Le prix Goncourt attribué à Michel Houellebecq

Le Goncourt, le prix le plus prisé des écrivains français - accompagné d'un chèque symbolique de 10 € -, a été décerné aujourd'hui à Michel Houellebecq pour son roman "La carte et le territoire" (Flammarion).

Son choix était déjà attendu, puisque tout le monde s'accordait à lui en reconnaître le mérite. De plus, cet écrivain était régulièrement cité ces dernières années pour ce prix littéraire.

Houellebecq a obtenu les suffrages de sept voix contre deux à Virginie Despentes pour "Apocalypse bébé" publié chez Grasset. On note en tout cas que c'est bien la première fois que les éditions Flammarion profitent du prix revenant à un livre publié par elles.

Dans ce nouveau roman, selon une dépêche de l'AFP, Houellebecq éreinte l'art, l'amour, l'argent, les "people", ironise sur la campagne française et met en scène avec sadisme son assassinat. Il se caricature avec jubilation. Il "pue un peu moins qu'un cadavre" et ressemble "à une vieille tortue malade", écrit-il de son double littéraire. Mais la tonalité du livre est moins désespérée et glauque que celle de ses précédents romans et sa facture plus classique.

Dans une dépêche de l'AFP publiée aujourd'hui, l'on apprend que le 23e prix Goncourt des lycéens a été décerné à Mathias Enard pour "Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants" (éditions Actes Sud), a annoncé mardi à Rennes le jury, réuni au centre culturel Les Champs Libres.

L'ouvrage en cause ayant, semble-t-il, tiré sa source de Wikipedia, un juriste, Florent Gallaire, a eu la bonne fortune de le mettre en ligne à l'url suivante :
http://download.ebooks-gratuit.com/4567384
d'où il peut être chargé gratuitement. Dans son blog, Gallaire explique bien sûr son geste qu'il lie étroitement au plagiat dont il accuse Houellebecq.

Ayant lu pour ma part une bonne partie du roman, je m'interroge vraiment non pas sur l'acte de piraterie dont l'auteur se serait rendu coupable mais sur le bien-fondé du choix du jury qui lui a attribué le prix Goncourt 2010.

En effet, si l'histoire elle-même reste d'une vacuité déconcertante, comme tel est souvent le cas chez nombre d'auteurs en mal d'inspiration, la forme, elle, ne peut manquer de surprendre, voire d'agacer quand on sait que les maisons d'édition s'entourent toujours d'un comité de lecture suffisamment étoffé pour veiller à l'application stricte des règles habituelles de la langue française, tout particulièrement dans le domaine littéraire.

Or, dans le cas présent, il suffit de lire l'un des passages nombreux et décousus parsemant l'ouvrage, à l'exemple de celui-ci tiré de la page 12, ou du suivant de la page 98, pour se rendre à l'évidence : la réputation de cet écrivain semble plutôt surfaite.

"S'il avait été marié, s'il avait eu au moins une amie, enfin une femme quelconque, les choses se seraient passées bien différemment — les femmes s'y prennent quand même mieux que les hommes dans ces histoires de famille, c'est un peu leur spécialité de départ, même en l'absence d'enfants effectifs ils sont là, à titre potentiel, à l'horizon de la conversation, et les vieillards s'intéressent à leurs petits-enfants, c'est connu, ils relient ça aux cycles de la nature ou à quelque chose, enfin il y a une sorte d'émotion qui parvient à naître dans leur vieille tête, le fils est la mort du père c'est certain mais pour le grand-père le petit-fils est une sorte de renaissance ou de revanche, et ça peut largement suffire, l'espace d'un repas de Noël tout du moins."

"Mais au printemps c'est insupportable, les couchers de soleil sont interminables et magnifiques, c'est comme une espèce de putain d'opéra, il y a sans arrêt de nouvelles couleurs, de nouvelles lueurs, j'ai essayé une fois de rester ici tout le printemps et l'été et j'ai cru mourir, chaque soir j'étais au bord du suicide, avec cette nuit qui ne tombait jamais."

Il faut croire que Houellebecq a vraiment décroché la timbale avec son livre primé du Prix Goncourt 2010. Depuis septembre, il a en effet été vendu 130 000 exemplaires de cet ouvrage et l'éditeur Flammarion espère porter ce chiffre à 400 000.

Pour Flammarion qui n'a pas remporté de prix depuis trente ans, c'est aussi une aubaine d'autant que « La Carte et le territoire » va être traduit dans plus de 30 langues d'ici 2012.

Houellebecq aura eu, en 2010, sa consécration, tant attendue depuis plus de dix ans. Il devient même un auteur qui compte désormais dans le paysage littéraire français.