Kadhafi sérieusement malmené finira-t-il par s'en aller ?

Moins de vingt-quatre heures après ses premières opérations militaires en territoire libyen, la coalition internationale formée à l'initiative de Paris pour amener Kadhafi à résipiscence est parvenue quasiment au bout de ses objectifs. Plus de vingt sites de rampes de lancement de missiles ont été détruits sur la rive méditerranéenne, le bunker du tyran a aussi été atteint à Tripoli en même temps que les centres de commandement de l'armée situés en banlieue, annoncent les communiqués militaires. Par ailleurs, plusieurs blindés qui menaçaient hier encore Benghazi sont désormais hors service, leurs carcasses continuant à présent de flamber sur les routes. Près de 70 morts et une centaine de blessés, des militaires dans leur grande majorité, ont été enregistrés dans ces frappes, selon la déclaration des autorités libyennes.

À cause des atermoiements qui ont précédé son démarrage, il s'en était fallu de peu que cette intervention ratât sa propre raison d'être. Dans le dernier bastion de la résistance, Benghazi, les troupes de Kadhafi et surtout sa deuxième colonne se trouvaient, en effet, dès hier soir, sur le point de venir à bout des insurgés déjà repérés et souvent abattus par des snipers. On a décompté ce matin une soixantaine de tués parmi les résistants ainsi visés et les populations commençaient à fuir la ville par crainte d'être touchées dans les combats fratricides. D'ailleurs les images de chars et autres voitures blindées détruits à l'entrée de la ville par l'aviation française en témoignent suffisamment, ainsi que les photos prises sur les lieux par les médias le montrent .

Les forces, enfin, de Kadhafi sont désormais inopérantes et en tout cas totalement inhibées, notamment avec le brouillage de leurs communications mis en place dès la première heure avec la destruction des radars. Certes, elles tentent encore, à l'heure qu'il est, de reprendre Mizrata, une petite ville perdue à l'ouest, mais leur sort est désormais scellé: elles seront très vite clouées au sol au fur et à mesure que leur repérage par les avions Awacs spécialisés dans la surveillance des mouvements au sol le permettront.

Sur un autre plan, après Moscou et Pékin qui en appellent à la cessation des combats, c'est maintenant au tour de la Ligue arabe de s'indigner des ravages causés à l'armée libyenne par les bombardements de la coalition. Il est vrai que de telles protestations n'ont pas été entendues de leur part, quand Kadhafi promettait d'écraser impunément toute résistance s'opposant à lui dans le pays.

Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amer Moussa, s'est déclaré contre l'usage de raids aériens atteignant des civils en Libye. Pour lui, la Ligue s'est dite solidaire de la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne, une opération excluant par voie de conséquence, selon lui, des frappes aériennes.

Amer Moussa se propose de réunir d'urgence la Ligue arabe pour débattre de la nouvelle situation. "Ce qui se passe en Libye diffère de l'objectif d'imposition d'une zone d'exclusion aérienne, et ce que nous voulons est la protection des civils et non le bombardement de davantage de civils", a-t-il dit.

Pendant ce temps, un membre de cette ligue, le Qatar, a déjà dépêché une escadrille sur le théâtre des opérations. Par contre, l'Arabie saoudite, la Jordanie et le Maroc, dont on avait annoncé la participation à la coalition, n'ont encore donné aucun signe de leur réel engagement.

Un nouveau missile Tomahawk envoyé sans doute d'un sous-marin de la coalition a démoli dans la nuit d'hier, à Tripoli, un immeuble affecté au commandement de l'armée de Kadhafi, situé à quelques centaines de mètres de la tente abritant ce dernier.


Il n'y a pas eu de pertes humaines. Par contre il ne reste du bâtiment qu'un immense tas de ruines que les journalistes ont été invités dès les premières heures du jour à visiter pour témoigner de la "férocité" des "nouveaux croisés", leur a-t-on indiqué.

Apparemment, le message aurait bien porté, puisque la coalition enregistre désormais quelques oppositions sur la scène internationale, voire quelques rechignements, parfois en son sein même.

En plus d'Amer Moussa, de la Ligue arabe, qui réprouve aujourd'hui encore les débordements en Libye de la mission entreprise dans le cadre de la résolution onusienne, Moscou(*) semble voir dans la résolution 1793 une espèce de "nouvelle croisade"; Pékin et New Delhi demandent, pour leur part, que les bombardements cessent... Enfin, le peuple italien se dit contre la participation de son armée à la coalition.

En tout cas, au deuxième jour des opérations militaires, Tripoli a quasiment perdu l'ensemble de ses installations antiaériennes, de ses radars, de ses moyens de communications. Isolés de plus du monde extérieur et la zone d'exclusion étant désormais totalement opérationnelle, Kadhafi et son entourage sont donc bloqués dans leurs bunkers et interdits même de paraître au grand jour.
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(*) Le président Medvedev a estimé par la suite que ces propos tenus par Poutine, Premier ministre, sont inacceptables. « Je considère que la résolution (de l'Onu) reflète notre interprétation de ce qui se passe en Libye, mais pas totalement. C'est pourquoi nous n'avons pas utilisé notre veto », a-t-il déclaré.