Des élections législatives périlleuses en Afghanistan

Les plus grandes inquiétudes inspirent les élections législatives qui se déroulent depuis ce matin en Afghanistan, où 2500 candidats briguent les 249 sièges de députés à l'Assemblée nationale, dont 68 réservés aux femmes.

Sur fond de menaces terroristes pressantes et sanglantes - on enregistre au moins 14 morts déjà parmi les électeurs et les fonctionnaires chargés du scrutin -, la population, mise en demeure par les Talibans de boycotter le vote, reste plutôt indécise. Moins de 40 % d'électeurs (contre 32 % à la mi-journée) se sont déplacés vers les urnes jusqu'ici et l'on craint encore des fraudes gigantesques, favorisées par la désorganisation sinon l'impréparation et surtout la duplicité des responsables du scrutin, dans un pays où tout se monnaye.

Des bombes ou des tirs de roquettes sur les bureaux de vote, des assassinats perpétrés sur les routes n'ont pour effet que de dissuader les électeurs de s'acquitter de leur devoir civique.

D'un autre côté, s'interroge-t-on, à quoi sert-il de désigner des députés si le premier responsable, Hamid Karzaï, concentre l'essentiel des pouvoirs et ne représente que lui-même ? Il n'échappe à personne, enfin, que ce responsable se maintient à la tête de l'État par la seule grâce des troupes étrangères occupant le pays.

D'un côté, les votes reçus dans 442 bureaux viennent d'être invalidés pour cause de fraudes. Le recomptage des votes de 828 autres bureaux est considéré impératif d'un autre côté. Ce sont là les termes d'une déclaration faite aux journalistes par le responsable de la Commission chargée du suivi des élections, Fazil Ahmad Manawi.

Ce dernier a tenu aussi à préciser que les dossiers de 171 candidats accusés de fraudes ont été transmis à la commission des plaintes électorales.

Il faut rappeler que les votes reçus dans 141 autres bureaux ont déjà été invalidés dimanche dernier.

4,3 millions d'électeurs ont voté le 18 septembre dernier pour désigner les 249 députés qui devront siéger à l'Assemblée nationale afghane.

Les résultats définitifs de ces législatives sont attendus pour le 30 octobre prochain.

C'est seulement aujourd'hui que les autorités afghanes ont proclamé les résultats des élections législatives du 18 septembre dernier. Il faut se rappeler, en effet, que le scrutin entaché de fraudes a entretemps conduit à l'annulation d'un quart environ des 5,6 millions de suffrages.

La Commission électorale indépendante se félicite quand même d'avoir atteint l'objectif : "Tenir des élections est un processus difficile […] mais, heureusement, malgré toutes les embûches, la nation afghane a réussi à les tenir et aujourd'hui, nous pouvons voir pour qui les gens ont voté", a déclaré son chef, Fazil Ahmad Manwaï, d'après une dépêche AFP.

L'image de la chambre basse afghane désormais constituée se singularise par son homogénéité, où il n'y a ni partis politiques ni notables, ni clans pouvant s'appuyer sur des tribus ni chefs de groupes autres pouvant mener des actions coordonnées et réfléchies capables de représenter et de défendre les aspirations des électeurs. Aussi, le président Karzaï, qui détient l'ensemble des leviers de commande, ne peut-il que s'en satisfaire, aucune opposition solide ne pouvant être rassemblée à court terme pour lui créer des obstacles.

L'on sait, d'autre part, que Karzaï doit son siège à la seule présence des forces coalisées étrangères qui ont mis l'Afghanistan en coupe réglée depuis maintenant 10 ans. L'on sait aussi qu'il n'a d'autre choix que de composer avec elles qui fournissent l'essentiel pour la survie du peuple afghan et assurent le financement de l'ensemble des plans de développement engagés dans le pays.

Aussi, dans un tel contexte, faut-il s'interroger à présent sur le rôle concret et le véritable apport pouvant être attendus d'une assemblée quasiment faite de "bric et de broc" dans un pays marqué par un grand vide entre le citoyen et le sommet de l'État, si tant est que ce dernier existe vraiment ?