ISBN sans lequel cet ouvrage ne pourra être édité dans le pays.

L'annonce vient d'en être faite par le directeur de la Bibliothèque, Azzedine Mihoubi, à TSA. « Le numéro ISBN a été adressé aujourd’hui à la maison d’édition Koukou qui va éditer le livre sous le titre "La ruse de Dieu » a-t-il indiqué.

« Je pense que c’est la voie de la sagesse. On aurait dû nous économiser cette polémique inutile autour d’un livre qui ne revendique aucune particularité », a estimé Benchicou, l'auteur de ce livre, qui a ajouté : « Je souhaite qu’à l’avenir les autorités qui gèrent la culture restent sur ces dispositions responsables et normales pour un pays qui aspire à la démocratie et renoncent à vouloir régenter la conscience des gens dans ce qu’ils doivent lire ou ne pas lire. Les lecteurs doivent pouvoir choisir et la justice faire son travail si elle juge qu’un ouvrage doit être censuré. »