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 “Les émeutes à venir seront plus violentes et plus dangereuses”

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Tarascon

Tarascon


Nombre de messages : 225
Date d'inscription : 21/06/2007

“Les émeutes à venir seront plus violentes et plus dangereuses” Empty
MessageSujet: “Les émeutes à venir seront plus violentes et plus dangereuses”   “Les émeutes à venir seront plus violentes et plus dangereuses” EmptyLun 7 Fév - 20:43

Exposés, durant toute la décennie quatre-vingt-dix, à des crimes inédits où des barbares, au nom de l'islam, éventraient, égorgeaient hommes, femmes et enfants, et depuis lors à la corruption généralisée, aux vols et aux détournements les plus insensés commis au sommet de l'État par ceux-là mêmes qui sont censés donner l'exemple, les Algériens préfèrent faire le sacrifice de leur vie à traverser la Méditerranée sur des barques de fortune ou à s'immoler carrément par le feu que de continuer à vivre dans un pays où tous les horizons leur sont bouchés. Les jeunes en particulier, très nombreux au chômage, sont tellement révoltés par la cupidité, l'incompétence, la déchéance et la traîtrise de leurs dirigeants à tous les niveaux qu'ils sont capables de toutes les outrances, y compris celles de détruire sans le moindre remords tout ce qui symbolise l'État et son administration qui les prive de travail, de dignité et de liberté.

Jamais un tel raz-le-bol, inspiré par le désespoir, "la hogra" (le mépris) et l'abus de pouvoir n'ont autant fait de ravages qu'en Algérie. Pays pourtant riche mais extrêmement pauvre par le côté gouvernance et gestion des biens publics, par l'autoritarisme excessif de ses dirigeants, la dictature restreignant toutes les libertés et réprimant enfin sans limites les droits du citoyen, l'Algérie de Bouteflika et de sa bande de corrompus vaut bien aujourd'hui son rang dans le dernier tiers du classement des nations.

Le journal Liberté a interrogé Zoubir Arous, un sociologue chercheur algérien au Cread pour tenter d'expliquer pourquoi en est-on arrivé là. Voici son interview telle que la donne ce quotidien.

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Liberté - 7.02.2011
Par : Nissa Hammadi

Zoubir Arous nous livre son avis sur la vague d’immolation en Algérie et ailleurs. Il pense que les mesures prises récemment par le gouvernement sont des solutions du ventre et non pas des solutions de fond qui touchent le système politique et social. Il affirme que les citoyens se trouvent hors de ces deux systèmes à cause, justement, de la manière dont le pays est gouverné.

Liberté : Quelle interprétation faites-vous des tentatives d’immolation en Algérie ?

Zoubir Arous : L’immolation est un moyen extrême d’exprimer le plus haut degré de frustration et de désespoir de l’Algérien. Cela a commencé par el-harga et maintenant c’est l’immolation. Par cet acte, le citoyen veut transmettre un message très fort aux décideurs du système politique et aussi à la société et ses valeurs rigides qui l’empêchent de vivre normalement sa vie spirituelle et civile sur tous les plans : social, politique et l’épanouissement individuel. L’immolation est le seul moyen d’expression qui reste aux jeunes. On a tout interdit à cette jeunesse. On a interdit aux jeunes la mosquée, sous prétexte que, du point de vue politique, fréquenter les mosquées est un danger pour le système. On leur a interdit également de vivre comme des jeunes de leur âge. Les loisirs dans toutes leurs dimensions leur sont prohibés. Cela ajouté au chômage, à la non-participation à la vie politique, au sentiment de non-appartenance à une société civile. Les jeunes n’ont le droit, ni de vivre leur vie spirituelle ni leur vie civile. Toutes les portes leur sont fermées. Alors, ils recourent à l’incendie physique et moral. Il faut savoir que ce phénomène n’est pas nouveau, il est apparu durant certaines grandes crises, à l’instar de celle du Viêt-nam. Les moines vietnamiens recouraient à l’immolation en guise de protestation contre la guerre sauvage que leur livraient les Américains. La société algérienne, dans toutes ses dimensions, vit une situation grave. C’est la résultante de la violence aveugle qui s’est propagée dans le pays dans les années 1990. Cette violence a brisé les valeurs de solidarité et a perturbé la cohésion des relations sociales.
Aujourd’hui, les tentatives d’immolation s’entreprennent même en famille, comme c’était le cas d’un père de famille qui s’est aspergé d’essence avant de faire de même avec sa fille handicapée.

C’est un indice d’une déstructuration sociale et d’un degré d’incapacité du système politique en place à répondre aux attentes légitimes des citoyens. La société algérienne se trouve dans une impasse totale sur les plans politique, social et culturel.

Il n’y a eu aucune réaction de la part des autorités par rapport à l’augmentation de ces immolations. Comment expliquez-vous ce silence face à un message fort de la population ?

Z.A. - Est-ce que les décideurs ont compris le message de ces jeunes qui s’immolent ? J’en doute, parce qu’il ne suffit pas de se référer aux religieux pour décréter une fetwa sur l’immolation. Si on veut réellement stopper cette vague d’immolation, il faut revenir aux problèmes réels de ces jeunes et trouver les solutions adéquates à la situation catastrophique dans laquelle vit le peuple. Les jeunes subissent, parfois à vie, le chômage. Cette malvie conduit à une situation psychologique où tout devient dérisoire, même l’immolation. Malheureusement, jusqu'à présent, peu d’indices prouvent que les décideurs ont compris le message de ces jeunes. Ils n’ont déjà pas assimilé le langage particulier de la jeunesse. On n’a pas vu, jusqu’à présent, des mesures probantes pour éradiquer les causes qui ont conduit les jeunes à l’autodestruction. Le citoyen est hors système social à cause de la politique menée par les détenteurs du pouvoir. Le seul moyen d’en finir avec les tentatives d’immolation et des émeutes, c’est d’enrayer les causes qui font que les jeunes perdent confiance en eux-mêmes et ne se sentent pas utiles pour leur famille et leur société.

Pourquoi le mouvement associatif et les femmes en général, sont restés en retrait du mouvement de contestation qui a secoué le pays, ces derniers temps ?

Z.A. - L’action du mouvement associatif féminin est élitiste. Elle n’a pas su intégrer et répondre à toutes les aspirations des femmes. C’était une action d’élite et une démarche de rêve, loin de la réalité culturelle et sociale des femmes algériennes.

Comment peut-on éviter un scénario à la tunisienne ou à l’égyptienne en Algérie ?

Z.A.
- Il faut effectuer un changement radical du système et non pas se contenter de simples réformes. Il faut que les actions menant à ce changement soient pacifiques, car tout changement dans la violence ne conduit qu’à la destruction, à une crise sociale. En revanche, la mutation pacifique conduit à l’édification de notre société. Il faut que la participation des jeunes dans cette dynamique de changement soit importante et effective. Cela ne sera possible que si les dirigeants de ce pays tirent des enseignements de leur propre expérience historique. Nombreux sont les dirigeants de la guerre de Libération nationale qui avaient l’âge, à l’époque, de ces jeunes qu’on traite aujourd’hui d’immatures et d’irresponsables.

Des pays comme la Tunisie sont passés du suicide par immolation à d’autres formes de protestation. C’est un passage logique ?

Z.A. - Dans ce pays, d’autres moyens de respirer, d’exprimer la colère et la frustration sont apparus. L’immolation de Bouazizi a fait comprendre à la jeunesse tunisienne qu’elle peut être l’événement pouvant déclencher un processus en faveur d’un changement. Toute cette jeunesse a pris conscience qu’il existe des voies qui peuvent conduire à la vie et non à la mort. Le mouvement de protestation en Tunisie a donné ses fruits et la lutte pour en finir complètement avec le système Ben Ali continue. La protestation en Égypte est un séisme qui risque également d’aboutir à un changement réel. Seulement, il ne faut pas oublier un paramètre. En Égypte, les systèmes mondiaux ne peuvent permettre la survenue d’un changement total, mais seulement des réformes. Les Américains demandent actuellement le départ de Hosni Moubarak pour garder le système avec quelques réformes qui ne touchent pas leurs intérêts stratégiques. La stratégie mondiale ne peut s’accommoder d’un changement radical en Égypte. Je pense qu’en guise de deuxième étape, la colère des jeunes Égyptiens va s’orienter vers les forces étrangères qui s’opposent aux changements. En vérité, les Américains veulent des réformes dans quelques pays comme l’Égypte et des changements radicaux dans des pays comme la Libye, le Soudan et la Syrie.

Présagez-vous une réapparition des émeutes en Algérie ?

Z.A. - Je pense, malheureusement, que le risque de la survenue de bien d’autres vagues de protestation en Algérie est toujours présent. Les mesures, prises dernièrement par le gouvernement, ne sont pas à la hauteur des attentes. Ce sont des solutions du ventre, pas des solutions de fond qui touchent le système politique et social. Les jeunes aspirent à vivre dans une société prospère, d’avoir droit à la dignité, à une vie respectable. Qu’ils jouissent de tous leurs droits. Rien n’indique que l’on s’achemine dans ce sens. J’ai une grande crainte que les manifestations à venir soient plus violentes et dangereuses que les précédentes. Parce qu’elles seront non organisées, non encadrées et non maîtrisables. Ces violences émaneront d’une jeunesse dont le cri de détresse est ignoré, que l’on traite d’immature. La maturité, pour notre gouvernement, se compte par des années. C’est une erreur. On oublie que certains des dirigeants de la Révolution avaient à peine 19 ans. Il ne faut pas oublier, non plus, que nous faisons partie d’une région arabe qui vit de larges mouvements réclamant le changement. Ces mouvements ont commencé en Algérie et se sont étendus en Tunisie, en Égypte, en Jordanie et au Yémen. Ils sont conduits par des catégories inattendues. Ce sont les jeunes adeptes du facebook et la femme yéménite qui cachait un grand esprit de changement sous son voile imposé par les rites sociaux traditionnels et les intérêts du système tribal en place. Cette vague de changement peut s’étendre de manière violente à l’Algérie.

Pensez-vous que les initiatives en cours émanant de partis, organisations de droits de l’Homme, syndicats, trouveront un écho et une adhésion auprès de la population ?

Z.A. - Je le souhaite et j’espère également que les manifestions se déroulent de manière pacifique et qu’elles regroupent toutes les forces vives de la société, nonobstant l’orientation idéologique et l’appartenance partisane.
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