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 Polémique autour d'Amirouche

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Aharbal

Aharbal


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Date d'inscription : 27/05/2007

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MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptyMar 8 Juin - 11:59

La pétition suivante circule en Algérie pour soutenir la démarche amorcée par Sadi visant à permettre au peuple de se réapproprier son histoire.
Les lecteurs sont invités à y adhérer s'ils se reconnaissent dans ses objectifs.
La voici :
*****************************************************************************
POUR UNE HISTOIRE CITOYENNE

La publication du livre de Saïd Sadi a soulevé une polémique sans précédent mettant à nu un grand nombre de préjugés et de non-dits de l’histoire politique de l’Algérie. Ceux qui désignent la Kabylie et les hommes politiques de la région comme des fauteurs de troubles menaçant la stabilité et l'unité du pays sont les mêmes qui ont interdit, en 1980, à Mouloud Mammeri de donner à Tizi- Ouzou une conférence sur les poèmes kabyles anciens, invoquant un complot ourdi par la main de l’étranger.

L’Histoire a montré depuis, que la Kabylie, loin de constituer une menace pour l’unité de la nation, est au contraire à la pointe du combat démocratique et de la renaissance culturelle. La nation algérienne a été fondée par le génie, le sang et les larmes de tous ses enfants. Du reste, les ossements de notre plus vieil ancêtre, «l’homme de Ain El Hanech (Sétif) datent de 1 700 000 ans. Nous ne sommes venus ni de l’Est, ni de l’Ouest, ni du Sud, même si notre sang s’est nécessairement mêlé à celui de tous ces migrants que la Méditerranée et le Sahara ont généreusement brassés. C’est la chance de l’Algérie de bénéficier de cette diversité. Il faut une grande cécité politique et autant d’ignorance pour vouloir imposer le dogme de l’unicité politique ou idéologique qui nous ghettoïse et nous voue à un déclin inéluctable. L’Algérie appartient à tous ses enfants et les flots de sang qui l’ont arrosée durant le 19e et le 20e siècles ont définitivement cimenté le socle national. Le temps de la pensée unique est révolu. Le peuple algérien a conquis, par le sang versé, le droit de prendre librement en charge son destin, dans le pluralisme et la démocratie. L’évocation dans le livre de Saïd Sadi, de la vie d’Amirouche et la séquestration de sa dépouille et de celle de Haouès par le gouvernement de Boumediene est l’occasion pour nous, citoyens signataires de ce texte, originaires de toutes les régions d’Algérie, de toutes conditions sociales, respectueux du pluralisme des opinions de chacun, de déclarer notre adhésion aux principes suivants :

1. C’est le droit et le devoir de Saïd Sadi, comme de tout Algérien d’agir pour la manifestation de la vérité historique sur tous les événements dont il a connaissance. C’est par des approches plurielles et contradictoires que l’Histoire s’écrit.

2. Il n'appartient ni à un clan, ni à une institution, ni même à l'État de dicter la vérité historique. A ce dernier, il est fait obligation d’ouvrir les archives nationales aux chercheurs, aux médias et à tout citoyen qui le désire pour qu'enfin les Algériens se réapproprient leur bien commun, l’histoire de leurs parents, de leurs régions et de leur pays.

3. Nous en appelons à la sagesse et au patriotisme des acteurs encore vivants du combat de la Libération nationale pour libérer leur conscience dans le respect des serments de Novembre et de la Soummam, et du sacrifice glorieux de nos aînés. Les faux moudjahidine, les fausses attestations communales, les faux témoignages tout comme les fortunes et les rentes constituées sur le sacrifice des chouhada ont sali la mémoire de notre peuple. Ces errements ont conduit au népotisme et à la misère sociale, à l’injustice, à la régression culturelle et à la perte des valeurs morales qui ont préservé notre pays de la déchéance durant tant de siècles de domination.

4. Forts de notre conviction indéfectible dans le destin national algérien, nous proclamons notre foi :

- en l’unité fraternelle du peuple sur chaque pouce du territoire national et rejetons toute idéologie raciste, régionaliste qui marginalise ou stigmatise une quelconque fraction de notre peuple ;

- en l’instauration d’un État libre, démocratique et social tel qu’énoncé par la proclamation de Novembre et précisé par le Congrès de la Soummam il y a 54 ans ;

- en la nécessité pour toutes les familles de pensées philosophiques et politiques de renouer les fils du dialogue entre elles afin de redonner espoir à une jeunesse qui possède un drapeau mais pas encore d’avenir.

Les premiers signataires :
01. Abane Belaïd, professeur en médecine
02. Achab Ramdane, universitaire, linguiste
03. Adjaoud Rachid, ancien officier de l’ALN
04. Aït Menguelat Lounis, chanteur
05. Aït Menguelat Wahab, entrepreneur (fils du chahid Embarek Aït Menguelat)
06. Azzi Abdelmadjid, syndicaliste, ancien moudjahid
07. Belouizdad Othmane Djelloul, consultant O&G
08. Ben Mohamed, Poète
09. Benbouriche, administrateur de l’ACB (Paris)
10. Boukella Mourad, économiste, universitaire
11. Goudjil Mohamed, universitaire (Paris)
12. Hamdani Hocine, enseignant
13. Issad Mohand, universitaire, Professeur de droit
14. Ketane Nacer, président de Beur TV
15. Laceb Djamel, enseignant
16. Lakabi Arezki, ancien cadre du secteur public
17. Metref Arezki, journaliste
18. Mezani Ferroudja, juriste
19. Mezil Saïd, avocat
20. Ouadi Boussad, éditeur
21. Saadi Nourredine, juriste
22. Sadat Fetta, avocate, universitaire
23. Sansal Boualem, écrivain
24. Sebkhi Mohand, ancien moudjahid
25. Si Ahmed Yacine, journaliste
26. Slimane Amara, président de l’ACB (Paris)
27. Smaïl Nabila, avocate
28. Touabi Mahmoud, ancien officier de l’ALN
29. Touati Mokhtar, médecin (fils du chahid Touati Bachir)
30. Yousfi Madjid, économiste
31. Zalani Azzedine, juriste (Paris)
32. Zerouky Hacène, journaliste

Chers concitoyens,
Si vous approuvez le texte de cette pétition, vous pouvez y adjoindre votre signature de plusieurs façons :

1) Rendez-vous sur le site : http ://www.petitionenligne.fr/petition/algeriepour- une-histoire-citoyenne/47/ et remplissez le formulaire de signature

2) Adressez un message indiquant vos nom, prénom, qualité et lieu de résidence éventuellement à l’adresse E-mail suivante : histoirecitoyenne@yahoo.fr

3) Ecrivez à l’adresse postale suivante : Boussad OUADI
Librairie des Beaux-arts, 28 rue Didouche Mourad 16000 Alger
Tél. : +213 21 64 12 40 4)

Pour les signatures sur papier, vous pouvez adresser vos listes par fax aux numéros :
00(213) 21 64 12 40 / 00(213) 21 79 39 80

Attention : les signatures anonymes ne peuvent trouver place dans cette démarche citoyenne.
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Amar

Amar


Nombre de messages : 256
Date d'inscription : 27/05/2007

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MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptyMer 16 Juin - 11:10

Saïd Sadi, présentant son livre à Paris, à Marseille et à Lyon, a tenu à donner son analyse de la situation qui prévaut aujourd'hui en Algérie, où la rente pétrolière permet au régime d'acheter et d'entretenir des clientèles, au plan national, et d'appeler à la curée nombre de compagnies occidentales ne cherchant qu'à prendre part elles aussi à la distribution de cette rente.

Fondamentalement, le régime se survit donc à lui-même, dans le désordre, la gabegie et la corruption à grande échelle qui le caractérisent indiscutablement.

La correspondante du journal Le Soir d'Algérie a suivi l'une des conférences tenues par S. Sadi et en rapporte le compte rendu ci-après que j'ai jugé opportun de porter à l'attention des les lecteurs de Thilelli.
*********************************************************************************
Said Sadi à Paris : « La souveraineté politique et économique n’a jamais été autant compromise »

Le constat sur la situation que connaît l’Algérie aujourd’hui et sur la nature du régime à la tête du pays est amer. Ce constat n’est pas nouveau : Saïd Sadi a eu déjà à le faire en diverses occasions. Constat sans concession. Mais ce qui change aujourd’hui, point largement développé par le secrétaire du RCD, c’est l’existence d’amorces venues de la société civile — syndicats autonomes, jeunes, universitaires — qui peuvent changer la donne. Et ce pour peu que les initiatives citoyennes prises ça et là, en dehors des circuits de l’Etat, soient accompagnées par les politiques et relayées sur la scène internationale. A cette échelle, on ne demande pas à nos partenaires, dit encore le docteur Sadi, « de venir régler nos problèmes, mais nous sommes en droit de ne pas accepter ces politiques de courte vue où l’Algérie est réduite à un pipeline, un bazar qui sert les intérêts du marché occidental ».

De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed

Pas d’illusion de transparence à se faire sur la mise au jour publique des scandales financiers qui secouent actuellement le pays. Ce n’est pas nouveau : « Depuis octobre 1988, chaque fois qu’un événement important — en bien ou en mal, d’ailleurs — apparaît sur la scène publique, c’est toujours le fait d’un dérapage, d’un affrontement clanique ou d’un incident inhérent à la répartition de la rente », et « tout se passe, dit encore Saïd Sadi, comme si la corruption n’était pas ancrée profondément dans la gouvernance actuelle.» Et d’ajouter : « L’on concède alors quelques victimes pour faire occulter le caractère systémique de cette corruption. »

Lorsque l’on admet qu’il y a problème et que l’on en parle, « ce ne sont généralement que des répliques des grosses corruptions qui, elles, ne sont pas traitées par la justice », le cas Sonatrach en est une illustration. Dans ce type d’affaires, ce n’est malheureusement pas « le cœur de la corruption » qui est visé et traité. Aujourd’hui, ce qui est nouveau, relève le leader du RCD, c’est que « l’on se rend compte que la rente pétrolière qui a régulièrement servi la clientèle ne suffit plus à cautériser et masquer les fractures et lézardes qui étaient latentes dans le régime ». Et dans cette situation de « faillite générale et de faillite institutionnelle », le régime répond par du bricolage. La preuve, pour le docteur Sadi, tient au dernier remaniement ministériel « qui illustre jusqu’à la caricature l’autisme du régime ». Et aucun signe dans ce remaniement n’est porteur d’un message pouvant donner à penser « qu’il y a eu une prise de conscience de la gravité et de la nature de l’impasse dans laquelle se trouve le pays ». Tout se joue dans un exercice d’équilibriste : « Je te lâche une partie, mais je me débrouille pour rééquilibrer les pertes que j’ai pu concéder sur d’autres départements ministériels. »

La situation décrite est on ne peut plus sombre. Le délabrement des institutions a conduit, dit le leader du RCD, « à un état lépreux ». Et au lieu d’y faire face « à travers une dynamique politique assise sur une hypothèse doctrinale dont on peut penser ce que l’on veut, il y a une espèce de repli sur soi où les archaïsmes tribaux prennent le dessus sur toute forme de projection politique ». S’il fallait s’en convaincre, il suffit juste de voir que ce sont toujours les mêmes qui squattent le gouvernement, et y compris, depuis quelques temps, les paliers intermédiaires que sont les banques, les douanes, l’armée…

Cette façon de faire est devenue « une véritable construction nationale ». Et c’est cela qui fait aujourd’hui quelque peu bouger les choses. Si jusque-là les « classes moyennes largement paupérisées » se sont murées dans le silence et la passivité, attendant que quelqu’un vienne les libérer des prédateurs, aujourd’hui, des réactions se manifestent, « des ressorts dont on pensait qu’ils étaient au minimum grippés sinon définitivement cassés se remettent en mouvement ». Il en est ainsi, explique Saïd Sadi, des syndicats autonomes qui se sont organisés en dehors de toute tutelle, des universitaires de plus en plus nombreux qui sont revenus dans le débat médiatique national « par des contributions assez audacieuses » et plus récemment d’une volonté affichée par beaucoup de « se réapproprier une partie du débat national, y compris lorsqu’il s’agit de choses immatérielles comme l’histoire ». C’est en cela et en beaucoup d’autres petits réveils timides qu’il faudra, selon le docteur Sadi, travailler même s’il faut prendre ces initiatives pour ce qu’elles sont, des amorces pour l’instant, même si pour les syndicats autonomes elles constituent une organisation structurée, inscrite dans la durée. Cela ne suffit naturellement pas et il nous revient à nous les politiques, dit-il, d’agir car ce régime finissant, ne serait-ce que par biologie, « va être à un moment ou à un autre dépassé ». C’est pourquoi, explique-t-il, « il ne faudrait pas que tout cela se fasse dans un climat de désespoir où les aventures les plus folkloriques ou les plus dangereuses peuvent servir de prétexte au pouvoir et tuer l’espoir ». Le « réveil frémissant » des citoyens qui s’observe aujourd’hui en Algérie « doit trouver écho » à l’échelle internationale. Et en direction de ceux qui n’auraient pas compris cet appel à l’étranger, le docteur Sadi explique que l’on n’attend pas que l’étranger règle nos problèmes « mais qu’il prenne ses responsabilités par rapport au cas algérien ». Et de noter encore que « la souveraineté politique et économique du pays n’a jamais été autant compromise ».

L’Algérie est dominée par un triptyque tragiquement simple : coup d’Etat- fraude électorale-corruption généralisée. « Il est temps, dès lors, que l’on règle le problème de la fraude électorale » par des contrôles sérieux de la communauté internationale, basés sur un cahier des charges clair et « rédigé par nous ». C’est là que réside, selon lui, « le nœud gordien du problème ».

Et Sadi de conclure qu’il « est irresponsable de croire que les dirigeants actuels vont être pris d’un moment de lucidité ». « Il y a un conglomérat de clientèles qui sont liées par des archaïsmes tribaux », assure-t-il.
K. B.-A.
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Ouahiba

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Date d'inscription : 14/05/2007

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MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptyMer 16 Juin - 20:56

Sous sa signature, Akli Mohand oulhadj, fils du colonel, chef de la wilaya III historique, et également ancien officier de cette wilaya, annonce pour juillet la sortie de son propre ouvrage qui relatera tout particulièrement les purges inhérentes à la "bleuïte" mais aussi des dissidences au sein de l'autorité locale durant les derniers moments de la guerre de libération.

Selon TSA qui donne l'information, le livre s'ouvre sur des aspects jusqu'ici méconnus des luttes internes qui se sont fait jour alors pour contester tout particulièrement l'autorité de Mohand oulhadj et même du commandant Mira.

Sachant que deux fils du colonel combattaient à ses côtés comme officiers, la question est de savoir lequel d'entre eux est l'auteur de cette nouvelle prose qui sème d'ores et déjà une certaine confusion.
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Aomar

Aomar


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Date d'inscription : 11/05/2007

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MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptyMer 16 Juin - 21:19

Invité à donner une conférence, aujourd'hui à Tizi Ouzou, sur le thème de l'écriture de l'histoire de la guerre de libération, le sociologue Lahouari Adi, professeur à l'université de Lyon, a donné raison à Said Sadi d'évoquer le sujet. Pour l'intervenant « Saïd Sadi a raison d’écrire ; l’histoire n’appartient à personne. Sadi a mobilisé la mémoire pour délégitimer le fondateur du régime politique algérien issu d’un coup de force contre le GPRA ». Il ajoutera, pour stigmatiser les tenants d'un régime qui s'est imposé par la force à l'issue de la guerre : « Et le même régime politique issu du coup de force lors de la crise de l’été 1962 a fini par achever sa dynamique un certain 5 octobre 1988... Le pouvoir, pour se reproduire, s’appuie sur deux béquilles : la violence politique et la rente pétrolière ».

Le sociologue n'a pas craint de préciser : « Beaucoup de jeunes qui ont rejoint la guerre de libération nationale ont été liquidés par Boussouf et le MALG au Maroc. »

Il a terminé enfin par faire observer que : « Boumediene a été une catastrophe pour le pays. »
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Merzak

Merzak


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Date d'inscription : 17/05/2007

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MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptyMer 7 Juil - 11:02

Nordine Aït-Hamouda, fils d'Amirouche et député à l'APN, a fait publier dans Le Soir d'Algérie une espèce de pamphlet très instructif à l'endroit de Mahsas, ancien compagnon de Ben Bella au passé trouble, mais surtout du professeur de sociologie Lahouari Addi, dont les propos contradictoires n'intriguent finalement pas si l'on sait que lui-même issu de l'ouest défend le "clan" du MALG dit aussi de l'ouest. Au passage, l'auteur écorche un certain Boudina, sénateur, dont les prises de position dénotent un "khobzisme" devenu somme toute commun dans le pays...

Voici le papier intégral.

******************************************************************************
3 et 5 juillet : la manipulation fatale

par Nordine Aït-Hamouda*

Le 3 juillet, jour effectif de notre indépendance, le colonel Mohand ou Lhadj plantait le drapeau algérien à Sidi-Ferruch, sur les lieux mêmes où débarqua l’armée coloniale qui allait mettre entre parenthèses le destin algérien pendant 132 ans. Par la suite, Ben Bella décida que la date officielle de notre libération devait être décalée au 5 juillet, reportant du même coup l’accomplissement de la souveraineté algérienne. Depuis, le pays survit entre les coups d’Etat, les scandales financiers, les révoltes avortées et le désespoir de la jeunesse.

48 ans après, presque jour pour jour, j’aperçus en face de l’Assemblée nationale un père qui menaçait de se jeter dans le vide quarante mètres plus bas avec ses trois enfants. Ancien policier, il était sans emploi ni logement. J’ai dû ruser pour pouvoir l’approcher, le ramener à la raison avant de l’accompagner dans des démarches qui lui permettraient de retrouver un semblant de dignité.

Maintenant que les désillusions footballistiques nous ramènent à la réalité, nous pouvons retrouver notre quotidien avec ses amertumes, ses égarements et ses lâchetés. Il ne se passe pas une semaine sans qu’un évènement vienne nous rappeler notre malédiction. En quelques jours, j’ai pu lire le courrier d’un citoyen anonyme dans El Watan, un communiqué du président de l’Association des anciens condamnés à mort, l’interview de monsieur Mahsas dans Echchourouk, une contribution d’un ancien trotskyste dans le Quotidien d’Oran et, pour boucler la boucle, deux interventions de M. Addi Lahouari, l’une publiée par le Soir d’Algérie et l’autre par un quotidien électronique (le Quotidien d’Algérie). Ces positions illustrent, chacune à sa manière, la crise qui nous paralyse depuis un demi-siècle. Injurieuses pour certaines, révisionnistes pour d’autres, malsaines pour toutes, ces sorties n’ont ni ému, ni inquiété les gardiens du temple qui ont trouvé énergie, solidarité et colère pour appeler au lynchage de Saïd Sadi après la sortie de son livre sur Amirouche.

La diabolisation et la rente

Le citoyen anonyme reprend le slogan du MALG : tout Algérien issu de la Kabylie ne peut être qu’un dangereux régionaliste s’il ne maquille pas son origine.

Le président de l’Association des condamnés à mort, M. Mostefa Boudina, monte au créneau pour nous apprendre que le pays est toujours sous la menace des ennemis du peuple, que l’Histoire a ses propriétaires et qu’il faut faire front contre les périls qui pèsent sur l’Algérie maintenant que «la nation a atteint sa vitesse de croisière» en matière de développement. Je connais bien M. Boudina. Ne voulant pas tomber dans le piège de la polémique primaire dans laquelle il veut nous entraîner, je lui épargnerai certains détails de son parcours qui lui ont permis de traverser toutes les turbulences de la politique algérienne depuis 1962. Je lui rappellerai seulement que dans les années 1980, mouhafedh, il pourfendait en Kabylie les opposants «alliés de l’impérialisme» qui attaquaient un Etat fragilisé. Il hurlait avec les maîtres d’alors pour exiger le silence de tous. Maintenant que le pays est, selon lui, en pleine croissance, il faut aussi se taire pour jouir de la prospérité ramenée par celui qui a fait de lui un membre du Conseil de la nation. En fait, la croissance concerne les comptes en banque de monsieur Boudina et de ses amis. Car ni les anciens condamnés à mort ni leurs enfants n’ont trouvé son écoute ou son soutien. Je l’informe que le fils de Saïd Babouche, le deuxième militant exécuté par la France coloniale, après le chahid Zabana, est décédé dans le plus grand dénuement il y a seulement un mois sans que le président de l’Association des condamnés à mort ait daigné adresser le moindre message à la famille. Il est vrai que Nacer Babouche n’avait pas su se mettre du côté de ceux qui savent profiter de «la vitesse de croisière» puisqu’il était avec nous en prison en 1985 lorsque nous avions créé la Ligue des droits de l’homme.

Pour monsieur Boudina, même pour les condamnés à mort, il y a un premier et un deuxième collège.

Monsieur Mahsas, pour sa part, reste fidèle à lui-même. Depuis 1955, il passe son temps à intriguer, insulter les héros martyrs et à assouvir ses haines. Abane, qui l’accusait, avec de bonnes raisons, d’être un danger ambulant pendant la guerre, est traîné dans la boue. Mahsas, qui fut arrêté et emprisonné en 1957 pour opposition aux résolutions et aux organes issus du congrès de la Soummam, c'est-à-dire de la Révolution algérienne, n’avait dû son salut qu’à l’intervention des services secrets tunisiens qui l’ont libéré et envoyé en RFA où il coula des jours paisibles jusqu’à l’indépendance, quand Ben Bella arriva dans les bagages de l’armée des frontières. Boumediène, qui l’avait longtemps pourchassé, se voit malgré tout salué comme un homme «innocent du sang d’Amirouche». Il y a toujours des priorités dans la vie. Les séquestrations des restes du colonel de la Wilaya III et de son collègue de la Wilaya VI sont passées par pertes et profits. M. Mehsas, incorrigible bricoleur politique, estime que les deux officiers n’ont eu que ce qu’ils méritaient. La séquestration est même implicitement assumée comme une sanction légitime.

J’ai longuement hésité avant de rendre publiques les révélations d’un agent secret espagnol qui a bien connu M. Mahsas quand il était ministre de l’Agriculture au lendemain de l’indépendance. Mais puisque M. Mahsas ne veut pas sortir des égouts autant l’y suivre un moment. A la page 173 du livre intitulé Cygne, mémoires d’un agent secret publié par les éditions Grasset en 1976, Gonzales Malta raconte comment «le ministre malhonnête» a détourné un million et demi de dollars qui devait servir à payer 150 000 moutons achetés par l’Algérie. Il fit payer les Espagnols par l’orge donné par les États-Unis au peuple algérien et «le million et demi de dollars était alors passé sur un deuxième compte, personnel cette fois, qui appartenait au ministre algérien », écrit l’agent espagnol. Evidemment, le compte en question a été ouvert en Suisse. Pour le reste des détails montrant la moralité du personnage qui enregistrait dans des situations délicates certains membres du gouvernement, je renvoie le lecteur au livre sus-cité. Cela fait 34 ans que ce récit a été publié, M. Mahsas n’a toujours pas daigné déposer plainte pour diffamation. Comment un homme qui a commis tant de crimes et qui s’est même mis au service d’une puissance étrangère pendant la guerre de libération, ose-t-il continuer à déblatérer en toute impunité sans que les instances supposées veiller à la protection de la mémoire des martyrs et la dignité de la nation ne pipent mot ?

Le révisionnisme se dévoile

Quant au nostalgique du MNA, qui invite les Algériens, à la veille de la commémoration de l’indépendance, à accorder à Messali le statut que les Sud- Africains reconnaissent à Mandéla, il a peut-être raison de se poser en dépositaire d’une mémoire algérienne vacante ou abandonnée à la manipulation. Les milliers de militants du FLN tombés en France et en Algérie sous les ordres de Messali et les balles de son chef militaire Bellounis sont des fantômes qu’il faut savoir oublier. Ni les Kafi, ni le MALG ou tous ceux qui ont déversé leur bile sur Saïd Sadi ne semblent inquiets ou offusqués par ces trahisons, ces impostures et ces amalgames. L’alerte de M. Si Ouali Aït Ahmed, ancien officier de l’ALN, publiée récemment dans le Soir d’Algérie, interpellant ses collègues quant aux risques qu’il y avait à démissionner devant ces agressions contre les symboles de la nation, résonne comme la voix d’un juste dans un monde gagné par la compromission et la lâcheté.

Mais dans toute cette descente aux enfers, le signal le plus désolant et le plus inquiétant pour la nation est donné par l’universitaire Addi Lahouari. Les Algériens ont lu, dans le Soir d’Algérie, le texte de la conférence qu’il avait donnée à Tizi- Ouzou il y a trois semaines de cela. Il y déclara que « Saïd Sadi a délégitimé le pouvoir en écrivant un essai sur l’histoire » ; essai dont il avait salué la publication, ajoutant que le pouvoir «a été incapable de se défendre». On ne sait s’il a été «sensibilisé» depuis par son clan mais, le naturel revenant toujours au galop, il commet une interview dans un quotidien électronique où je laisse le lecteur apprécier la qualité intellectuelle et la rigueur morale de l’universitaire. Je cite M. Addi : « J’ai cherché à donner mon point de vue à Tizi-Ouzou parce que j’étais gêné par la tournure pro et anti kabyle que prenait la polémique dans les journaux. Il fallait “dékabyliser” le débat et le centrer dans son cadre politique et théorique…. Il est de la responsabilité de notre génération de ne pas transmettre à nos enfants la haine entre groupes sociaux. Pour revenir à l’ouvrage de Saïd Sadi, il a le droit d’écrire un essai d’histoire. Je ferai néanmoins une remarque car Saïd Sadi est un homme politique. Je pense que sa démarche n’est pas cohérente dans la mesure où, d’un côté il critique le MALG et, en cela, il a tout à fait raison et, d’un autre côté, il a soutenu le néo MALG, le pouvoir réel, quand il a annulé les élections de janvier 1992. Il a condamné le coup d’Etat de 1962 mais a soutenu celui de janvier 1992 ! S’il répond que l’armée a sauvé la République en 1992, il doit accepter l’idée que le MALG a sauvé la révolution. Un homme politique doit être cohérent pour être crédible. Il dira qu’il critique le régime, mais en fait, il s’en prend surtout au pouvoir formel, alors que tout le monde sait que Bouteflika n’a aucune autorité. Un ami à Oran me disait : Saïd Sadi critique le pouvoir formel qui est de l’ouest et oublie le pouvoir réel qui est de l’est. »

M. Addi qui demande de la cohérence au militant Saïd Sadi ne s’embarrasse pas de logique en ce qui le concerne. Il refuse que l’on ethnicise le champ politique mais endosse la lecture de son ami oranais qui déplore que le pouvoir formel soit à l’ouest alors que le pouvoir réel est à l’est.

On ne voit pas pourquoi le pouvoir, réel, formel ou même virtuel devrait, par principe, être de l’ouest, de l’est, du nord ou du sud. A suivre M. Addi, il suffirait d’inverser la formule pour qu’il y trouve son compte, les problèmes de l’Algérie, otage d’un pouvoir pendulaire, peuvent attendre.

Notre universitaire veut sortir le débat politique des complicités régionales mais absout Bouteflika et ne semble pas gêné par la tribalisation des institutions qui s’accompagne d’un dangereux rejet de l’ouest où, ayant vécu mon enfance pendant la guerre de libération, j’avais trouvé aide et amitié quand cette partie de notre pays s’exprimait par des voix autres que celles de M. Addi et consorts. Enfin, il reproche à Saïd Sadi de ne pas avoir adhéré à sa «régression féconde» qui allait accoucher d’un ordre politique dont il a pris soin de se protéger en désertant le pays pendant toute la période où celui-ci menaçait de se réaliser. Après les manipulations qui ont suivi l’assassinat de mon ami Matoub, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de voir comment des cadres algériens ayant fui le pays ont retourné leur veste du jour au lendemain pour se mettre en phase avec ceux qui nous expliquaient que nous n’étions pas mûrs pour la démocratie. Le discours préparé dans les cercles d’une certaine gauche française fut ingurgité par des indigènes comme M. Addi qui devaient apprendre la chanson du «qui-tue-qui ?» pour mériter quelques vacations dans certaines facultés ou quelques piges dans la presse au prix du reniement des valeurs de Novembre et de la Soummam.

L’ivresse de l’arrogance

Pour M. Addi, toutes les interventions remettant en cause une légalité formelle, pour reprendre son expression, seraient identiques et participeraient toujours d’une démarche putschiste : les acteurs de Novembre seraient des putschistes, et à le suivre, il en serait de même pour Mandela, de Gaule en 1940… Voilà où en sont certains universitaires algériens aujourd’hui. Ce que sait M. Addi et qu’il préfère taire, c’est que des pans entiers de l’armée et la plupart des institutions avaient fait allégeance aux «chouyoukh». C’est la levée en masse des forces républicaines auxquelles il s’est opposé qui ont empêché un basculement qui aurait irrémédiablement mené au naufrage du pays et à l’enterrement définitif du projet de la Soummam. Aujourd’hui que des «naïfs» ont provisoirement sauvé l’Algérie, M. Addi daigne nous rendre visite pour nous donner des leçons de crédibilité et de courage. C’est indigne. Ce n’est plus l’universitaire qui parle mais un «romain» de Sant’Egidio, c'est-à-dire un acteur politique qui, au lieu de s’excuser pour sa désertion et sa félonie, se rappelle à nous pour faire dévier l’histoire et, pourquoi pas, se placer après que d’autres, toujours les mêmes, eurent dénoncé des crimes commis au nom du peuple et qu’il s’est bien gardé d’aborder auparavant. Comme le MALG, M. Addi saisit l’occasion d’un livre écrit sur Amirouche pour attaquer un responsable politique défendant un projet opposé au sien. Pour lui, cela est honnête et cohérent.

Si M. Addi s’est invité à nouveau à ce débat dans la presse nationale avec un tel parti-pris, c’est qu’il compte peser dans un domaine qu’il devine important pour la redéfinition de la scène politique. On peut imaginer que M. Addi, en mal de notoriété, ne va pas lâcher sa proie facilement, comptant sur l’usure, le découragement et la censure qui brident les Algériens pour réintroduire ses thèses qui ont scandalisé en leur temps ceux qui sont restés se battre pour l’honneur et la liberté de notre pays. Tant mieux, cela permettra d’éclairer les positions politiques des uns et des autres et, dans ce combat, nous serons toujours prêts pour rétablir la vérité des faits. L’impudeur de M. Addi est un signe important de la crise politique et morale qui frappe l’Algérie. Dans des situations similaires, des gens coupables de ses méfaits fuient, se cachent, se taisent ou, du moins, s’excusent. En Algérie, la confusion qui brouille tous les repères et les protections claniques permettent à la trahison de s’exprimer de façon éhontée. Pourtant, notre histoire devrait vous instruire M. Addi. A la veille du 1er Novembre 1954, des hommes de votre acabit, croyant que le peuple algérien était exclu de l’histoire, manifestaient la même arrogance.

On ne peut pas attendre du MALG, qui porte un héritage politique fait de violence et d’échecs, d’être lucide. Il est vain de demander à des personnes comme MM. Boudina ou Mahsas de croire en une vie publique contrôlée par les citoyens. Un vieux trotskiste refuse, par définition, la réalité. Mais pourquoi un universitaire défend-il des idées auxquelles il ne croit pas ? Pourquoi tient-il un discours en Kabylie et avant de soutenir son contraire dans un site Internet moins d’une semaine plus tard ? Pourquoi assume-t-il un pouvoir pour la seule raison qu’il est confisqué par les gens de sa région, un demi-siècle après l’indépendance ? Pourquoi ce dédain laisse-t- il indifférent ? Voilà un vrai problème dans l’Algérie de 2010.

M. Addi, les héritiers du MALG, MM. Boudina et Mahsas, qui veulent refaire notre histoire, sont des séquelles d’une mémoire blessée mais en cherchant à brouiller les cartes de la décennie rouge, vous vous essayez, vous aussi, au révisionnisme. Vous êtes plus dangereux car, en vous abritant derrière l’université pour désinformer, vous menacez l’avenir.

Mauvaise conscience

Quand je pense que des personnes de ce genre enseignent et décident de l’avenir de nos étudiants, je suis inquiet. Non seulement ces élites ne jouent pas leur rôle dans les luttes démocratiques mais elles sont souvent les premières à attaquer ceux qui ont refusé d’abdiquer. M. Addi, vous avez à peu près le même âge que Saïd Sadi. Pendant que vous construisiez votre carrière à l’ombre du parti unique, il a mené, au péril de sa vie et de sa liberté, tous les combats que des universitaires comme vous deviez porter. Les droits de l’homme, la question identitaire, la laïcité, le statut de la femme, la régionalisation… ont été adaptés à notre histoire et inscrits dans le débat national par Saïd Sadi et ceux, bien rares, qui ont accepté de l’accompagner. Avec un certain nombre d’amis, nous avons longtemps essayé de savoir pourquoi des hommes comme vous s’acharnent contre ces acteurs. Nous avons fini par comprendre. Vous êtes trop vaniteux pour assumer une démission que vous voulez maquiller en essayant de salir ceux qui ont agi au moment où vous vous cachiez. Saïd Sadi et ceux qui se réclament de son combat sont votre mauvaise conscience.

A la veille de la commémoration de notre indépendance, des anonymes bannissent des citoyens au motif qu’ils sont originaires de Kabylie, un aventurier «en vitesse de croisière» sermonne, au nom du peuple, un responsable qui dénonce un crime symbolique, un «ministre malhonnête» insulte Abane, un messaliste étranger nous fait la leçon du patriotisme et un universitaire renégat s’affiche comme arbitre de la conscience nationale.

L’espoir

Tous les intellectuels, heureusement, ne sont pas frappés par votre cynisme. J’ai vu, dans l’émigration, des Algériens, universitaires, fonctionnaires, journalistes ou autres qui ont fui la barbarie vivre dans la pauvreté et la dignité au moment où vous viriez votre cuti pour être dans l’air du temps. Il y a deux mois de cela, des universitaires de Constantine ont organisé un colloque sur Amirouche. Ils m’y ont invité ainsi que Saïd Sadi. N’ayant pas pu participer à leur rencontre, un des initiateurs hospitalo-universitaire eut l’amabilité de m’envoyer une figurine célébrant l’évènement. J’en fus sincèrement ému. Il a adressé à Saïd Sadi un de ses ouvrages de médecine. Je ne résiste pas à l’envie de vous rapporter une partie de sa dédicace. «Au docteur Saïd Sadi. Pour le combat citoyen que vous menez… En vous écoutant de temps en temps, j’ai comme l’impression que vous dites à certains : je comprends votre lâcheté, respectez au moins mon courage. Merci pour ce que vous faites pour notre chère Algérie.»

Je remercie du fond du cœur les universitaires comme ceux de Constantine qui activent pour leur pays dans l’anonymat et les anciens maquisards qui ont trouvé la force de s’exprimer librement et dignement dans un débat qui a failli être détourné, une fois de plus, par ceux qui ont séquestré les martyrs et endeuillé la nation. Leur action éclaire malgré tout notre quotidien dans ce 48e anniversaire d’une indépendance confisquée.

Au lieu de protéger notre histoire en organisant des débats libres et contradictoires en vue de laisser la jeunesse algérienne découvrir la vérité et le rôle de chaque acteur afin de lui permettre de se construire dans la clarté, le pouvoir confisque notre passé pour renforcer ses privilèges et multiplier ses sectes. On vient d’annoncer officiellement que la commémoration de l’indépendance devait se faire sous le haut patronage du chef de l’Etat. C’est la kermesse. Y a-t-il meilleur aveu des dirigeants algériens pour nous dire que l’histoire nationale est une foire où les plus malins savent se servir ? Tout cela se passe dans le pays des hommes de Novembre et de la Soummam.
N. A.-H.
* Député RCD.

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Ouchen

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MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptyDim 11 Juil - 11:39

Ahmed Mahsas, l'ami de Ben Bella, a fait valoir son droit de réponse pour tenter de répondre à Nordine Aït-Hamouda. Ce dernier, en sus d'avoir rappelé le passé douteux du personnage durant la guerre de libération, a rendu publique l'information publiée par un Espagnol en 1976 selon laquelle l'ancien ministre de l'Agriculture avait détourné 1,5 million $ qui devait servir au financement d'une importation de 150 000 moutons.

On observe dans sa réponse que Mahsas, qui élève la voix en insistant sur ses 70 ans de militantisme, s'est montré bien peu prolixe à propos de cette grave accusation qui devrait désormais intéresser les services de police pour ouvrir une enquête et faire déférer le suspect devant les tribunaux. Il ne fait plus en effet l'ombre d'un doute que l'accusation de Nordine a tout son sens dans la mesure où Mahsas la reconnaît implicitement, puisqu'il fait appel non pas à la justice pour engager des poursuites en diffamation mais à la présidence de la République pour faire cesser de telles insinuations.

Voici sa mise au point telle que publiée dans Le Soir d'Algérie de ce matin.

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Ahmed Mahsas répond à Nordine Aït-Hamouda

Dans son édition du mercredi 7 juillet 2010, Le Soir d’Algérie a publié un article signé de Nourredine Aït Hamouda me mettant gravement en cause. Cet article diffamatoire est, en effet, un tissu de mensonges et d’injures qui portent atteinte à mon honneur et à ma dignité de moudjahid. J’use donc de mon droit de réponse aux fins d’insertion de cette mise au point conformément à la législation en vigueur.

Nourredine Aït Hamouda me prend vivement à partie, pour avoir «innocenté», selon lui, Boumediène de la mort du colonel Amirouche, dans une interview que j’ai accordée à Chourouk El Arabi le 29 juin 2010. Dans cette interview, je déclarais, en effet, que Boumediène n’était pas responsable de la mort d’Amirouche. Ce n’est pas parce que j’étais opposant à Boumediène, que je devais pour autant l’accabler de tous les maux ou user de procédés immoraux.

Ceci a été et est mon principe de conduite que j’ai toujours appliqué durant mes 70 ans de vie militante, et en toutes circonstances.

Ce n’est manifestement pas le cas de Nourredine Aït Hamouda qui considère :
- que parce que j’étais «opposant au Congrès de la Soummam», je ne pouvais, selon lui «qu’être opposé à la Révolution !»
- que parce qu’un «agent espagnol», selon Aït Hamouda, m’accuse de «corruption» dans un livre douteux publié en 1976, que l’opinion nationale devrait forcément lui accorder du crédit.

J’épargne aux lecteurs la liste des procédés du même genre. Qu’il n’y ait surtout pas d’équivoque. Plus que par les basses attaques visant ma personne, le militant que je suis est surtout préoccupé par les graves atteintes aux institutions nationales et à la dignité du moudjahid. Les institutions nationales, à commencer par la présidence de la République, garantes, selon la Constitution, de la défense des valeurs nationales, sont interpellées pour mettre fin à ces pratiques ».

Alger, le 8 juillet 2010 Ahmed Mahsas
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Aomar

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MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptyMer 14 Juil - 10:35

Dans Le Soir d'Algérie de ce matin, Lahouari Addi répond à Nordine Aït-Hamouda. Ce dernier avait relevé la surprenante volte-face du sociologue entre ses deux déclarations successives. Comme rappelé à l'ordre par les hommes de sa tribu, il est revenu quasiment sur les propos tenus à l'université de Tizi-Ouzou quelques jours seulement auparavant.
Je livre ci-après toute sa réponse telle que reproduite par le journal.
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Lahouari Addi répond à Nordine Aït-Hamouda

Par Lahouari Addi

Le Soir d’Algérie du 7 juillet 2010 a publié un pamphlet d’une rare violence verbale à mon égard signé par le député du RCD Nordine Aït Hamouda. M’accuse-t-il de profaner la mémoire du colonel Amirouche ? Non ! D’être anti-kabyle ? Non ! Il m’accuse tout simplement de critiquer le président du RCD, Saïd Sadi. Il est permis, selon lui, de critiquer Boussouf, Ben Bella, Aït Ahmed, Mahsas, et même le président de la République Bouteflika ou les généraux, mais pas Saïd Sadi. De la part d’un député qui se réclame de l’opposition démocratique, il y a de quoi s’inquiéter pour l’avenir du pays. Ce qui a fait perdre à Nordine Aït Hamouda son sang-froid, c’est une phrase extraite d’une interview accordée à un journal électronique (http://lequotidienalgerie.org) dont voici un extrait :

«Question : je suppose qu’il a été question aussi de la polémique suscitée par le livre de Saïd Sadi ?

Réponse : La conférence portait sur l’écriture de l’histoire et j’ai cherché à donner mon point de vue à Tizi-Ouzou parce que j’étais gêné par la tournure pro et anti-kabyle que prenait la polémique dans les journaux. Il fallait «dékabyliser» le débat et le centrer dans son cadre politique et théorique. Dans les journaux, la polémique glissait vers une tournure dangereuse : Boussouf l’Arabe a trahi Amirouche le Kabyle. Nos grands-parents et nos parents, malgré l’ethnocentrisme de la société rurale traditionnelle, ne nous ont pas légué l’hostilité entre berbérophones et arabophones. Il est de la responsabilité de notre génération de ne pas transmettre à nos enfants la haine entre groupes sociaux. Il y a des problèmes politiques liés à l’autoritarisme, aux limites idéologiques du nationalisme algérien et à l’absence de démocratie, et il ne faut pas ethniciser les divergences et oppositions.

Pour revenir à l’ouvrage de Saïd Sadi, il a le droit d’écrire un essai d’histoire où il donne son interprétation du passé. Il a occupé un vide, et on ne peut lui en faire le reproche. Je ferais néanmoins une remarque car Saïd Sadi est un homme politique. Je pense que sa démarche n’est pas cohérente dans la mesure où, d’un côté, il critique le MALG – et en cela il a tout à fait raison – et d’un autre côté, il a soutenu le néo- MALG, le pouvoir réel, quand il a annulé les élections de janvier 1992. Il a condamné le coup d’Etat de 1962 mais a soutenu celui de janvier 1992 ! S’il répond que l’armée a sauvé la République en 1992, il doit accepter l’idée que le MALG a sauvé la révolution.

Un homme politique doit être cohérent pour être crédible. Il dira qu’il critique le régime, mais en fait, il s’en prend surtout au pouvoir formel alors que tout le monde sait que Bouteflika n’a aucune autorité. Un ami à Oran me disait : Saïd Sadi critique le pouvoir formel qui est de l’Ouest et oublie le pouvoir réel qui est de l’Est.

La réponse du berger à la bergère. Cela a suffi au député du RCD pour se déchaîner m’accusant d’avoir fui le pays, d’être un renégat, etc. Au lieu de montrer en quoi les deux événements, 1962 et 1992, sont différents et en quoi ma position serait erronée, il insulte et s’adonne à des attaques mensongères qui portent atteinte à son statut de député de la nation et à la crédibilité de son parti. Il affirme même que je suis vacataire en France alors qu’il lui suffit d’aller sur le site Web de l’Institut d’études politiques de l’Université de Lyon pour qu’il voie que je suis professeur des universités encadrant des thèses de doctorat.

Ce que Nordine Aït Hamouda aurait dû faire, c’est de m’inviter à faire un exposé aux députés du RCD à l’Assemblée nationale sur les propos que j’ai tenus et d’avoir un débat d’analyse théorique contradictoire, franc et fraternel. Comment un universitaire peut-il répondre à des insultes écrites dans un journal ? La meilleure façon, me semble-t-il, est de sortir de l’invective et de se placer sur le terrain du débat et de l’analyse du système politique algérien pour aider les acteurs à dépasser leurs contradictions. Cela profitera aux lecteurs du Soir d’Algérie, aux militants du RCD et au député Aït Hamouda. Je développerais trois thèmes : l’islamisme, la bipolarité du pouvoir d’Etat et le rôle de l’armée et enfin la polémique autour du livre sur le colonel Amirouche.

L’islamisme

J’ai rencontré Saïd Sadi en 1989 et nous avions entretenu des rapports amicaux jusqu’en 1993-94. Nous avons divergé sur les élections remportées par le Fis en décembre 1991 et sur la position à adopter. En appelant à l’annulation de ces élections, je considérais qu’il surestimait «le danger islamiste» et me reprochait de sous-estimer ce danger. Pour lui, la transition démocratique était possible sans les islamistes. Pour moi, compte tenu de la situation historique de notre société et de la place de l’Islam dans la vision du monde de l’Algérien, il était impératif de trouver des règles de jeu avec les islamistes pour les insérer dans le schéma institutionnel pour éviter la violence.

Saïd Sadi n’était pas de cet avis et, estimant que la venue des islamistes au pouvoir, même par les élections, compromettrait l’avenir du pays pour 50 ans. Ce qu’il n’a pas vu, c’est que cette position mène à l’impasse et au statu quo, et repose sur une analyse erronée du mouvement islamiste. Dans notre société, la culture et l’histoire ont fait jouer à l’Islam un rôle politique, ce qui a donné naissance au mouvement islamiste qui s’est renforcé avec la démocratisation de l’enseignement réalisée par l’Etat indépendant.

Les générations nées après l’indépendance ont eu une éducation où la grille de lecture des rapports sociaux est dominée par la morale religieuse. Devenues adultes, ces générations ont exigé la moralisation des rapports d’autorité croyant atteindre par là la construction de l’Etat de droit.

De ce point de vue, l’islamisme est dans la continuité idéologique du nationalisme algérien et il est aussi le produit contradictoire de la modernité. Il exprime la volonté des masses populaires à être présentes dans le champ de l’Etat d’où elles sont exclues par l’autoritarisme. Mais d’un autre côté, l’islamisme n’a pas la philosophie politique pour donner naissance à des institutions représentatives de la population en raison de la conception divine de la souveraineté. Cette contradiction, au cœur de l’idéologie islamiste, le fera nécessairement évoluer vers des conceptions du politique plus proches des hommes que de l’utopie.

Cette évolution était déjà perceptible chez les djazaristes représentés par Abdelkader Hachani. Si, en tant qu’éducateurs et élites, nous arrivons à convaincre les jeunes que le Coran donne autant d’importance sinon plus au mouamalate qu’aux ibadate, si nous arrivons à leur montrer qu’il faut juger un homme ou une femme sur ses actes et non sur ses devoirs envers Dieu, nous aurons créé une dynamique de démocratisation à laquelle les islamistes prendront part. Ce n’est pas l’Islam qui pose problème à la démocratie, c’est plutôt son interprétation médiévale faite de bigoterie.

Dans le Coran, il y a des ressources théologiques pour justifier la démocratie fondée sur la souveraineté humaine que certains courants de pensée islamiste appellent sayyada pour la distinguer de hakimiya. Hakimiya li Allah, sayyada li chaâb (le pouvoir suprême à Dieu, la souveraineté au peuple). C’est Abou el ‘Ala Mawdudi, islamiste pakistanais (1909-1979), qui a traduit hakimiya par souveraineté, ce qui est une erreur parce que ce concept est moderne et ne date que du 16e siècle. Sayyada est plus approprié pour le traduire.

L’Europe est aussi passée par là, donnant naissance aux courants chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates. J’ai écrit de nombreux articles parus dans des revues scientifiques aux Etats-Unis et en Europe où j’ai expliqué ce processus que j’ai appelé «la régression féconde».

J’invite Nordine Aït Hamouda à les consulter pour comprendre la portée et les limites du phénomène islamiste. Religion and Modernity in Algeria, Journal of Democracy, octobre 1992, Islamist Utopia and Democracy, The Annals of the American Academy of Political and Social Science, novembre 1992, Algeria’s Tragic Contradictions, Journal of Democracy, juillet 1996, The Failure of Third World Nationalism, Journal of Democracy, octobre 1997, ou encore ma contribution Political Islam and Democracyà l’ouvrage collectif dirigé par A. Hadenius, D emocracy’s Victory and Crisis, Cambridge University Press, 1997.

Il pourra consulter mes différents articles parus dans Le Monde diplomatique de 1989 à 2006. Ces thèses ont été aussi développées dans mes ouvrages en langue française L’Algérie et la démocratie, La Découverte, 1995, Les Mutations de la société algérienne, La Découverte, 1999, et enfin Sociologie et anthropologie. Le paradigme anthropologique kabyle et ses conséquences théoriques, La Découverte, 2002.

Le RCD ne partage pas cette analyse et semble miser sur la modernisation autoritaire. Mais sur quelles forces sociales et sur quels courants politiques s’appuyer pour mener son projet ? Le scénario de Mustapha Kemal Attatürk, qui attire Saïd Sadi, n’est pas possible dans les conditions de la mondialisation. Saïd Sadi voudrait mener la modernisation de la société en ignorant les islamistes. Il compte s’appuyer sur les élites urbaines et sur les courants dits modernistes dans l’Etat et dans l’armée. Ceci mènera à l’impasse parce que, premièrement, les élites urbaines, récemment constituées, n’ont aucune légitimité sociale auprès des couches populaires et, deuxièmement, parier sur l’existence de courants politiques dans l’armée est une gageure. L’armée appartient à toute la nation et il lui est difficile de s’identifier à un seul courant de la nation. Saïd Sadi a l’Algérie dans le cœur, mais sa stratégie politique mène à l’impasse, ce qui fait le jeu du régime qui n’a qu’un objectif : se maintenir.

La bipolarité du pouvoir d’Etat et le rôle politique de l’armée

Le régime algérien a une histoire et une logique héritée de cette histoire. Il est caractérisé par la bipolarité du pouvoir d’Etat divisé entre pouvoirs réel et formel, bipolarité qui trouve son origine dans le mouvement national avec l’opposition entre le PPA clandestin et le MTLD légal, l’état-major général et le GPRA, et qui s’est poursuivie après l’indépendance. La seule période où ces deux pouvoirs étaient unifiés était celle de Boumediène qui se prévalait de la légitimité historique et des institutions. L’histoire de l’Algérie a fait de la violence, et donc de l’armée, la source de la légitimité politique. C’est pourquoi le régime s’est constitué idéologiquement dans la négation du politique qui relève d’un carré très étroit d’officiers supérieurs. En Algérie, le ministre n’a aucune autorité politique, c’est un fonctionnaire désigné par des appareils qui refusent de s’institutionnaliser.

Le président n’échappe pas à cette logique qui fait de lui le chef de l’administration gouvernementale et non le chef de l’Etat. Dans ce système, il y a un seul acteur politique, le DRS, qui veille à ce que l’Etat ne soit pas investi par des élites représentatives de la population. A cette fin, une opposition formelle est mise en place pour servir de paravent démocratique. Dans cette mission, le DRS s’inscrit dans le prolongement de l’idéologie du mouvement national : il ne veut pas que les Algériens se divisent politiquement et, à cette fin, il leur interdit de faire de la politique.

Là se pose le problème du rôle de l’armée dans le champ politique. C’est l’ALN qui a créé l’Etat indépendant et, historiquement, l’ANP est issue de l’ALN. Il y a cependant une différence de taille entre les deux : l’ALN est une organisation révolutionnaire qui cherchait à transformer la situation politique en détruisant le système colonial. L’ANP est une armée classique et, en tant que telle, elle est attachée au maintien de l’ordre établi, refusant les ruptures brutales. L’annulation des élections de janvier 1992 peut être interprétée comme le refus d’une rupture brutale qu’elle n’a pas acceptée. Par conséquent, compter sur l’armée, ou un courant dans l’armée, pour opérer les changements nécessaires est une illusion. Le PAGS avait longtemps cru en cette illusion de l’existence «d’un courant progressiste» dans l’armée, ce qui a été la cause de sa disparition. Un parti politique ne doit pas bâtir sa stratégie sur des illusions. Il doit investir dans le long terme et défendre les principes constitutifs de la modernité.

Le nationalisme algérien comporte des dynamiques de modernité, mais il connaît aussi des obstacles qui lui sont propres. Il faut prendre conscience de ces obstacles et les analyser pour accompagner les changements dont est grosse la société. Les générations précédentes ont créé une conscience nationale, une nation, mais le régime qui en est issu croit protéger celle-ci en refusant l’émergence d’une société civile avec de vrais partis et des syndicats représentatifs, en s’opposant à la construction de l’Etat de droit qui arbitre les conflits sur la base de la règle juridique et enfin en empêchant l’économie de s’organiser sous forme de marché qui suppose la concurrence. La nation s’organise sociologiquement en société civile, politiquement en Etat de droit et économiquement en marché.

L’Etat de droit, la société civile et le marché appartiennent désormais à la perspective historique de l’Algérie enclenchée par le mouvement national sous la colonisation. Les partis devraient s’inscrire dans le sens de cette perspective, en demandant la réhabilitation du politique et l’institutionnalisation des rapports d’autorité.

La polémique autour du livre sur le colonel Amirouche

Saïd Sadi est un homme politique à vocation nationale. Dans son livre sur le colonel Amirouche, il cite le colonel Lotfi et le capitaine Zoubir de la Wilaya V, victimes de rivalités dans le FLN. Son livre est une contribution à l’histoire du FLN et des luttes qui l’ont marqué. Sa thèse – Amirouche aurait été trahi – est plausible et il est possible qu’elle soit démontrée avec des archives non disponibles aujourd’hui. S’il a choisi le colonel Amirouche, c’est parce que celui-ci est un héros national perçu comme tel dans toute l’Algérie. Dans les principales villes du pays, il y a le boulevard ou l’avenue Amirouche. Mais dans la polémique - qui avait duré plusieurs mois – Saïd Sadi ne cherchait pas à rassembler, à convaincre celui qui s’oppose à sa thèse. Dans la polémique, il a été plutôt brutal, souvent méchant, personnalisant et régionalisant le débat. En parlant de Ben Bella, Mahsas, Ali Kafi…, il est irrespectueux. Qu’on le veuille ou non, et même si on ne partage pas leurs convictions politiques, Ben Bella, Ali Kafi, Mahsas… sont des symboles et on ne les traite pas comme des moins que rien.

Un homme politique doit faire attention à la forme pour ne pas blesser gratuitement ses compatriotes. A l’échelle de l’histoire du mouvement national, Abdelhafid Boussouf – dont je n’apprécie pas les méthodes – est un monument. C’est un militant des années 1940 socialisé dans la clandestinité et élevé dans le culte de la violence contre le système colonial. Pour lui, une divergence politique doit se résoudre par la disparition physique. Si Ferhat Abbas avait la force de caractère de Abbane, il l’aurait tué.

La haine que Boussouf avait pour le système colonial, il l’exprimait face à quiconque s’opposait à lui. Il a été concurrencé sur son propre terrain par Amirouche qui avait la légitimité des armes, celle-là même dont il se réclamait. Dans cet état d’esprit, dans cette culture du PPA clandestin, Boussouf devait éliminer Amirouche ou inversement. Amirouche était parti vers Tunis non pas pour prendre du thé mais pour régler des comptes avec ceux qu’il accusait d’étouffer les maquis de l’intérieur.

Les dirigeants installés à Tunis étaient hostiles à Amirouche non pas parce qu’il était Kabyle mais parce qu’il incarnait la légitimité de l’intérieur. Amirouche était le porteparole informel des maquis du Centre, de l’Ouest, de l’Est et du Sud. Les dirigeants installés à Tunis craignaient qu’il ne devienne le chef d’état-major de l’ALN qu’il voulait transférer à l’intérieur. Par conséquent, il n’y a pas d’anti-kabylisme, il y a une lutte féroce pour le pouvoir. Abbane Ramdane en a fait les frais au prix de sa vie. Il avait été mis en minorité au CNRA du Caire et marginalisé parce qu’il était en avance sur ses compagnons d’armes. Là où Saïd voit du régionalisme, il y a simplement des limites idéologiques.

L’Algérie est indépendante grâce à Boussouf, Amirouche et leurs compagnons. Le regard qui doit être porté sur eux ne doit pas être manichéen, tout blanc ou tout noir. Il faut surtout dépasser la manière avec laquelle ils faisaient la politique, il faut dépasser leur nationalisme guerrier qui se retrouve dans la plume de Saïd Sadi.

J’ai dit aux étudiants de l’Université Mouloud-Mammeri que si l’Algérie veut construire un ordre politique moderne, il faut impérativement que les Algériens s’entendent sur un postulat de base qui ne doit souffrir aucune exception : la valeur suprême dans la société est la vie humaine. On ne fait pas de politique en sacrifiant des vies humaines. Pour respecter ce postulat, il faut trois conditions : 1. Le monopole de la violence doit appartenir à l’Etat. 2. Ce monopole doit être exercé par les agents de l’Etat dans le cadre de la loi. 3. La loi doit être faite par une Assemblée nationale représentative. C’est ce projet qu’un Saïd Sadi moins belliqueux devrait défendre.

En conclusion, et pour revenir à Nordine Aït Hamouda, je voudrais lui dire que la politique, c’est comme le football. Il faut jouer le ballon et non l’homme. S’il insulte l’adversaire sur le terrain, l’arbitre – l’opinion publique – sortira le carton rouge.
L. A.
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Oussan

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MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptyMar 27 Juil - 14:29

C'est au tour de Me Hakim Saheb, député du RCD, de répondre à Addi Lahouari.

Dans un long plaidoyer, l'avocat de Tizi-Ouzou, revient sur l'ensemble des positions du sociologue.

Voici son texte tel qu'inséré dans le site du RCD, aujourd'hui :
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Le député Hakim Saheb répond à Addi Lahouari

Il faut toujours dire la vérité au peuple, disait feu le président Boudiaf quand il revint au pays après un exil de 28 ans au cours desquels l’Histoire qu’il avait contribué à écrire fut confisquée, détournée et retournée contre les acteurs qui l’avaient faite. Ce détournement de notre mémoire coûte cher, trop cher au pays. C’est pour cela que chacun d’entre nous se doit d’intervenir en âme et conscience à chaque fois qu’il assiste de près ou de loin à une entreprise de désinformation quel qu’en soit l’auteur et quelles que soient ses raisons.

La réponse faite par Addi Lahouari à Nordine Aït Hamouda est exemplaire des sociétés frappées dans leur vitalité ; elle fait partie de ces pièces où l’intervenant, encouragé par les effets d’une guerre dont il s’est protégé, s’octroie une autorité en instrumentalisant une science dont il s’affirme unique détenteur pour délivrer à la «communauté des ignorants» ses vérités avec une suffisance et une mauvaise foi qui ne doivent laisser aucune place au silence. Pour couper court à tout malentendu, j’affiche la couleur. Je suis avocat et député du RCD. J’étais étudiant et j’ai eu le privilège et l’honneur d’assister à la création du parti. C’est donc en tant que citoyen mais aussi comme militant, élu et collègue de Nordine Aït Hamouda que j’interviens. Cela ne m’empêche ni de faire l’effort de la lucidité ni de me soumettre à ce qui guide mon éthique dans la vie politique où je me suis engagé.

Tout commença par l’imposture intellectuelle

Ce qui motive mon intervention, c’est le devoir de m’exprimer face à cette volonté délibérée de fausser le débat de la part d’un homme qui s’affiche comme un universitaire chargé d’observer et d’analyser sa société dont personne ne peut et ne doit contester le propos. Cette prétention a quelque chose du terrorisme intellectuel propre aux cadres des systèmes totalitaires. Monsieur Addi n’a ni l’excuse de l’ignorance ni celle de la contrainte à faire valoir pour commettre une sortie construite sur les contrevérités patentes et soutenues par des allusions politiques pernicieuses.

Tout commence par la confiscation du mot. M. Addi fait mine de ne pas distinguer islam et islamisme, il suggère que Djaout était un éradicateur et que Hachani était un réconciliateur, il distille l’idée que les activistes de 1991 étaient de paisibles acteurs politiques qui n’avaient d’autres intentions que celles d’honorer un mandat politique banal en attendant de le remettre en jeu et relance la rengaine gauchiste française qui a décrété que celui qui ne se soumet pas à l’aventure intégriste est contre la paix. Enfin, M. Addi réduit la scène politique nationale à un binôme police politique-intégrisme. Celui qui n’est pas chez l’un est mécaniquement affecté chez l’autre. M. Addi sait que tous ses préalables sont faux. Il a cependant besoin de ces maquillages pour régler ses comptes. Ce faisant, l’universitaire sort de son rôle et défend un projet politique dont il ne veut assumer ni les expressions ni les conséquences. Cela est intellectuellement malsain.

Mais il n’y a pas que cette prétention à abuser d’une science sociale pour fausser concepts et évènements historiques qui pose problème. M. Addi disqualifie a priori tous ceux qui viendraient a relever ou souligner ses égarements et autres manipulations en jouant sur le registre subjectif. Ses adversaires sont «brutaux et méchants» alors que lui, vierge de toute tentation politique, «critique et analyse». Voilà le décor dans lequel M. Addi nous impose de jouer. N. Aït Hamouda a rappelé comment, un tantinet comminatoire et faussement conciliant, M. Addi sert un discours en Kabylie avant d’en revenir à ses vieilles haines quelques jours plus tard en ciblant ceux qui n’ont ni abdiqué ni cédé devant la barbarie soutenue par la puissance médiatique des socialistes français qui, voulant faire oublier leur compromission avec le FLN depuis 1962, s’engagèrent dans une complicité avec l’islamisme qui laissera des cicatrices durables entre le PS français et les forces démocratiques algériennes.

Diaboliser l’adversaire pour justifier l’innommable

M. Addi n’a pas critiqué Saïd Sadi sur ce qu’il a dit ou écrit mais en fonction de positions ou d’arrière-pensées qu’il lui attribue, n’enviant en cela rien aux services spéciaux algériens formés à l’école soviétique qui jugeaient, et dans une certaine mesure continuent à le faire, les opposants en tant qu’agents de l’impérialisme dès lors qu’ils osaient rêver d’un autre destin pour leur peuple. A entendre M. Addi, le combat mené par Saïd Sadi contre l’extrémisme religieux serait en fait le paravent d’une lutte contre l’islam visant à dénier au musulman le droit de pratiquer dans son pays.

Saisissant la parution d’un livre sur le parcours d’un héros de la guerre de libération, le représentant du groupe de Rome dans les médias français s’emploie à réanimer la machine à désinformer. Il n’a contesté ni la pertinence de l’analyse, ni la véracité des faits, ni les documents étalés par Saïd Sadi tout au long de son ouvrage. Il rebondit sur le livre et s’attelle à relancer la litanie des jugements qui condamnent l’homme politique dans le traitement de faits historiques en invoquant, d’une part, les risques de manipulation — M. Addi étudie les faits pendant que les autres les manipulent — et d’amalgamer, d’autre part, des situations politiques antagoniques et les lectures nécessairement différentes qui en découlent.

Il va de soi que les enjeux de la situation conflictuelle née au lendemain de l’indépendance sont d’une autre nature que ceux des évènements de décembre 1991. Chaque épisode appelle des mesures et des lectures adaptées. Dès lors que la falsification des faits est avérée et qu’elle émane d’un homme qui ne saurait s’abriter derrière la méconnaissance d’une situation politique, on peut et on doit poser clairement la question : la sortie de M. Addi Lahouari est-elle fortuite ou est-elle savamment synchronisée pour venir à la rescousse du clan d’Oujda, aujourd’hui représenté par le chef de l’État, dans une politique de « réconciliation», dont on mesure chaque jour les coûts humain et politique, en lui apportant la caution d’un intellectuel connu pour être un partisan du contrat de Rome ? Le lynchage médiatique qui a accompagné la publication du livre sur le colonel Amirouche donne un avant-goût de ce qui est réservé à tous ceux qui seraient tentés d’exprimer une autre opinion sur les thèses officielles retenues sur le Mouvement national.

Occulter le régionalisme pour légitimer le tribalisme

Décidément, l’histoire de la guerre d’Algérie, comme l’affirme Saïd Sadi dans sa réponse à Ali Kafi, «est un butin trop précieux pour être restitué au peuple.» Le débat que réclame notamment la jeunesse algérienne n’aura pas lieu tant que la mémoire reste confisquée par les rentiers et "tard-venus de la guerre de libération", pour reprendre une expression chère à Mostefa Lacheraf, ce sociologue qui a assumé sa mission avec loyauté, pertinence et rigueur. Ce débat sera toujours différé si l’Histoire demeure l’otage des hégémonies idéologiques ou intellectuelles qui la mutilent aujourd’hui encore et si les universitaires ne s’affranchiront pas de chapelles politiques auxquelles ils offrent une soumission d’autant plus pernicieuse qu’elle ne s’avoue pas. Notre mémoire collective est toujours traumatisée par l’omerta imposée à ceux qui savent et qui pourraient dire la vérité. Le processus de construction de la conscience nationale et de la société civile naissante exige, dans la phase tumultueuse de notre vécu national actuel, que toute la lumière soit faite sur cette étape matricielle, comme sur celles qui l’ont suivie, marquées entre autres par la trahison des colonels Amirouche et Haouès et les assassinats de Abane, de Chabani, de Chabou, de Khider, de Krim et, plus tard, de Boudiaf. C’est probablement en cela que l’œuvre de Saïd Sadi, qui s’inscrit en droite ligne de cet impératif, dérange.

Mais, venons-en aux propos de l’auteur de ce qui aurait pu apparaître, s’il n’y avait récidive, comme un simple dérapage et/ou malentendu sémantique provoqué par la panique : «La régression féconde». M. Addi Lahouari déclare péremptoire : «J’ai cherché à donner mon point de vue à Tizi Ouzou parce que j’étais gêné par la tournure pro et anti-kabyle que prenait la polémique dans les journaux. Il fallait "dékabyliser" le débat et le centrer dans son cadre politique et théorique (…). Il ne faut pas ethniciser les divergences et oppositions (…).»

«Dékabyliser» le débat, le mot est lâché. A l’évidence, toute référence à l’un des plus grands tabous de l’Algérie indépendante dérange et effraie notre universitaire. Il ne faut dénoncer ni l’antikabylisme qui s’institutionnalise chaque jour davantage, ni l’ostracisme identitaire et socioculturel qui frappe toute une région depuis l’indépendance ni même et surtout la tribalisation de l’État où pas moins de treize ministres issus d’une même localité occupent au sein du gouvernement la plupart des sièges de souveraineté.

Nous sommes sentencieusement sommés de détourner le regard d’un sujet où, en principe, l’expertise de la sociologie aurait dû éclairer la nation et la prévenir des dangers d’explosion qui la guettent. Les intervenants qui m’ont précédé ont signalé le blocage d’un projet PNUD au seul motif qu’il était partiellement destiné à la Kabylie. On vient d’apprendre que le gouvernement a refusé l’ouverture du centre culturel français à Tizi-Ouzou alors qu’il a accepté le fonctionnement de ceux des autres régions pour ne parler que des dernières décisions et M. Addi nie toujours les tendances régionalistes qui ont pesé sur tout le mouvement national. On accepte volontiers que l’idéologie arabo-islamique règne en maître absolu sur l’aréopage institutionnel national et l’on fait fi du fait que l’arabisme, à l’instar de l’islamisme (qui n’est pas l’islam M. Addi, vous le savez bien ), est exogène à la société algérienne et qu’il a été cloné sur le corps social national par de médiocres "coopérants" importés du Moyen-Orient dès l’indépendance avec la bénédiction et les moyens du pouvoir algérien dominé, cela aussi vous le savez M. Addi, par un clan d’Oujda hégémonique de 1962 à ce jour.

Le sociologue averti semble ignorer que c’est par l’école, la mosquée et les médias publics que la jeunesse algérienne a été livrée, poings et pieds liés, à la théocratie naissante et à l’improvisation populiste. Le délabrement du niveau de l’enseignement, la perte des repères identitaires et la minorisation progressive de la femme sont, entre autres, les leviers sur lesquels se sont appuyées les forces conservatrices à l’intérieur et à la périphérie du système avant de dériver, sous la bannière islamiste, vers une insurrection qui s’exprime aujourd’hui par la violence.

De la démission morale au fourvoiement intellectuel

Oui, M. Addi, l’impasse actuelle a ses origines, ses mécanismes et son expression. Des patriotes, dont vous occultez l’existence, luttent pour une alternative qui libère la nation et du système militaire et de son clone intégriste. Ils affirment sans ambages que le sevrage identitaire et la césure de la mémoire, conjugués au délit de parole, ont généré le terreau qui est à l’origine du drame qui ensanglante l’Algérie depuis deux décennies : la jeunesse étant, quelle que soit la faction qui l’a captée — pouvoir ou terrorisme – la première victime d’une politique qu’elle n’a ni élaborée ni choisie.

Du point de vue de ces patriotes, cette violence n’est ni fortuite ni fatale. Produit direct du système, son dépassement suppose nécessairement la rupture avec le pouvoir actuel, «formel ou réel», et une réorganisation de l’Etat qui appelle de nouvelles règles de fonctionnement et de régulation.

Toujours tendancieux, M. Addi persiste et nage dans les eaux troubles du confusionnisme lié à sa théorie de «régression féconde». En effet, il reproche à Saïd Sadi, vingt ans après, de s’être opposé à une aventure dont le pays a, depuis, mesuré et éprouvé les affres, et d’avoir été parmi les initiateurs de l’interruption d’un processus électoral qui hypothéquait le devenir algérien.

Notre universitaire nous explique que l’extrémisme islamiste n’était qu’une simple manifestation de la foi musulmane que des mécréants, intolérants, incultes et sans ancrage populaire n’ont pas su comprendre. Et de nous inviter à regarder ce qui se passe dans les pays qui ont apprivoisé les segments conservateurs de leur société à travers les mouvements sociaux et chrétiens démocrates. Si le sociologue n’avait pas été asservi par le militant honteux, M. Addi aurait noté que dans ces mouvements, il y a un mot qui les définit et que ses alliés ont eu le courage de renier publiquement : c’est le mot démocrate. On n’a pas encore entendu des formations politiques belges, allemandes ou italiennes déclarer que la démocratie est une hérésie « dimoqratiya kofr ». Pourquoi un universitaire se perd-il dans de tels méandres au risque d’y perdre son âme ? Mystère et misère de certaines élites algériennes !

Bien sûr, lorsqu’on a choisi de quitter le pays, précisément au début de l’année 1992, et que l’on a mis sa progéniture à l’abri des risques et de tout péril, on peut se permettre d’avancer mille et une théories et de faire de son pays un champ d’expérimentation, voire un laboratoire à ciel ouvert, nonobstant le coût humain qui en découle. Mais lorsque l’on n’a pas de pays de rechange – dixit Saïd Sadi – et que l’on a l’Algérie dans le cœur, avouez M. Addi, que l’on n’a pas d’autres choix que de s’opposer simultanément à l’hydre intégriste et à son géniteur, le régime en place.

Les atermoiements et les reniements ne sont que des fuites en avant. Au fond de vous-même, vous admettez ce qu’a dit Saïd Sadi : « L’intégrisme, c’est comme la mort ; on n’en fait l’expérience qu’une fois.» La différence avec vous c’est que lui l’a dit et assumé. Méditez la sentence, vous qui demandiez de la cohérence aux hommes publics. La finalité du mouvement intégriste est, au demeurant, d’une totale clarté : imposer la Charia au niveau politique et civil et la bazardisation sur le plan économique. On est loin de l’État de droit où force reviendrait à la loi et de la régulation économique par le marché. M. Addi, qui cultive, sans y croire, la dissolution de l’idéologie islamiste dans la démocratie, sait, plus que quiconque, que ce mouvement est d’essence totalitaire, qu’il dispose de relais extra-nationaux et connaît le sort réservé aux opposants partout où cette doctrine a pris le pouvoir. Il n’a pas, également, l’excuse d’ignorer les déclarations antérieures à décembre 1991 des dirigeants de cette nébuleuse. On se croyait définitivement délivré d’un certain jargon politique qui apparaît aujourd’hui bien désuet. Mais puisque M. Addi nous ressert sa marotte, rafraichissons-lui la mémoire. Le vice-président de l’ex-FIS déclarait, entre autres : « Il n’y a pas de démocratie, car la seule source de pouvoir, c’est Allah et le Coran et non le peuple. Si le peuple vote contre la loi de Dieu cela n’est rien d’autre qu’un blasphème ; dans ce cas, il faut tuer ces mécréants. » ( Horizons du 23 février 1989), ou encore, « Sachez que la démocratie est étrangère dans la maison de Dieu. Prenez garde à celui qui vient vous dire que la notion de démocratie existe en Islam. Il n’y a pas de démocratie en Islam. La démocratie est kofr.» ( Le Maghreb du 20 octobre 1989). Si l’on voulait être rigoriste, on pourrait convenir que l’auteur de ces paroles est plus respectable que M. Addi car il croit à ce qu’il avance et il a payé pour ses idées. M. Addi aiguillonne la radicalité islamiste sans y croire et en prenant soin de se protéger et de ses implications et des éventuelles rétorsions auxquelles pourrait l’exposer son adhésion. Au cœur de ce rejet de la démocratie, il y a le refus du libre arbitre. Le citoyen n’a pas à choisir, il n’a qu’à subir. M. Addi, qui fut le chantre du Contrat de Rome ou de ce qui en reste, connaît plus que tout autre l’énoncé de la disposition 2–6 dudit contrat qui consacre explicitement « la primauté de la loi légitime » ; littéralement la Charia dans le document arabe et non, comme l’insinuent M. Addi et ses acolytes dans la traduction française, la loi légitime ou la volonté populaire. Est-il utile de rappeler que cet accord a été paraphé par ceux-là mêmes qui se sont réjouis de l’assassinat de Tahar Djaout et qui ont légitimé le carnage du boulevard Amirouche ? Le but de cette réunion, qui a voulu blanchir et sanctifier le crime de l’élite et des patriotes algériens, visait la légitimation du terrorisme sur le plan international au moment où il était disqualifié politiquement dans le pays et mis à mal militairement grâce à la résistance des citoyens républicains.

Devoir de vérité sur la décennie rouge

Il ne s’agit ni d’appeler à la vengeance ni de se voiler la face. De ce point de vue, les acteurs politiques d’obédience différente, voire diamétralement opposée doivent conjuguer leurs efforts pour que la vérité vive et que la justice passe.

Le terrorisme intégriste disposa, pendant toute la décennie rouge, de théoriciens qui ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Il bénéficia, à l’évidence, d’atouts qui expliquent sa longévité : son discours fut homologué et eut sa place dans les médias assurée ; ses guerriers furent immunisés contre la justice et ses complicités intellectuelles et politiques multiples. On comprend dès lors qu’il perdure et qu’il adapte son action au gré des circonstances politiques au grand bonheur des tuteurs de la nation. Exit les enterrements qui ont longtemps et continuent hélas – de rythmer la vie des familles de patriotes.

Quant aux jeunes qui meurent dans les maquis, il se trouvera toujours un Addi résiduel pour expliquer que leur mort était nécessaire ou, en tout cas, justifiée. Militant de terrain et intellectuel engagé, Saïd Sadi écrivait en janvier 1995 dans Algérie : l’alternative que « les démocrates ont eu aussi à expliquer, et ce fut long et difficile, que le ‘‘dialogue’’ pour les intégristes signifie, comme au demeurant ils se plaisent à le rappeler, renoncement. Mise à mal par un déficit en communication et des thèses inspirées et, en tout cas, largement relayées à l’extérieur du pays, l’Algérie républicaine a dû se battre pour que la disqualification d’un régime corrompu ne s’accompagne pas de la valorisation de l’intégrisme et que la lutte contre cette nouvelle forme de fascisme ne signifie pas soutien au régime, loin s’en faut, puisque le premier n’est que le produit du second. »

Il fallait surtout répondre aux commentateurs dont faisait partie Addi Lahouari qui réduisirent la crise algérienne à un affrontement duel entre « éradicateurs » (l’armée) et « réconciliateurs » (alliés du FIS), comme si la solution se résumait à la gestion de l’affrontement en soi et comme si en dehors de ces deux facettes d’une même médaille, il n’y avait pas d’autres forces, pas d’autres perspectives pour l’Algérie. On n’a pas encore pris toute la mesure du coût payé par la nation algérienne à la pollution des concepts et à la perversion des mots. Dans le texte cité plus haut, Saïd Sadi écrivait à ce propos : « En y regardant de plus près, on se rend compte que ces deux options sont beaucoup plus proches qu’il n’y paraît ». Les « éradicateurs » souhaitent résorber le terrorisme sans renier l’intégrisme. C’est la démarche d’une bonne partie du régime actuel, l’essentiel étant d’en être le tuteur. Les « réconciliateurs » recherchent un compromis avec l’intégrisme. Par définition, ils ne s’en détachent pas. Du reste, ces deux positions trouvent leur convergence sur le champ de bataille . Il ajouta qu’à « ce jour pas un notable du régime ou de l’intégrisme n’a été touché. Qu’ils soient policiers, militaires, étudiants ou chômeurs, les jeunes qui tombent quotidiennement sont tous d’extraction sociale modeste ». Pour avoir fait mon service national en 1995/1997, je n’ai pas souvenir d’avoir rencontré les enfants de la nomenklatura, ces patriotes sonores ou ceux se réclamant de la « famille révolutionnaire » parmi les troupes exposées en première ligne dans cette boucherie.

Cela étant, je ne savais pas que Djaout, Yefsah, Boucebci, Alloula ou ses ex-collègues universitaires, tels Liabes, Boukhobza, Fardedhab, avaient torturé, décapité, tué qui que ce soit ou commis un quelconque crime. Ces victimes par anticipation de la « régression féconde » sont stigmatisées pendant que leurs bourreaux se voient réhabilités et, à l’occasion, rémunérés. Suivant cette logique, Amirouche, Haouès, Ben M’hidi Zighoud, Didouche seraient responsables de leur propre mort et de celle de milliers de chouhada qui ont libéré le pays.

M. Addi sait pertinemment que ce n’est pas l’Armée seule, loin s’en faut, qui a évité le naufrage de l’Algérie. C’est la société dans ses segments patriotiques ; ce sont les femmes et les hommes épris de justice et d’amour pour leur pays qu’on ne cesse d’invectiver et de dénigrer qui l’ont sauvée. Que M. Addi ne veuille pas se battre, on peut le comprendre. Qu’il s’égare un instant, il en a le droit – l’erreur est humaine –, mais qu’il persiste dans la mauvaise foi et l’irresponsabilité politique, sa crédibilité intellectuelle en prend nécessairement un sérieux coup. En préfaçant le livre de Souadia, dont il a été établi qu’il est truffé de contre-vérités et dont tout le monde sait aujourd’hui qu’il a été commandité et écrit par des gauchistes revanchards, M. Addi s’est transformé en agent actif de la désinformation.

Aujourd’hui, après les décantations opérées durant ces deux décennies, la majorité des Algériens comprend – ou ressent intuitivement sans pouvoir la conceptualiser – la confusion qui est faite entre l’Islam comme religion et l’intégrisme islamique comme projet politique. Cette évolution dans la société fait que ni les « élites urbaines » ni même les « masses populaires » ne voudraient donner à l’intégrisme la base sociale qui lui permettra de prendre le pouvoir par la voie insurrectionnelle ni, d’ailleurs, par la démocratie formelle puisque nous sommes avertis que la compétition électorale est unique et qu’elle n’a pour seul objectif que de porter au pouvoir « la volonté de Dieu ».

Un livre qui réveille la vigilance citoyenne

L’engouement populaire suscité autour du livre de Saïd Sadi, qui invite les Algériens à une lecture libre de notre histoire, illustre de façon éclatante que la société est toujours porteuse de fortes énergies et que lorsque l’on va sur le terrain, et c’est ce que fait le RCD, ne vous en déplaise M. Addi, il est possible de mobiliser.

La mise à nu du détournement de l’histoire de la guerre de libération prémunit des tentations de charlatans qui voudraient mystifier la nation sur les origines et les responsabilités de la crise qui ensanglante encore l’Algérie.

L’intérêt et les échanges suscités par l’ouvrage de Saïd Sadi créent un climat de vigilance citoyenne qui ne favorise pas la décongélation du contrat de Rome à laquelle s’essaie M. Addi. S’érigeant en apôtre de la bonne parole, M. Addi décrète : Saïd Sadi « a été plutôt brutal, souvent méchant, personnalisant et régionalisant le débat. En parlant de Ben Bella, Mahsas, Kafi… il est irrespectueux. » Car ce sont, dit-il, des « symboles » qu’on ne doit pas « traiter comme des moins que rien. » A l’inverse, lui, peut s’autoriser tous les jugements. Quand il écrit que A. Boussouf est « un militant des années 1940 élevé dans le culte de la violence contre le système colonial », ce que ne nie pas d’ailleurs Saïd Sadi, et, que pour Boussouf, « une divergence politique doit se résoudre par la disparition physique », ou encore « Si Ferhat Abbas avait la force de caractère de Abane, il l’aurait tué », M. Addi n’est ni sévère ni brutal : l’aristocrate national analyse pendant que ses adversaires, nécessairement régionalistes, invectivent. On aurait aimé entendre l’universitaire Addi déplorer la méchanceté et la brutalité le jour où le même Kafi traita Abane de traitre ou, plus près de nous, quand M. Benachenhou annonça qu’Amirouche était « un criminel de guerre ». Ces propos n’étant pas entérinés par le maître de la bienséance, ne doivent pas figurer dans le lexique politique défini par M. Addi. Il y a deux ou trois années, ces manipulations et les attaques malgaches et assimilées lancées contre Saïd Sadi seraient probablement restées sans réponses. Des anciens maquisards, des journalistes, des militants jusque-là résignés, fatigués ou complexés se sont levés et ont enfin réagi ; c’est là une autre victoire de Saïd Sadi.

En définitive, la sortie de Addi Lahouari est un prolongement de la polémique orchestrée autour du livre sur le colonel Amirouche pour brouiller le débat politique qu’attend le pays depuis 1962. En dopant l’islamisme, en le dédouanant de ses crimes, en soutenant qu’il n’y a pas d’autre alternative aux militaires ou à l’intégrisme, M. Addi et ses semblables ont incontestablement réussi une chose : donner un sursis au régime. Et quitte à le suivre sur la parabole footballistique, lui qui invitait M. Aït Hamouda à jouer le ballon et non l’homme, autant lui rappeler que l’on ne peut pas prétendre participer au match si on joue en dehors du terrain.
H. S.
(*) Avocat et député RCD
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Oussan

Oussan


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Date d'inscription : 05/04/2007

Polémique autour d'Amirouche - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptySam 14 Aoû - 12:03

L'avocat et député du RCD, Hakim Saheb, reprend langue, dans Le Soir d'Algérie de ce jour, avec Lahouari Addi, à propos de la réponse que celui-ci lui aurait apparemment adressée, sans que l'on sache comment et dans quelle publication son courrier a été inséré.

Voici sa nouvelle lettre.

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COMMENT DÉBATTRE

Par Hakim Saheb*

Je vous laisse le monopole du procès d’intention puisque là est votre désir. Dès que l’on n’adopte pas votre opinion, vous criez à l’invective et à l’insulte, ce dont vous ne vous privez pas pour solder vos comptes.
D’abord à l’endroit de Saïd Sadi, saisissant inopportunément la publication de son livre Amirouche : une vie, deux morts, un testament pour lui intenter un procès pour ne pas avoir soutenu la régression féconde et l’une de ses applications : la dérive de Rome.

Tout ce qui ne fait pas partie de la liste des courtisans chargés de célébrer le « libre penseur » et de lustrer l’image de M. Addi est décrété intellectuellement persona non grata. La mauvaise foi érigée en religion, nous voilà confondus, Noreddine Aït Hamouda et moi-même, avec M. Dahou Ould Kablia. Échanger pour vous signifie réception et ingurgitation de vos thèses. Vous vous posez comme l’intellectuel aérien qui plane sur tout et tous, mais le naturel revenant au galop, vous replongez aussitôt dans l’injure. Dans ma « réponse inutilement longue », je tenais à vous dire ce que le poète kabyle Lounis Aït Menguellet résume merveilleusement en décrivant votre posture : «am win k –innan a-k wtegh yerna a-k galegh ; ma tsughed ad cektigh» (Je te violenterai et tu dois te taire ; si tu oses crier, c’est moi qui déposerai plainte). Agresser avec perfidie et jouer à la victime : voilà la formule de notre intellectuel organique. Revenant sur le contrat de Rome, vous persistez à en assumer les méfaits et à affirmer que cela aurait pu être une solution à l’époque et qu’il y aurait eu moins de victimes et de disparus. M. Addi a trop d’expérience pour feindre de croire à un argument que même ses sponsors les plus acharnés ont abandonné. Mais pour le convaincre, le mieux est de lui rappeler les propos d’une mère d’un patriote : « Pour éviter ou réduire le fleuve de sang, il suffisait de ne pas encourager un mouvement revendiquant la terreur comme pratique politique et objectif. »

Par ailleurs, en contrant la chimère intégriste, on privait le pouvoir d’un alibi qui lui permettait de se poser comme un recours ou, en tout cas, un moindre mal. M. Addi sait tout cela mais l’opinion qu’il se fait de lui-même lui interdit tout sens critique alors que d’autres universitaires, autrement plus connus, ont su prendre le recul nécessaire devant un drame qui a, à la fois, ensanglanté un peuple et consolidé un régime à l’origine de la crise.

Mais comment débattre avec un individu qui estime ne pas devoir, par principe, répondre aux arguments de l’autre ?

- Quid de la primauté de la loi légitime et comment dissoudre l’intégrisme dans la démocratie ?

- Pourquoi préfacer un livre qui a contribué à brouiller la visibilité de la scène algérienne dans une période où des jeunes disparaissaient chaque jour ? M. Addi savait que ce livre avait attribué des « unes » factices aux quotidiens algériens pour faire diversion sur la responsabilité des crimes collectifs.

Quand l’égo étouffe la raison

Comment débattre lorsqu’un universitaire qui a construit sa carrière à l’époque du parti unique sans avoir jamais élevé la voix contre tant et tant d’abus se pose aujourd’hui, sans vergogne, comme étalon de la vertu et de la rigueur intellectuelle ?

M. Addi ne se fixe aucune limite dans l’indécence. En accusant Noreddine Aït Hamouda, puisque c’est de lui qu’il s’agit, d’avoir mis à l’abri sa famille au Club-des-Pins, il a sauté un pas que même les adversaires les plus cyniques du fils du colonel Amirouche n’ont pas osé franchir. N. Aït Hamouda ne l’a jamais dit, je prendrai la responsabilité de le révéler.

Pendant que M. Addi « analysait » et désinformait, Aït Hamouda a régulièrement participé à la protection des citoyens de la région qui l’ont élu. C’est à l’occasion de l’une de ses gardes qu’il fut blessé par une bombe artisanale.

Quant à moi, je suis avocat et enseignant à l’université de Tizi- Ouzou depuis de nombreuses années. Je vis parmi mes électeurs dans un quartier populaire de la Nouvelle-Ville où je dispose, avec mes collègues députés du RCD, d’une permanence politique. Ma fierté se trouve dans le fait d’appartenir à ce parti et de pouvoir contribuer à l’édification de mon pays, avec abnégation, dénonçant chaque dérive, chaque régression (féconde ou non). Comment débattre avec un homme qui demandait d’être invité par un groupe parlementaire pour délivrer ses vérités et qui, quelques jours plus tard, accuse ce même groupe de servir d’alibi à la dictature ? Cohérence quand tu nous tiens !

Les députés RCD ont été élus démocratiquement. Ils continuent à défendre les mêmes positions que celles que certains des nôtres ont assumées avec courage et dignité dans les prisons et les juridictions du régime au moment où M. Addi gérait sa carrière avant de nous faire la leçon de l’opposition aujourd’hui. Ils n’ont eu de cesse de décrier l’illégitimité qui frappe cette assemblée et la servilité qui sévit en son sein. Ces interventions sont appréciées par les citoyens de toutes les régions d’Algérie qui se les passent sur portable ou Facebook et autres réseaux sociaux. Mais le pire est dans la suite quand notre universitaire, relayant le populisme ambiant, accuse les députés du RCD de faire bombance avec 300 000 DA par mois. M. Addi sait que le groupe parlementaire du RCD a voté contre l’augmentation des mensualités des parlementaires et qu’ils ont demandé que cet argent serve à financer des permanences et des attachés parlementaires.

Il sait aussi que chacun d’entre eux reverse une partie de ses émoluments au parti et que c’est grâce à cela que ses structures fonctionnent. Oui, comment débattre avec M. Addi lui qui regarde si haut et qui agit si bas ? Le livre de Saïd Sadi aura eu un autre mérite : faute d’avoir suscité un débat sur l’histoire, il a fait sortir du bois tous ceux qui, silencieux, complices ou même responsables de la crise qui nous frappe, s’empressent de s’inventer des carrières d’opposants en attaquant ceux qui ont animé le débat public et combattu le binôme pouvoir- islamistes.

Pour l’heure, le RCD, Saïd Sadi à sa tête, travaille au quotidien avec ses concitoyens afin de préserver le présent et de construire l’avenir. Ces dernières semaines, trois initiatives capitales viennent d’être lancées. La réappropriation de l’histoire, la structuration d’espaces de rencontres et d’échanges solidaires, la réhabilitation de l’islam populaire. Ces initiatives ont rencontré un intérêt et un soutien populaires malgré les entraves claniques. Ces thématiques sont d’abord de votre ressort en tant qu’universitaire. En vous fourvoyant dans la politique politicienne, vous en avez oublié votre mission. Pendant que le RCD s’immerge dans la société, M. Addi préfère l’exil et les euros pour mieux «analyser » et nous conseiller. A chacun ses valeurs et ses ambitions.

Les sorties de M. Addi soulignent la crise morale qui frappe certaines de nos élites et confirment que face à la mauvaise foi, l’échange est impossible. C’est toujours cela de pris.

H. S.
*Avocat et député RCD


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MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptyJeu 19 Aoû - 10:56

El-Watan d'aujourd'hui publie une intéressante interview accordée par le général à la retraite Benmaâlem, ancien secrétaire du colonel Amirouche, à propos précisément de la traîtrise dont ce dernier aurait fait fait l'objet.

La voici, telle qu'insérée dans le journal.
***************************************************************************************
Le général Hocine Benmaâlem, ancien secrétaire de Amirouche

« Il est important de savoir qui a trahi Amirouche »

le 19.08.10

Le général-major à la retraite Hocine Benmaâlem, ancien secrétaire du colonel Amirouche, nous livre son témoignage sur le parcours du chef de la Wilaya III. Amirouche était très en colère contre les responsables à l’extérieur qu’il accusait de ne pas s’occuper des Wilayas de l’intérieur.

El-Watan - Comment vous êtes devenu secrétaire du colonel Amirouche ?

Ma première rencontre avec Amirouche remonte au printemps 1956 dans mon village natal : Kalaâ des Beni Abbès. C'était pendant les vacances de Pâques ; j'étais, à ce moment-là lycéen. Je me trouvais dans un magasin avec un ami également lycéen, Benmeni Mahdi, qui est tombé par la suite au champ d'honneur. Amirouche, qui était responsable de la Petite Kabylie, passa accompagné de Krim Belkacem. Ils étaient venus rencontrer la délégation des Aurès conduite par Omar Ben Boulaïd. Le commerçant, qui les a invités à prendre un thé, était au courant de notre intention de rejoindre l'ALN, il dit alors aux deux responsables : «Ces jeunes veulent rejoindre l'ALN.» Ils répondirent tous les deux qu'il n'en était pas question, qu'il fallait que nous continuions nos études, car l'Algérie indépendante aura besoin de nous. Nous étions déçus et nous rejoignîmes notre établissement. Ce n'est qu'après la grève des étudiants, qui a eu lieu quelque temps après, que nous sommes venus le revoir. Il accepta à ce moment-là de nous recruter. Il m'a dit de suivre le chef de secteur. Il a ajouté : «Nous nous reverrons bientôt.» Suivant les instructions reçues, le chef de secteur me présenta à un commissaire politique régional, un ancien militant bien connu dans la région : Si Mohand Akli Naït Kaâbache. Je suis resté avec lui jusqu'au congrès qui s'est tenu à Ouzellaguène. A la fin de la réunion, Amirouche me convoqua et me demanda de l'accompagner à la Wilaya 1 comme secrétaire. Je suis resté avec lui presque une année pendant laquelle je l'ai accompagné aux Aurès et en Tunisie jusqu'au jour où il m'ordonna d'aller faire des études au Moyen-Orient.

J'ai reçu une formation d'officier à l'Académie militaire en Syrie, puis en Egypte. Au moment où j'ai rejoint de nouveau l'ALN en avril 1959, Si Amirouche venait juste de tomber au champ d'honneur. Cela a été un grand choc pour moi et une grande perte pour l'Algérie.

- Certains acteurs de la vie politique et des personnes historiques n'hésitent pas à traiter Amirouche de sanguinaire. Vous qui l'avez côtoyé, pensez-vous qu'il l'était vraiment ?

Je n'accepterai jamais de traiter de la sorte un héros comme Amirouche. Grand chef révolutionnaire et grand patriote sont les qualificatifs qu'on doit lui attribuer.

C'est vrai qu'il y a eu un certain dérapage au cours de l'opération la Bleuite ; des combattants de l'ALN ont été exécutés injustement, mais il faut placer les choses dans le contexte du moment, les conditions de vie étaient très difficiles dans les maquis. Si Amirouche a toujours agi en bon père de famille, des erreurs ont été commises, mais de bonne foi, le but était de sauver la Révolution. C'est lui-même qui déclara au cours d'un discours prononcé devant des milliers de maquisards en novembre 1958 : «On dit que l'Armée de libération nationale commet des injustices. Non, l'ALN ne commet pas d'injustices, elle commet des erreurs.»

C'est facile pour des personnes qui sont aujourd'hui bien installées dans leur fauteuil de traiter Amirouche de sanguinaire. Je suis curieux de savoir ce qu'elles auraient fait, si elles avaient été à sa place à cette époque-là. Ensuite la Bleuite n'est pas une affaire facile à gérer ; c'est une grande opération montée par les services psychologiques de l'armée française dirigés par le général Jacquin et le capitaine Léger. Il faut reconnaître qu'ils l'ont réussie, comme nous, nous avions réussi l'opération l'Oiseau bleu. Pendant la guerre, on gagne des batailles, on en perd d'autres, l'important c'est de gagner la guerre et nous l'avons gagnée. Nous avons vécu ensemble presque un an, Si Amirouche était un homme bon, humain qui aimait et respectait ses frères d'armes. Il s'est toujours comporté comme un bon père de famille. Ceux qui prétendent qu'il était sanguinaire, que Dieu leur pardonne. Ce n'est pas vrai, c'est totalement faux.

- Comment réagissait-il aux exécutions pendant l'affaire de la Bleuite ?

J'étais au Moyen-Orient pendant la période de la Bleuite. Donc je ne peux pas porter de jugement, il y a des personnes ayant vécu ce tragique événement, [qui] ont fait des témoignages. Par contre, je peux dire, connaissant parfaitement l'intéressé, [qu'] Amirouche est incapable de faire du mal à ses compagnons d'armes. C'est vrai qu'il était très dur, mais il l'était tout autant avec lui-même. Et en plus, cette affaire n'était pas gérée directement par lui. Il avait désigné une commission pour cette pénible mission, ceci ne diminue en rien sa responsabilité en tant que premier responsable de la Wilaya. Mais je le répète, des erreurs ont été commises, ce n'était pas dans l'intention de nuire, mais pour servir la Révolution. Pour répondre à votre question, Si Amirouche a certainement vécu dans la douleur cette période, certaines personnes ont déclaré qu'elles l'avaient vu en train de pleurer.

- On reproche aussi à Amirouche d'être un anti-intellectuel. Qu'en était-il réellement ?

Totalement faux. Au contraire, il n'y a pas, à ma connaissance, un responsable qui, comme lui, respectait les gens instruits et encourageait les autres à s'instruire. A notre arrivée à Tunis, il s'était enquis immédiatement de la situation des étudiants algériens qui était lamentable. Il les avaient habillés correctement et leur a assuré par la suite l'hébergement et la nourriture. Que de groupes de jeunes, il a dirigé de l'intérieur du pays vers Tunis pour étudier ; il pensait constamment à la formation des cadres pour l'Algérie indépendante.

- Comment justement voyait-il cette Algérie indépendante ?

Ecoutez, son souci immédiat était l'indépendance du pays. Il fallait d'abord se débarrasser du colonialisme. Il ne pensait qu'à ça. Après, c'est vrai qu'on imaginait tous l'Algérie indépendante comme un véritable paradis. Nous étions des idéalistes.

- Un des moments forts que vous aviez vécu avec le colonel Amirouche, c'est lorsque vous l'aviez accompagné dans les Aurès. Comment s'était déroulée cette mission ?

Les congressistes étaient étonnés que la délégation de la Wilaya I ne soit pas présente, alors qu'une invitation avait été adressée à Si Mostefa Ben Boulaïd. Inquiet de cette absence, il a été décidé la constitution de trois commissions pour se rendre dans la Wilaya I pour s'enquérir de la situation. Zighoud Youcef et Brahim Mezhoudi devraient venir de l'Est, Ouamrane et Si Cherif (Ali Mellah), du Sud, et Amirouche devait rejoindre de l'Ouest. Mais malheureusement, Zighoud, en cours de route, est tombé au champ d'honneur, Ouamrane et Si Cherif étaient retenus par des tâches importantes dans leurs Wilayas respectives (IVe et VIe). Finalement, seul Amirouche, accompagné de son secrétaire, c'est-à-dire moi-même, et le garde du corps, Abdelhamid Mahdi, s'est rendu à la Wilaya 1.

On rencontra près de Bordj Bou Arréridj une délégation dirigée par Omar Ben Boulaïd. Il avait déclaré que celle-ci se rendait pour assister au congrès. Quand Si Amirouche demanda après Si Mostefa, Omar répondit qu'il était tombé au champ d'honneur en mars 1956. Si Amirouche lui reprocha de n'avoir pas donné cette nouvelle quand il est venu au printemps passé en Wilaya III. Il n'a rien trouvé à dire. Ce qui s'était passé en réalité, c'est qu'une guerre de succession s'est déclarée après la disparition de Si Mostefa Ben Boulaïd et Omar Ben Boulaïd était l'un des candidats, c'est pour cela qu'il a caché la mort de son frère quand il est venu à la Wilaya III. Il voulait en fait la caution de Krim Belkacem qui était très respecté par Si Mostefa, au point qu’il demanda à ses collaborateurs de s'adresser à lui au cas où il lui arrivait malheur. D'ailleurs dès qu'il retourna en Wilaya I, Omar déclara que le «Nidam» l'avait désigné à la place de son frère, ce qui aggrava la situation.

Nous avons rencontré également un émissaire d' Adjoul Adjoul qui déclara également qu'il se rendait pour assister au congrès. La quasi-totalité des responsables des Aurès ont très bien accueilli Si Amirouche. Ils ont été très satisfaits des décisions du congrès ; ils l'accompagnèrent au cours de toute la mission. Il ne prenait aucune décision sans demander leur avis ; leur collaboration a été précieuse et a contribué à la réussite de la mission. Si Amirouche et ses accompagnateurs ont sillonné pendant plus de deux mois une bonne partie de la wilaya. Les déplacements étaient quotidiens pour pouvoir contacter les différents responsables, rencontrer les combattants, leur parler pour remonter leur moral, les occuper en leur fixant des missions de combat, contacter la population pour l'encourager et la mobiliser, tenir des réunions, prendre des décisions parfois graves et même risquées.

- Mais il y a eu l'épisode Adjoul Adjoul. Que s'est-il passé ?

Pour connaître la situation, Amirouche tenait à rencontrer tous les responsables, y compris Adjoul. La rencontre avec ce dernier a été cordiale, il s'est montré coopératif lorsque Amirouche lui a demandé de céder le commandement de sa région pour l'accompagner dans les Nememchas et même jusqu'en Tunisie. Il faut souligner qu’Adjoul était un moudjahid de la première heure. Il était l'un des adjoints de Mostefa Ben Boulaïd ; il était lui aussi candidat à la succession de ce dernier. La plupart des responsables rencontrés dans les Aurès l'accusaient d'avoir exécuté Chihani Bachir et d'être aussi à l'origine de l'envoi du poste radio piégé dont l'explosion a provoqué la mort de Mostefa Ben Boulaïd. Malgré cela, Amirouche l'a ménagé et quand les responsables de la région de Ali Nas l'ont refoulé et lui ont interdit de continuer le chemin avec Amirouche, ce dernier, pour le protéger, lui a donné la possibilité de se rendre auprès du CCE. Il lui remit un ordre de mission. Il accepta la proposition et nous nous séparâmes. Quelques jours après, nous le retrouvâmes à Kimel. Il avait complètement changé d'avis et il exigeait de reprendre le commandement de sa région. Amirouche l'invita à une grande réunion qui devait avoir lieu à Sidi Ali, le lendemain. Adjoul arriva, mais on constata qu'il était sur ses gardes. Intrigués par cette attitude suspecte, Amirouche et les autres responsables ont pensé qu’Adjoul allait assassiner tous les responsables présents pendant la nuit. Donc, ils ont décidé, à titre préventif, de l'arrêter et l'envoyer au CCE pour statuer sur son cas. Il n'a jamais été question de l'abattre. Mais, comme il était en état d'extrême vigilance, il riposta, ainsi que ses gardes du corps quand on a voulu l'arrêter. Une fusillade éclata, trois morts étaient à déplorer, lui-même avait été blessé. Il s'est rendu le lendemain à l'armée française.

- Vous avez été contraints d'écourter votre mission dans les Aurès, pourquoi ?

Absolument. On aurait continué notre mission, si nous n'avions pas reçu la nouvelle de la mort du commandant de la Wilaya III, Mohamedi Saïd. Une information qui s'avéra fausse. Mais avant de quitter les Aurès, Amirouche avait donné rendez-vous à tous les responsables auresiens pour une rencontre en Wilaya III. Elle a eu lieu effectivement en décembre 1956 à Moka, près d'Ighil Ali. Si El Haoues était également présent. Entre-temps Amirouche a fait parvenir un rapport sur sa mission au CCE. Suite à cela, il a été chargé de poursuivre son travail pour la partie est de la Wilaya I, dont certains responsables se trouvaient à ce moment-là à Tunis.

- Comment s'est déroulée la mission à Tunis ?

Si Amirouche était accompagné, au cours de cette mission, de moi-même, de deux gardes du corps (Abdelhamid Mehdi et Mouri Tayeb) ainsi que de deux responsables auresiens (Tahar Nouichi et Lamouri Mohamed). Après avoir traversé la Wilaya II avec les différents incidents de parcours, dont les plus importants furent l'encerclement près de Aïn Roua par l'armée française et la bataille de Toumiet près d'El Harrouche, nous avions rencontré les membres du commandement de la Wilaya II près d'El Kol. Après des marches forcées quotidiennes qu'ont connues tous ceux qui ont eu à accompagner Si Amirouche, nous sommes arrivés finalement à Djebel Beni Salah, où nous avions été reçus par Abderrahmane Bensalem qui nous a accompagnés jusqu'à la frontière tunisienne au lieudit Ouechtata, de là, on nous transporta dans des véhicules jusqu'à Souk El Arba, où nous avions été reçus par Amara Bouglez, responsable de la Base de l'Est qui n'était pas reconnue à ce moment-là en tant qu'entité autonome. Nous avons par la suite rejoint Tunis.
Il est à noter que Ali Oubouzar nous a rejoints en cours de route et il a continué la mission avec nous. J'ai été personnellement très satisfait, car immédiatement on s'est très bien entendu. Notre amitié dure jusqu'à maintenant.

Dès notre arrivée à Tunis, Si Amirouche a commencé à activer. Il rendit visite aux responsables de la Wilaya I qui étaient incarcérés dans une caserne tunisienne après l'incident de Monfleury. Il s'agissait de Abbès Laghrour, Cheriet Lazhar, Abdelhaï et autres. Ils ont été entendus sur procès-verbaux par mon ami Ali Oubouzar, puis par moi-même. Les PV ont été remis à Si Amirouche qui s'est attelé aussi à la constitution et l'envoi de groupes d'acheminement d'armes vers la Wilaya III. Il se rendait souvent aux frontières.

Il s'occupa de la situation des étudiants se trouvant à Tunis qui étaient en ce moment-là, du fait de la guerre, abandonnés à leur sort. Il les habilla, leur assura le gîte et le couvert.

Si Amirouche avait une intense activité, il s'occupait de tout ce qui touchait à la Révolution au point où un jour, le commandant de la base de Tunis, le commandant Benaouda, lui écrivit une lettre lui demandant de ne pas s'immiscer dans ce qui relevait de ses prérogatives, Si Amirouche lui répondit que tout ce qui touchait à la Révolution le concernait en lui demandant de faire plus d'efforts pour que les problèmes soient réglés avant qu'ils n'arrivent à lui.

Nous travaillions dans le bureau de l’UGTA dont le responsable était Mouloud Gaïd. Il était situé au siège de l'UGTT, on nous affecta par la suite un bureau, rue Sadikia que nous partagions avec le représentant de la Base de l'Est, Si Rabah Nouar. Un jour, Si Amirouche m'apprit que nous devions nous rendre en mission au Maroc. On nous délivra deux passeports tunisiens qu'il m'a remis pour les garder. Quelque temps après, il me demanda de les lui remettre. Il les ratura, puis il me les remit en me demandant de les remettre à Ouamrane en lui disant qu'on ne se rendra pas au Maroc et que la semaine d'après, il sera en Algérie et c'est ce qu'il fit. Il m'ordonna de me rendre au Moyen-Orient pour étudier. C'était à la fin de la première semaine de juin 1957. Une semaine après, il quitta lui-même Tunis pour l'Algérie.

- Pourquoi, avait-il soupçonné quelque chose ?

Sans doute !

- Au congrès de la Soummam, certains chefs de la Révolution ont minimisé le rôle de Amirouche… Est-ce vrai ?

Qui sont ces certains !

- Ali Kafi qui a dit de Amirouche, en réagissant au livre de Saïd Sadi, qu'il était blâmé par Abane pour avoir abandonné la délégation de l'Ouest à Lakhdaria et que lors de la réunion des colonels dans la Wilaya II en 1958, il «tremblait dans sa djellaba» ?

Amirouche trembler ! Alors il le connaît très mal. Amirouche qui, de l'avis de tout le monde, a fait face aux dizaines de généraux de l'armée française. J'ai vécu pratiquement un an à ses côtés et Dieu sait que nous avions été confrontés pendant cette période à des situations très périlleuses. Je ne l'ai jamais vu trembler, bien au contraire. Et puis on n'a pas le droit de calomnier de la sorte un compagnon d'armes qui est de surcroît tombé au champ d'honneur les armes à la main, c'est une honte de la part d'un haut cadre de la Révolution et de l'Etat algérien, mais Ali Kafi n'est pas à sa première bourde, que Dieu lui pardonne. Amirouche a joué un rôle capital dans la réussite du congrès de la Soummam qui s'est tenu dans la zone qu'il commandait. Les vrais architectes qui ont permis la tenue et la réussite du congrès, ce sont Abane et Ben M’hidi pour ce qui concernait la préparation des documents qui devaient être discutés au cours des réunions, et Amirouche aidé par ses collaborateurs de la zone se sont occupés de la partie la plus difficile : la préparation matérielle et surtout la sécurité dans une zone où les autorités françaises étaient aux aguets, puisqu'elles étaient au courant du déroulement de la réunion grâce à la fameuse mule qui s'est rendue dans un poste militaire français emportant les documents. Amirouche a changé le lieu initial du déroulement, mais le nouveau n'était pas très loin du premier.

- Revenons à la polémique soulevée par le livre de Saïd Sadi, à savoir les circonstances de la mort de Amirouche et de Si El Houès. Il laisse entendre que les colonels étaient livrés par le MALG. Qu'en dites-vous ?

Moi, je ne veux pas entrer dans cette polémique qui a déjà fait couler beaucoup d'encre, mais je vais vous donner mon point de vue personnel sur la question :

-1- L'opération de Djebel Thameur a été déclenchée sur renseignement (rapport du commandant de l'opération au Premier ministre français), ce n'était pas une opération de routine vu le dispositif impressionnant déployé par l'armée française sur tout le couloir que devait traverser Amirouche et Si El Houès. Il reste à savoir, et c'est très important, qui a fourni le renseignement ?

Moi, personnellement, je n'ai pas de preuve formelle que c'est telle ou telle partie qui a fourni le renseignement, ça peut être de l'extérieur comme ça peut être une trahison de l'intérieur (biaâ). On le saura un jour quand on aura accès aux archives de l'armée française.

-2- Si Amirouche était très en colère contre les responsables à l'extérieur qu'il accusait de ne pas s'occuper des Wilayas qu'il jugeait abandonnées à leur sort.

-3- Certains responsables à l'extérieur, y compris certains anciens de la Wilaya III, appréhendaient beaucoup l'arrivée de Si Amirouche à Tunis

- Après l'indépendance, les ossements des deux colonels, Amirouche et Si El Houès, étaient séquestrés dans les sous-sols du ministère de la Défense. Ne trouvez-vous pas ça étrange ?

C'est un comportent inadmissible ! C'est une honte pour le pouvoir algérien. Ça m'a beaucoup choqué lorsque j'ai appris cela en 1983, quand le président Chadli avait décidé de les réhabiliter en leur organisant des funérailles nationales. Bien évidemment, Boumediène en serait le premier responsable, car je ne pense pas que Ahmed Bencherif ait pris la décision tout seul.
Hacen Ouali
El-Watan du 19.08.10


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Hérisson

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MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptySam 28 Aoû - 18:44

Salah Amer-Yahia, président de l'Association des parents d'élèves de la wilaya d'Alger prend le relais pour apporter sa contribution, insérée aujourd'hui dans le Soir d'Algérie, au débat ouvert sur Amirouche.

Comme on le lira intégralement ci-après, Amer-Yahia se dit lui aussi révolté par l'accaparement du pouvoir en 1962 par les comploteurs d'Oujda et par l'hypocrisie de certains prétendument intellectuels qui prennent fait et cause pour ces derniers.
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Nos mythes d’enfance

Par Salah Amer-Yahia*

Quoique l’auteur du livre Amirouche : une vie, deux morts, un testament, Saïd Sadi, ait déclaré ne pas s’être adonné à l’écriture de l’histoire, force est de reconnaître que son œuvre littéraire a ouvert le débat sur l’histoire contemporaine de l’Algérie, notamment celle de la guerre d’Indépendance, et ce, à la veille de la commémoration du cinquantenaire du départ du colonisateur français. L’auteur, connu comme acteur avant-gardiste pour ne pas dire maquisard de la scène politique de l’Algérie indépendante, ne laisse pas indifférent.

Il a réussi à faire délier les langues, voire casser tabous et amnésie. Or, le mal est profond chez nos démagogues plus préoccupés par leurs histoires personnelles que par le respect de ceux qui se sont sacrifiés. On en veut comme preuve cet acharnement aveugle à vouloir déjuger de la qualité des témoignages de compagnons encore en vie d’un de nos héros de la guerre de Libération nationale, MM. Rachid Adjaoud, Djoudi Attoumi, Hamou Amirouche, Mohand Sabkhi, le général Benmaâlem et bien d’autres, pour brandir et préférer les récits de mercenaires de l’armée coloniale ou d’intrigants comme Fethi Dib.

Ce dernier, officier des renseignements égyptiens qui avait en charge le dossier Algérie durant la guerre de Libération, vient d’être cité dans El-Khabar Hebdo n°597 dans une contribution de M. Djermane sur ces évènements en débat, notamment le congrès de la Soummam. Comment peut-on arriver à donner du crédit aux mémoires d’un officier des renseignements d’un pays étranger dont le chef, Djamel Abdel Nasser, était politiquement intéressé par l’évolution et l’issue de cette guerre de Libération et mettre de côté, et en doute, les témoignages d’acteurs et cadres de cette guerre qui se trouvaient dans la Wilaya III historique où s’est tenu ce congrès de la Soummam ?

Bien qu’avant que cette lecture orientaliste de la guerre de Libération nationale, et en langue arabe, ne commence à s’étaler dans des quotidiens nationaux sûrement à cause des retombées du match Égypte-Algérie, d’autres polémistes se sont échinés à diaboliser le chahid Amirouche en reprenant à leur compte les écrits, et en français, de mercenaires de l’épée et maintenant de la plume, hantés par le Lion du Djurdjura.

La chute de la IVe République française

Les contradicteurs du livre sur Amirouche parlent de purges, d’épurations, de bleuite dans la Wilaya III avant que ce chef ne tombe dans un traquenard le 28 mars 1959, les armes à la main, à côté de ses compagnons. Or, l’épisode, qui donne des insomnies à ces contradicteurs et rend la Wilaya III douteuse à leurs yeux, est curieusement celui riche en évènements importants de la Révolution algérienne mais fatidiques pour la IVe République française.

On n’en citera que deux, auxquels se sont intéressés les pouvoirs français et égyptien. L’opération «L’oiseau bleu» pensée par le gouverneur général Jacques Soustelle, mise en œuvre par des généraux de l’empire colonial (Lorillot, Spillman, Beaufre…) et par laquelle les services secrets de la IVe République française ont armé et équipé des centaines de moudjahiddine en Wilaya III, croyant avoir monté un troisième maquis à côté de celui du MNA de Messali Hadj pour contrer celui du FLN dirigé par Krim Belkacem.

La deuxième œuvre, monumentale, fut l’organisation dans la vallée de la Soummam, devenue le centre de gravité de la guerre de Libération, du premier congrès de la Révolution algérienne vingt mois après son déclenchement. Quid de la mission réussie du colonel Amirouche en Wilaya I pour mettre fin aux dissensions et liquidations fratricides qui minaient cette Wilaya et la Révolution après l’assassinat de Mustapha Ben Boulaïd.

Tous les griefs soulevés contre la wilaya III tournent autour de ces deux importants faits historiques. Le premier est militaire. Un département de contre-espionnage d’une grande puissance mondiale se fait ridiculiser par des maquisards. Le second est politique. Il a sonné le glas du colonialisme en posant les assises d’un Etat démocratique et social tout en contrecarrant les visées hégémoniques du nassérisme et de l’intégrisme religieux. Les acteurs du Congrès de la Soummam furent froidement assassinés : Larbi Ben M’hidi par le sinistre Aussaresses, Ramdane Abane par son compagnon Boussouf après avoir été mis en minorité par le CNRA éclaté d’août 1957 du Caire. D’autres liquidations de cadres de la Révolution survenues après ce congrès apparaissent au grand jour. Elles étaient et sont revendiquées et présentées comme un danger pour le devenir de cette Révolution par ceux qui ont fini par prendre le pouvoir avant et surtout après l’indépendance. Le cynisme qui entoure et accompagne l’assassinat de Abane Ramdane, l’exécution d’officiers supérieurs de la base de l’Est en novembre 1958 préludent d’évènements que l’entendement humain accepte difficilement. Pour le commun des mortels, les colonels El-Houès et Amirouche furent victimes de trahison en allant à la rencontre de ceux qui ont assumé ces crimes. Par contre, ce commun des mortels n’arrive pas à admettre que leurs corps soient déterrés de la terre qu’ils ont arrosée de leur sang pour être séquestrés durant plus de vingt ans dans les locaux à archives d’une institution de cette République, fruit de leurs sacrifices. Un acte que M. Ali Kafi qualifie à juste titre de crime impardonnable.

Un seul héros, le peuple

Ce déterrement et cette séquestration des dépouilles des colonels Amirouche et El- Haouès ont été faits au lendemain de la restauration de l’Etat national sur ordre de Houari Boumediene selon les confessions de M. Bencherif. Le président de le République algérienne de l’époque n’a toujours pas réagi à ce crime impardonnable commis sous son autorité et probablement à son insu. Cet impardonnable crime est l’œuvre d’un homme qui s’est placé au-dessus de l’Etat, du peuple et de la Révolution. Le colonel de la Wilaya II et homme d’Etat lui endosse les dérives qu’a vécues et que connaît l’Algérie. Il nous apprend qu’il est arrivé du Caire au QG de la Wilaya V installé au Maroc pour devenir colonel de l’ALN sans tirer une balle dans les maquis de l’intérieur. Cette ascension fulgurante s’oppose et remet en cause son patriotisme et son nationalisme. Son règne sans partage fut bâti sur le prestige d’une révolution et l’héroïsme d’un peuple. Un vrai chèque en blanc que cet adepte de Staline s’est empressé de dilapider par les assassinats d’historiques en terre étrangère comme Krim Belkacem, Mohamed Khider… et aussi l’implosion de son système de pouvoir autocratique dès sa mise en terre.

Mythe et réalité

L’auteur de Sans tabous, sans injures, sans soupçons, Yacine Teguia, paru dans le Soir d’Algérie, se réfère à l’historien anglais Eric Hobsbawm pour classer dans la série mythologie historique cette libre contribution du Docteur Saïd Sadi sur la guerre d’indépendance. Il s’émeut que l’auteur d’ Amirouche : une vie, deux morts, un testament réponde aux critiques soulevées par le colonel de la Wilaya II historique et fait l’impasse sur celles d’acteurs politiques comme Louisa Hanoune. Peut-on mettre sur un même piédestal dans ce débat sur l’histoire un acteur de la Révolution de surcroît homme d’Etat avec un chef de parti ? La sortie de M. Ali Kafi a enrichi le débat sur l’histoire contemporaine du pays. Il a fait réagir les historiens en les accusant d’avoir créé le vide en le domaine au point qu’un psychiatre s’en saisisse.

Durant la guerre de Libération, Amirouche était notre mythe, notre idole.

La réalité apparaît tout autre surtout cinquante après sa mort au champ d’honneur. L’hommage que lui rend Saïd Sadi n’est que devoir et justice dans l’attente de voir d’autres travaux de réhabilitation de tous nos héros, victimes de l’oubli et, des fois, d’atteinte à leur mémoire. Un exemple vivant vient de nous être révélé par le quotidien El-Watan du 8 juillet 2010 en la personne de Si Larbi Addou, chef du commando Djamel de la Wilaya IV en mission en Wilaya VI, blessé dans la fameuse bataille de Djebel Thameur et qui a vécu avec une retraite de jardinier de l’Ecole interarmes de Cherchell. Loin d’être un mythe, Si Larbi Addou vient d’être réhabilité dans sa qualité de cadre supérieur de la Révolution.

La crédibilité de toute œuvre se mesure à l’intérêt que lui accorde celui qui la reçoit, en l’occurrence le lecteur, le citoyen. Dans le domaine de l’histoire comme dans l’éducation, les gestionnaires de la communication et de l’information ont privilégié l’amnésie développée à coups d’interdits et de falsifications de la réalité historique, ancienne et contemporaine. A vouloir verser dans la culpabilisation de l’oppresseur, l’héroïsme de tous les acteurs, illustres ou inconnus, a été effacé des livres d’histoire enseignée à nos enfants. Des images difficilement soutenables sont préférées à celles de nos mythes d’enfance, à leur courage devenu légendaire. Pis encore, certains intervenants versent dans l’apologie de l’oppresseur, des tortionnaires dans leur aveuglement à vouloir attenter à ces héros qui ont mis fin à l’ère coloniale. Serait-ce l’apologie de l’oppresseur qui serait visé, son invincibilité comme s’entêtent certains intervenants, entre autres Ali Mebroukine, à profaner la mémoire d’Amirouche et de ses compagnons ?

Ecriture de l’histoire

Les levées de boucliers et surtout les attaques lancées contre le docteur Saïd Sadi suite à la publication de son dernier livre Amirouche : une vie, deux morts, un testament nous renvoient à la lecture et à l’écriture de notre histoire nationale. Nos initiatives de faire intéresser nos enfants à cette histoire à une époque où tous les symboles de l’État algérien étaient déclarés taghout avaient été perçues comme des empiètements dans des espaces privés par des organisations locales, communales et de wilaya. Nos enfants ont été privés de leur passé, de leur identité. Lors d’un inter-lycées organisé par la défunte RTA entre deux établissements secondaires, Tébessa et Tlemcen, les potaches répondaient qu’il n’y avait personne à la question de savoir le nom du plus grand écrivain algérien avant l’islam. La réponse était bien sûr Saint Augustin. Cette amnésie sur notre histoire et par conséquent notre personnalité expliquerait-elle cet acharnement contre nos héros ? Sommes-nous condamnés à n’entrevoir d’avenir à l’écriture de notre histoire nationale que pensé par des historiens étrangers ? Aujourd’hui, celui dont tout un chacun est en droit d’être fier pour sa guerre contre Rome a été écrit par Salluste, un siècle après sa mort. Personne n’a émis de doute sur cet écrit d’un descendant de ceux qui l’ont assassiné à Rome. Pour avoir écrit sur nos ancêtres, Ibn Khaldoun n’a échappé à l’oubli que par l’intéressement d’orientalistes.

Un demi-siècle après et en commémoration des manifestations de décembre 1960 alors que l’Algérie ne sait pas encore quoi faire de ses cadres qu’elle exporte gratuitement, nos héros attendent de nous que la vérité soit écrite et dite à nos enfants, à nos petits-enfants, à la postérité.

Une manière élégante de faire le procès post mortem du colonialisme qui veut rééditer son opération politique de charme de l’année 1960 en octroyant les indépendances aux autres colonies pour imposer aux Algériens la paix des cimetières.
S. A.-Y.
* Président de l’Union des parents d’élèves de la wilaya d’Alger
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Ouchen

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Polémique autour d'Amirouche - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptyMar 31 Aoû - 11:48

Un nouveau papier de Saïd Sadi, qui répond à l'ensemble des intervenants ayant apporté quelque commentaire à propos de son livre, a été publié ce matin dans Le Soir d'Algérie.

Le voici, tel qu'inséré dans cette publication.

*******************************************************************************************
Saïd Sadi répond à ses détracteurs

Par Saïd Sadi

La saison estivale n’aura que très modérément réduit les irruptions médiatiques engendrées par la publication du livre Amirouche, une vie, deux morts, un testament. Si l’on veut être optimiste, on peut en conclure que la profusion des interventions témoigne de la soif des Algériens de comprendre un passé dont ils ont été dépossédés et par lequel on les a soumis. Si l’on s’en tient à la nature de la grande majorité des productions, force est de constater que la plupart des auteurs se sont saisis de la parution du livre qui pour régler des comptes, qui pour jeter l’anathème sur mon initiative en vue de maintenir, d’une manière ou d’une autre, la chape de plomb sur la mémoire algérienne. Il est pourtant utile de reprendre quelques-unes des dernières sorties car, si elles ne traitent pas de l’objet auquel invite l’ouvrage, elles dévoilent des ressentiments ou des insinuations voire, pour certaines, des aveux qui sont autant d’indices sur l’état de santé morale et politique d’une partie de notre société.

J’ai retenu trois commentaires et deux réactions de quotidiens dont l’analyse constitue un éclairage de l’état d’esprit qui anime certaines de nos élites : il s’agit de la querelle lancée par M. Addi Lahouari autour du contrat de Rome, de la plaidoirie de M. Téguia sur le bilan de Boumediène et, par extension, de ses soutiens, de la montée au créneau d’un professeur de médecine à Oran, M. Farouk Mohamed-Brahim et, enfin, des positions des journaux Ech Chourouk et le Quotidien d’Oran.

Le boumediénisme monomaniaque de M. Mabroukine n’est pas, en dépit des apparences, ce qu’il y a de plus ubuesque dans cette effervescence politicomédiatique. En déclarant que l’homme du 19 juin était trop grand pour le peuple algérien, qu’il était fondé à se doter d’une armée des frontières pour s’imposer dans l’après-guerre et que cette armée était plus légitime que le GPRA dont elle était supposée dépendre, en décrétant qu’il n’a commis ni coup d’Etat, ni crime, ni abus et que Bencherif a séquestré les dépouilles des colonels Amirouche et Haouès à l’insu de son idole, M. Mabroukine s’inscrit dans une démarche irrationnelle qui n’a pas lieu d’être appréhendée dans un débat politique.

La rancœur comme raison de vivre

Plus problématique est l’intervention de M. Téguia. Massive et compulsive comme le sont souvent les sorties des néocommunistes algériens, l’écrit porte la marque d’un stalinisme «spécifique » qui cumule confusion calculée, brutalité et rancœur. Ceux qui ont trouvé la force de suivre le feuilleton de M. Téguia en furent pour leurs frais. Beaucoup s’interrogent encore sur ses motivations, le sens de son message et ses objectifs.

Pour avoir croisé les derniers adeptes du rêve communiste en Algérie, je crois faire partie de ceux qui peuvent encore prétendre décrypter un refoulé qui se révèle épisodiquement chez ces nostalgiques dans des incursions qui prennent prétexte sur ce que disent ou font les autres pour éviter d’avoir à se retourner sur leur passé.

Ils ne revendiquent pas, en tout cas ils ne l’assument pas clairement, l’héritage du Parti communiste algérien sur lequel je reviendrai. Véritables autostoppeurs de l’Histoire (il n’y a rien de péjoratif dans mon propos), ils vivent d’occasions que peut offrir l’activité d’un parti ou l’initiative d’un responsable (de préférence de l’opposition démocratique) pour se manifester, juger et, surtout, tenter de faire passer un discours qui ne trouve, par ailleurs, ni opportunité pour se déclarer, ni auditeurs pour s’y intéresser. Nous allons voir par la suite par quels procédés ils opèrent. Mais essayons d’abord de saisir quelles sont les principales idées que M. Téguia a voulu distiller.

1er) Il n’y a pas de place pour la critique ni même l’évaluation du bilan de Boumediène qui n’a commis, nous apprend M. Téguia, que de «minuscules erreurs». Exit les putschs, les assassinats, la corruption d’Etat, encouragée dès lors que le prédateur renonçait à l’action politique, ignorées les fraudes électorales…

2e) L’Algérie qui n’a pas su être digne du MDS, du CCDR et de l’artifice des arouchs paiera chèrement une telle désinvolture.

3e) La solution à la crise algérienne est simple. Il suffit de concevoir un bon mercato politique qui ferait de l’armée une équipe multipartisane où le MDS trouverait une place, fût-ce sur le banc des remplaçants, pour que, du jour au lendemain, notre destin s’accomplisse enfin.

4e) Celui qui a privé la nation de toutes ces lumineuses trouvailles n’est autre que le RCD qui n’a pas su apprécier ni voulu appliquer des préceptes aussi miraculeux.

Fort heureusement pour les forces progressistes algériennes, il est arrivé, dans le passé, au mouvement communiste d’avoir des idées et des propositions un peu moins fantaisistes.

Analysons maintenant la méthode utilisée pour se poser a priori comme un simple débatteur concerné par un livre sur l’histoire contemporaine de notre pays avant de dériver vers une rumination célébrant son propre panégyrique par la disqualification de l’autre. En se démarquant des attaques des agents du MALG, de trois historiens, de M. Addi Lahouari, de M. Kafi ou des autres hussards de la plume dérangés par le fantôme d’Amirouche, M. Téguia, quoi qu’il prétende au départ, ne leur reproche ni leur sectarisme, ni leur volonté de garder leur monopole sur l’histoire ni même leur antikabylisme. En vérité, il leur en veut de l’avoir précédé dans la besogne et, accessoirement, d’avoir été par trop maladroits dans la charge. Avant lui et sur un autre registre, nous nous souvenons tous de la sortie de M. Belaïd Abdeslam, revenu comme chef du gouvernement, et qui, voulant neutraliser l’intégrisme dans les années 1990, déclarait : c’est nous qui réaliserons la charia. Le problème n’était donc pas le risque que faisait peser sur le pays la théocratie, dénoncée explicitement par le Congrès de la Soummam dont il se réclamait, mais de ne pas être devancé dans la mise en œuvre du chantier. En l’occurrence, il eût fallu selon M. Téguia, le laisser, lui, le néocommuniste, travailler l’affaire avec une approche « rigoureusement scientifique » avertit-il. En effet, il reprend à son compte tous les arguments de ses prédécesseurs en les agrémentant de citations d’auteurs et d’acteurs systématiquement tronquées ou isolées de leur contexte, allant jusqu’à nous suggérer que Ben M’hidi était, en fait, un communiste qui s’ignorait.

La confusion comme méthode

En déplorant le fait que pas un intellectuel, pas un artiste, pas un dirigeant politique, pas un homme de religion n’ait condamné la séquestration des ossements d’Amirouche et de Haouès, ce qui, au fond, est au cœur de mon livre, je ne faisais rien d’autre que d’énoncer une évidence tout en estimant qu’une telle démission ne pouvait pas être signifiante d’une santé politique qui protège les sociétés des pires régressions. M. Téguia qui ne nie pas le fait se saisit de mon appréhension pour entamer un interminable monologue où il se pose des questions, donne ses réponses et, quand il n’en a pas assez, s’invente des sénarii pour assouvir ses fantasmes. A sa décharge, M. Addi Lahouari ne fait rien d’autre en refusant de répondre aux sujets sur lesquels l’avait interpellé le député H. Saheb.

Mon livre recourt, entre autres, à de nombreux témoins pour établir la biographie d’Amirouche. M. Téguia qui ne daigne rencontrer aucun d’entre eux s’interroge sentencieusement : « Qu’est-ce qui nous dit que ces témoins ne nous mentent pas ?» suggère-t-il, avant d’en déduire : « S’ils nous mentent, nous devons savoir pourquoi. » On ne peut qu’admirer le syllogisme. Avant d’être radicalité politique criminelle, le stalinisme assumé est d’abord une déviance intellectuelle. Je ne résiste pas à l’envie de rapporter ce témoignage de Soljenitsyne où M. Téguia pourrait se reconnaître même si, on l’imagine sans peine, les ouvrages de l’auteur de L’Archipel du Goulag ne figurent pas parmi ses lectures préférées. Un juge de l’Union soviétique s’adressant à un citoyen soupçonné d’anticommunisme déclare : « Nous n’avons pas de preuves contre vous. Si nous ne les avons pas trouvées c’est que vous les avez cachées. Si vous les avez cachées c’est que vous êtes coupable.»

Connaissant de longue date le conditionnement de nos intellectuels organiques, j’ai veillé, et je l’ai annoncé dans l’avertissement de mon livre, que je n’ai gardé que les témoignages des personnes encore en vie. Au lieu de se rapprocher de ces acteurs pour vérifier la teneur de leur propos, M. Téguia s’occupe de savoir pourquoi ils nous mentent ! Plus de trois cents titres de la presse couvrant la période 1950-1959 consultés, des documents inédits accablant ses mentors n’ont pas ébranlé un seul instant un Téguia muré dans ses certitudes et qui décide que le livre est insuffisamment documenté ! « Qu’est-ce qui nous garantit, assène-t-il, que ces documents ne sont pas des faux ?» Il suffisait pourtant d’aller aux sources où ils sont toujours disponibles. Trop simple. Le but n’est ni de vérifier, ni de compléter une information. Il s’agit de fausser le débat pour délivrer son message.

Bardé de son lexique de citations, M. Téguia nous explique qu’il est « scientifiquement » inexact d’accuser de quoi que ce soit Boussouf et Boumediène car devant la marche de l’histoire, qu’en bon marxiste il nous invite à appréhender dans la globalité, la responsabilité des individus n’a pas lieu d’être évoquée. Outre qu’un tel prisme réduit la vision marxiste des choses, M. Téguia ne se gêne pas pour tordre le cou à son sacro-saint principe quand il faut se faire plaisir. Dans la foulée du livre sur Amirouche, M. Djeghaba, ancien responsable du FLN, ayant soutenu le devoir de tout Algérien de témoigner, se fait reprendre sèchement par notre critique qui lui impute le « funeste article 120 » sommant, on s’en souvient, les militants communistes d’adhérer au FLN s’il voulaient postuler à des postes de direction. Quand les camarades sont touchés, la responsabilité personnelle, au demeurant toute relative de M. Djeghaba à l’époque, est dénoncée sans nuance et au diable « la marche de l’histoire » qui entraîne les individus au-delà de leur volonté.

M. Djeghaba, qui a eu l’honnêteté de dire avoir pris du recul sur la vie politique algérienne et même sur son propre parcours, a estimé que la restitution du FLN à la mémoire collective lui apparaissait comme un premier pas pour l’établissement d’une vie publique crédible et apaisée.

Beaucoup d’Algériens, parmi lesquels le président Boudiaf auquel s’agrippe M. Téguia, ont dit la même chose que M. Djeghaba. Mais ce dernier a commis l’irréparable. Il a osé soutenir que le citoyen que j’étais avait le droit et même le devoir de parler. Or, pour notre néocommuniste, l’histoire n’est pas un espace commun soumis à éclairage et débat ; c’est un levier que l’on actionne pour essayer de faire basculer des situations contraires.

Et les droits et devoirs ne sont énoncés et octroyés que par les détenteurs autoproclamés de la « pensée scientifique ». On observera au passage que ledit article 120 ne fut déclaré « funeste » qu’à partir du moment où il mettait au pas les communistes. Jusque-là, les adhérents du PRS, du FFS, du MDRA et, plus tard, du MCB étaient marginalisés et broyés sans que les « compagnons de route » du FLN n’aient rien trouvé à redire.

Stalinisme et déni de réalité

Je dois cependant à la vérité de rappeler que d’authentiques communistes avaient, à l’époque, essayé, en vain, d’attirer l’attention de leurs jeunes camarades, récemment convertis, sur une compromission qui était moralement inadmissible et, même, tactiquement dangereuse. Voilà donc Boussouf et Boumediène exonérés de l’étranglement d’Abane, des exécutions des colonels des Aurès, du capitaine Zoubir et du colonel Chabani, des assassinats de Krim Belkacem et de Khider pour ne parler que des crimes les plus connus ; crimes donnés par M. Téguia comme « d’insignifiants détails » justifiés par la « marche de l’histoire ». Parallèlement, M. Djeghaba est cloué au pilori en tant qu’auteur de l’article 120. J’insiste à dessein sur le propos de M. Téguia car, plus que d’autres, il montre comment, même à froid, la rancœur et l’aveuglement politiques peuvent amener un homme à couvrir, voire justifier le crime. Il convient de dire, cependant, que cet écrit n’est pas le plus péjoratif pour ce qui est de l’avenir national ; je dirai plus loin pourquoi et reviendrai sur les signaux, les plus dangereux pour la perspective algérienne, apparus dans cette tornade. Je sais que je n’arriverai pas à amener M. Téguia à prendre de la distance par rapport à tout ce qu’il revendique, explicitement ou implicitement, de l’époque de Boumediène. Mais qu’il accepte seulement d’entendre lui, le féru de citations ampoulées, ces propos d’un Algérien mort pour avoir voulu vivre en tant qu’intellectuel rigoureux et autonome. C’était pendant l’été 1992. Le pays était sous le choc de l’assassinat du président Boudiaf. Nous étions attablés à quatre sur une terrasse d’un café d’Azzefoun. Il y avait avec nous le comédien Fellag qui n’avait pas encore atteint la notoriété internationale qu’on lui connaît aujourd’hui et nous devisions sur ce qui avait pu mener un pays comme l’Algérie à un tel cataclysme. Puis à un moment, de sa voix douce et mesurée, Tahar Djaout, puisque c’est de lui dont il s’agit, resté longtemps silencieux, lâcha : « On peut prendre l’affaire sous tous les angles, on arrivera à la même conclusion : c’est Boumediène qui a miné le terrain. Dans les pays liberticides quand l’école est abandonnée à l’intégrisme, la suite est inévitable. » M. Téguia pourra vérifier ce témoignage auprès de Fellag ou de la quatrième personne, A. T., un enseignant, aujourd’hui conseiller au ministère de l’Education. Mais n’étant pas de sa secte politique, Tahar Djaout, naturellement, ne saurait avoir un avis «scientifique».

Sûr de son fait, M. Téguia me fait le reproche d’avoir rapporté en quoi et comment Bourguiba avait pris ses distances avec un Nasser hégémonique, préférant inscrire sa réflexion et son action dans un cadre nord-africain qu’il savait plus homogène historiquement et, estimait-il, plus fiable politiquement.

Là encore, M. Téguia ne nie pas les faits. Il m’interdit de les analyser, moi «le social-démocrate, anti-soviétique et antiarabe » vendu aux Américains. Je vais vous aider dans vos récriminations M. Téguia : Bourguiba, en dépit de sa fin de règne délétère, était un homme d’Etat et Boumèdiene —aujourd’hui, même ceux qui l’ont suivi et redouté le confessent — ne fut qu’un homme de pouvoir. J’ai essayé de démontrer dans mon livre en quoi les deux statuts étaient différents et même opposables. Pendant que Boumediène préparait l’armée des frontières pour soumettre le pays après l’indépendance, Bourguiba pensait à l’école et au statut de la femme.

Communisme algérien : un patrimoine à préserver

Nous ne cultivons pas les mêmes valeurs, nous ne partageons pas les mêmes opinions, nous n’avons pas le même vécu et n’aspirons pas au même avenir. Vous me reprochez de vouloir «moraliser la politique». Je plaide coupable. Défendez vos idées et acceptez que j’en fasse autant. En quoi de consacrer l’essentiel de votre énergie à vitupérer contre les uns et les autres ferait-il avancer vos positions dans le pays. Comment osez-vous, aujourd’hui encore, essayer de vous convaincre que «le réalisme du RCD l’a souvent amené à rejoindre, en retard, les solutions utopistes du MDS et du courant qu’il incarne.» Quand un acteur politique en vient à se mentir à lui-même aussi effrontément, c’est qu’il a quitté le royaume de la raison. Au moment où le RCD et «le courant qu’il incarne» se battait pour le pluralisme politique, vous faisiez partie de ceux qui disaient que le multipartisme était «une manœuvre de la réaction qui menace la révolution». Quand nous étions licenciés, emprisonnés et torturés pour avoir dit que l’honneur de notre pays c’était d’assumer son identité pleine et entière, vous demandiez «un châtiment exemplaire contre les diviseurs de la nation, réactionnaires et alliés de l’impérialisme». Quand nous revendiquions la laïcité comme unique bouclier contre la dérive intégriste, vous nous dénonciez en tant que provocateurs qui n’ont pas compris que le FIS «exprimait l’Islam des pauvres».

Il n’y a pas de plaisir à le dire mais il faut chercher longtemps dans le catalogue politique algérien pour trouver un parti qui s’est autant fourvoyé. En politique, le problème n’est pas dans l’erreur, il est dans l’égarement. Fort heureusement, les militants et les cadres de l’ex-Pags ont, pour leur grande majorité, tiré des enseignements plus lucides de leur expérience. Aujourd’hui, le dialogue avec eux est intelligible, loyal et fécond.

Auparavant, j’avais eu le plaisir d’avoir rencontré des Algériens, militants communistes convaincus et assumés, dont le back-ground s’exprimait par autre chose que les raccourcis, les déclamations sentencieuses et autres chimères auxquelles s’abreuve M. Téguia. Ils ont pour nom Bachir Hadj Ali, Abdelhamid Benzine ou Sadek Hadjeres. Ils ont lutté courageusement contre le colonialisme et souffert de l’intolérance de leurs frères.

Ils furent à l’origine de belles réalisations comme Alger républicain. Ils eurent un comportement digne et surent, la mort dans l’âme, admettre les limites de leur engagement et de l’impact de leur doctrine en Algérie. Pour autant, ils n’ont jamais cédé à la rancœur qui vous envahit, M. Téguia. Dignes et humbles, ils ont demandé, souvent en vain, à exister et être entendus. Ils ont fait l’inverse de ce que vous commettez : vouloir se consoler en accablant les autres de ses échecs. La longue diatribe de M. Téguia a pourtant un mérite. L’histoire du communisme en Algérie doit être écrite par celles et ceux qui y ont cru et s’y sont donnés avec dévouement et sincérité. Faute de quoi, elle risque de connaître le sort de l’histoire nationale en général : être confisquée par des néophytes, voire des charlatans, privant le pays d’une partie de sa mémoire politique. Il y a quelques années de cela, je rencontrai Sadek Hadjres en France. Il m’a affirmé vouloir s’employer à écrire ses mémoires et même continuer à donner son avis sur l’évolution nationale. J’espère que la santé ne le trahira pas avant qu’il ait accompli cette ultime et belle tâche.

Aveuglement suicidaire

Opposées en apparence, les attaques de M. Addi Lahouari et celles de M. Téguia sont intellectuellement symétriques. Le premier me dénonce pour ne pas m’être rallié à Sant’Egidio, le second me condamne sans appel pour avoir gâché sa jubilation devant le bilan de Boumediène. M. Addi nous explique que la connaissance de notre peuple est directement proportionnelle à la distance qui vous sépare de lui : plus on s’en éloigne, mieux on le comprend ; M. Téguia annonce que plus on échoue plus on a raison. Tout cela, après la publication d’un livre sur Amirouche ! Dire qu’un autre chemin est possible et refuser d’hiberner dans des niches vécues, à un moment ou un autre de notre histoire ( contrat de Rome pour l’un et charte nationale pour l’autre ), comme «une option irréversible» est en soi inadmissible pour les deux «scientifiques».

L’aventure romaine et le pouvoir de Boumediène relèvent déjà du jugement de l’Histoire. Essayer de justifier son engagement pour l’un ou l’autre de ces sujets peut s’entendre. En maquiller les méfaits relèverait d’un jeu compréhensible. Vouloir interdire aux autres, en 2010, d’émettre leur opinion sur ces deux dossiers a quelque chose de pathétique.

Salafisme d’Etat

N’avoir que le RCD à cibler après la publication d’un livre sur le colonel Amirouche témoigne d’une rupture d’intelligence. Au même moment, un débat vital s’engage dans nos villages pour réhabiliter une vie religieuse faite de tolérance et d’humilité et délivrer la collectivité d’un salafisme négateur de l’homme, de la nation et de la patrie. Comme d’habitude, il faudra attendre encore quelques années de lutte avant de voir MM. Téguia et Addi Lahouari découvrir les vertus de l’Islam populaire et se poser ensuite en avant-gardes des grandes luttes engageant les questions sociétales.

La précipitation des évènements à Aghribs — qui n’est pas sans liaisons avec la sortie du livre — où dix-sept (17) activistes, puissamment financés d’on ne sait où, ont voulu imposer à 3 500 citoyens une caserne salafiste, a finalement révélé, que pour la seule Kabylie, plus de 110 villages vivent la même provocation. Des informations crédibles font état d’incursions identiques aux Aurès. Il est fort probable que d’autres contrées d’Algérie sont touchées à des degrés divers.

Fort de l’expérience de leurs concitoyens d’Aghribs, les hameaux se regroupent, se concertent et organisent la riposte. L’internationale islamiste qui, elle, sait qu’elle joue à cette occasion une partie décisive a mobilisé toutes ses structures et annexes : journaux et partis en Algérie et relais à l’étranger où les chaînes satellitaires comme Al Jazeera ont orchestré la désinformation. Mais dans cette affaire, le plus dérangeant est ailleurs. Pendant deux ans, les pouvoirs publics, alertés par pas moins de 78 plaintes, n’ont pas réagi.

Quand on connaît comment, par qui et pourquoi a été créé le journal Ech-Chourouk qui s’abîme dans une propagande digne de l’époque coloniale dans cette opération, on ne peut que vérifier la réalité d’un salafisme d’Etat qui surfe sur les incursions intégristes internationales, s’en accommode, les encourage pour réduire l’influence des partis ou des espaces porteurs d’alternative démocratique, croyant pouvoir intervenir quand les intérêts du pouvoir seront directement menacés.

On sait déjà où nous a menés ce genre de calcul. Une fois de plus, c’est le village, le quartier ou, accessoirement, l’émigration qui anticipent et se battent sur un chantier capital face à une démission de ceux qui sont supposés voir et prévenir les périls.

J’ai eu l’occasion de dire que nous vivons dans un pays où le niveau du citoyen est supérieur à celui du dirigeant. On peut s’en désoler ou s’en réjouir mais l’histoire vient encore de confirmer le constat. Pas un intellectuel, pas une ONG, exception faite du robinet d’eau tiède ouvert par M. Ksentini. (Il m’a cependant certifié au téléphone n’avoir pas tenu les propos que lui a prêtés le quotidien Liberté), n’a cru utile, ne serait-ce que par curiosité, de s’intéresser à ce qui est pourtant un enjeu vital pour le pays ; car ce qui s’est passé à Aghribs n’est que l’infime partie de l’iceberg salafiste.

J’imagine qu’en déplorant ce silence, M. Téguia relancera sa rengaine en me refaisant le procès de celui qui déteste les intellectuels. Une contamination d’Amirouche, sans doute. Si au lieu de ruminer pendant trois mois contre le combat du RCD, MM. Téguia et Addi Lahouari étaient allés sur le terrain pour voir comment vit, agit et réagit leur peuple, ils auraient pu découvrir, analyser et comprendre ce à quoi aspirent leurs concitoyens et ce qui les menace. En l’espace de trois mois, le RCD a mis sur la place publique le traitement de l’histoire dans notre pays, la délicate question des traditions religieuses et de leur place dans la cité et lancé l’idée de la création de sites de partage et d’échange économiques et culturels solidaires pour recréer de la convivialité dans une société rongée par l’arbitraire, la censure et l‘isolement, générateurs de tant de violence et de régression.

L’administration, si laxiste devant les appels au meurtre des salafistes, a tout fait pour empêcher, censurer ou perturber les initiatives du Rassemblement. Quand un parti joue son rôle dans un climat politique où le pouvoir ostracise toute initiative de l’opposition, on est en droit d’attendre de ceux dont c’est la mission d’anticiper et de défricher les chemins par leur audace et leur savoir de ne pas toujours se tromper de cible.

Nation algérienne : un projet hypothéqué

Les égarements si fréquents de nos élites expriment avant tout une impuissance. Il convient de les identifier, de les décoder mais ils ne devraient pas nous préoccuper outre mesure. Ils révèlent la lassitude, le dépit ou l’isolement d’une pensée exilée ou enkystée.

Faute de revendiquer leur rôle de prospecteur des causes et des responsabilités de l’impasse nationale, ils se défaussent sur ceux qui se battent et qui, de toute façon, ne risquent pas de leur nuire. Plus généralement, ils préfèrent se réfugier dans des généalogies éthérées ou des causes consensuelles. Il est plus facile de se définir comme arabe que de s’assumer en tant qu’Algérien et il est plus commode de se positionner autour des dossiers irakiens ou palestiniens que de s’immerger dans la complexité algérienne. Encore que pour ce qui concerne la question palestinienne, leur relation avec le Fatah est de plus en plus ambiguë pour ne pas indisposer le Hamas.

Pendant la crise de Ghaza, je fus le seul responsable à avoir reçu le délégué de l’Autorité palestinienne à Alger et le président Mahmoud Abbas a attendu, en vain, un appel de la présidence algérienne. Cette fuite qui a ses conforts, porte en elle-même ses limites. A qui et à combien peuvent, en effet, parler les diversions polémiques de MM. Addi et Téguia dans une Algérie jeune, fascinée par l’exil et inondée par les chaînes moyenorientales, véritables fléaux pour une Afrique du Nord à la dérive ?

Le traitement de ces deux interventions n’a, en vérité, pas d’autre objectif que de rappeler le déphasage des rares observateurs nationaux qui traitent encore de leur société. Ce prurit intellectuel qui prive le pays de débats à la mesure des enjeux n’est malheureusement pas ce qu’il y a de pire pour l’avenir. Des discours autrement plus toxiques, émanant de cadres qui s’expriment sans contraintes ou des positions de médias créés et/ ou sponsorisés par divers clans du régime posent crument la problématique de la réalité et de la viabilité du projet national algérien.

Il en est ainsi de l’intervention livrée par le Quotidien d’Oran le 5 juin, sous la plume de M. Farouk Mohamed-Brahim, professeur de médecine exerçant dans la capitale de l’Ouest. Son texte est une sorte de concentré des travers de tous les autres. Il se résume à deux choses : un antikabylisme pathologique et une injonction me sommant de rester dans le sillon du combat et de laisser les projections et la gestion du destin algérien à ceux dont le pouvoir est la fonction naturelle.

Le professeur Farouk Mohamed-Brahim me reproche d’avoir trop parlé de la Kabylie en traitant de la Wilaya III ! J’ai, selon lui, aggravé mon cas en donnant des citations en Kabyle dans mon livre; Amirouche, tout le monde le sait, parlant en javanais antique dans sa wilaya. Pire que tout, note mon censeur, il m’est arrivé de parler de «chef kabyle» en nommant le colonel Amirouche. Auparavant, j’avais évoqué le «chef aurésien» s’agissant de Ben Boulaïd, le «responsable constantinois» pour Zighout sans que ces termes n’aient choqué mon honorable confrère. Il y a une terrifiante logique dans cette fixation. Pour M. Farouk Mohamed- Brahim, les mots Kabyle ou Kabylie ne désignent pas un habitant ou une région de son pays.

Chez lui, ces termes n’ont qu’une seule et unique résonance et elle est anti-arabe. Dès lors qu’il s’estime menacé, il doit se défendre et, face à l’ennemi, toutes les «contre-attaques» sont légitimes. C’est bien connu, le racisme le plus grégaire puise sa violence dans la peur de l’autre. Et pour corser le tout, Le quotidien d’Oran qui avait publié une douzaine d’interventions, toutes hostiles au livre, refusa le point de vue d’un journaliste, S. Chekri, qui, ne voulant pas abuser des colonnes de son journal, adressa une réponse où il soulevait les contradictions et les aberrations d’un homme qui officiait comme enseignant hospitalouniversitaire.

Le journal justifia son rejet, arguant qu’il revenait à celui qui avait été ciblé de réagir. On ne saisit pas, selon cette logique, pourquoi M. Farouk Mohamed- Brahim, volant au secours de Ben Bella ou d’autres, avait été publié. Ce titre ne peut pourtant pas être tenu pour un organe fondamentaliste. Mais le code régionaliste crypte les pensées les plus audacieuses.

Et cette donnée, mille et une fois vérifiée, pose une vraie question : que signifie et que représente aujourd’hui, pour ces élites, l’idée de conscience nationale ? De toutes les agressions, de toutes les outrances qui ont suivi mon livre, le contenu de l’écrit de M. Farouk Mohamed- Brahim et les réactions du Quotidien d’Oran et de Ech- Chourouk furent les évènements qui interpellent le plus, s’agissant de notre avenir collectif. Pour ce titre francophone, les courageuses tribunes de Kamel Daoud ne suffisent hélas pas à rattraper les dérives chroniques du journal de l’Ouest algérien.

Les furies récurrentes du quotidien arabophone, qui ne manque jamais de stigmatiser la Kabylie en y amplifiant, et à l’occasion en y inventant, des sujets désignant cette région comme un danger national imminent, participent de cette intime conviction que combattre «le péril kabyle» serait à la fois une urgence, une nécessité et un devoir.

Qu’un jeune Kabyle rompe le carême et c’est l’alerte. Que d’autres jeunes brûlent le Coran ou le drapeau ailleurs, Ech- Chourouk, qui tout d’un coup ne voit plus rien, ne peut s’interroger sur les raisons qui ont poussé des Algériens à se rebeller contre des symboles d’une matrice à laquelle ils rattachent tous leurs malheurs. Et pourtant. Dans un cas, nous avons à faire à un universitaire, dans un autre à deux médias créés avec la bénédiction des «décideurs». Aujourd’hui, il serait irresponsable de continuer à faire l’autruche et d’ignorer que l’idée nationale est sujette à caution.

Une fois de plus la jeunesse

Dans cette avalanche de défoulement et de haine sur fond de conservatisme, il y eut des voix de braves qui se sont élevées. Elles sont, le plus souvent, venues d’hommes qui ont connu et servi sous les ordres du colonel Amirouche. Ils ont parlé pour essayer de dissoudre un demi-siècle d’opprobre déversé sur celui qui les avait protégés, guidés et souvent précédés devant les risques et les privations. Ils ont surtout dit leur douleur et leur indignation face à une forfaiture qu’aucun autre dirigeant algérien — et beaucoup ne furent pas, loin s’en faut, des enfants de chœur — n’a osé commettre : la séquestration des restes de deux héros.

Ces réactions, pour généreuses, dignes et salutaires qu’elles soient, ne furent pas les seules. Les jeunes dont on pouvait estimer qu’ils sont définitivement aliénés par une éducation nationale rétrograde, la censure et la désinformation ont manifesté, dans ce débat, un intérêt, une énergie et une intelligence qui sont à la fois l’espoir de l’Algérie et l’échec le plus patent du régime.

J’ai reçu des mails laborieusement écrits qui appellent à plus de courage, plus de lumière et plus d’échanges.

J’ai discuté avec des jeunes tentés ou revenus de la harga. Ils vivent leur aventure non pas, comme on le dit souvent, une initiative de désespoir mais un refus d’abdiquer et une volonté de vivre dans des normes et des valeurs de leur temps.

Au mois de juillet, j’ai assisté à Tigzirt à deux regroupements rassemblant des étudiants du RCD originaires de 22 universités. Garçons et filles étaient venus pour se rencontrer, se connaître et s’apprécier malgré un enseignement qui les avait enfermés dans le sectarisme, la bigoterie et l’obscurantisme. Quand certains m’ont demandé de leur dédicacer mon livre, j’ai voulu m’enquérir sur leur capacité à lire et comprendre un ouvrage écrit en français, sachant que la plupart de nos étudiants entament leur cursus universitaire sans vraiment maîtriser cette langue.

J’ai appris que des groupes se sont formés en dehors des ateliers pour faire des lectures collectives afin de mieux saisir le sens du récit. Que ces artisans de l’espérance se rassurent, la traduction du livre en arabe devrait être disponible avant le premier novembre.

Pendant que le quotidien Ech- Chourouk et Al Jazeera s’adonnaient aux appels au meurtre contre les «ennemis de Dieu» dans l’affaire de la mosquée d’Aghribs, j’ai vu, dans ce village, 600 jeunes, chômeurs pour la plupart, revêtus d’un t-shirt frappé du nom du saint de leur localité, accueillir et servir le repas de bienvenue à 16 000 fidèles venus des quatre coins du pays assister à l’inauguration de la mosquée restaurée de leurs ancêtres. «C’est notre manière de répondre au journal Ech- Chourouk», criera à la foule Mohand, un commerçant de 26 ans.

Dans la polémique menée par l’internationale islamiste et ses relais algériens après l’inauguration de cette mosquée, ce sont les jeunes qui ont spontanément investi la toile pour dénoncer la désinformation et, images à l’appui, offrir aux observateurs du monde entier la ferveur populaire et l’adhésion de milliers de villageois à l’initiative de réhabilitation de leur culte.

Nous nous rappelons tous de la formidable mobilisation des jeunes dans la rue et sur le net qui a suivi l’agression de l’équipe nationale de football au Caire pendant que le pouvoir et sa diplomatie, escomptant un miracle sportif, s’employaient à conditionner les esprits pour aligner la nation derrière «le petit père des peuples».

C’est bien la jeunesse, segment social le plus ciblé par les instruments de déculturation du régime, qui s’avère y être la plus réfractaire et qui se mobilise pour se tracer des perspectives en dehors et, bien souvent, contre le système. «Mettez la révolution dans la rue et vous la verrez reprise par tout le peuple algérien. »

C’est au moment où tout semblait perdu que, miraculeusement, la prophétie de Ben M’hidi se perpétue à travers le groupe social le plus fragilisé.

De même qu’Amirouche, issu des catégories historiquement déclassées, orphelin et privé de grandes études, s’est avéré être un dirigeant d’exception, il se vérifie, une fois de plus dans l’histoire de notre pays, que ce sont les jeunes, exclus socialement et déclarés inéligibles aux débats, qui ouvrent la voie à l’espoir et… aux élites.

Oui, il y a bien un miracle algérien.
S. S.

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Houhou

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MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptyLun 4 Oct - 11:07

La polémique continue d'enfler, tant les positions différentes des uns et des autres sont loin de se rapprocher.

Aujourd'hui, c'est le communiste Teguia qui répond, toujours à travers le Soir d'Algérie, à ses contradicteurs Saïd Sadi et Lahouari Addi.

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Contribution : Yacine Teguia répond à Lahouari Addi et Saïd Sadi

Par Yacine Teguia*

Avec son livre sur Amirouche, Sadi a tenté un baroud d’honneur. Les jeunes générations et les moudjahidine, désenchantés aussi bien par les luttes de l'été 1962 que par les évolutions actuelles, avaient espéré des réponses à leurs interrogations. Beaucoup resteront frustrés d'une réappropriation sereine de l'Histoire, d'un consensus sur l'identité nationale et d'une critique conséquente du boumédiénisme permettant d'envisager un véritable pacte démocratique.

Pourtant, ils existent ces historiens demeurant des chercheurs sincères et ces authentiques combattants qui bataillent pour réunir une mémoire dispersée, piétinée et instrumentalisée par les pouvoirs successifs. Leurs efforts de transmission demeurent indispensables pour renouer avec l'avenir. Tout en alimentant la polémique, Sadi feint, maintenant, de déplorer la profusion des interventions autour de sa biographie du chef de la Wilaya III. Face à ses contradicteurs, de quel bord politique ou de quelle région d’Algérie soient-ils, il tempête, louvoie et sombre dans l’indignité politique. Entre autres, il n’aura pas été en état de réfuter les erreurs de fond et de démarche que je lui signale dans un texte publié par Le Soir d’Algérie. En laissant croire que c'est sur deux bilans du boumediénisme que nous nous opposons – il en dresse un globalement négatif en suggérant que j'en ferais un positif –, Sadi voudrait éclipser le fait que nous avons deux visions de l'Histoire et que je critique Boumediene d'un point de vue différent, tant philosophique, politique que socioéconomique. En pragmatique frisant l'opportunisme, Sadi accorde une grande importance au hasard, à la contingence, à l'expérience, ce qui est étonnant de la part d’un scientifique doublé d’un responsable politique national.

M'inscrivant dans une conception basée sur l'universalisme, je m’intéresse à la signification historique des actes des protagonistes de l'Histoire plutôt qu’à leurs motifs. Au lieu d'approfondir ce débat, Sadi me reproche de l’attaquer. Mais sous prétexte de juger Boumediene, n’est-ce pas lui qui se fourvoie en accablant la gauche algérienne? Geste plutôt ingrat, car les militants du PAGS se sont mobilisés sans aucune arrière-pensée, contribuant à ce qu’il passe ses examens quand il était en prison. Sadi révèle un projet démocratique amputé d'une dimension éthique, ainsi qu'une conception de la lutte où s’entremêlent calculs politiques et ambitions personnelles. Toute critique de ses idées lui apparaît comme une attaque personnelle donnant lieu à des réponses personnelles. Dans sa réaction à ma contribution, il n'est plus question d'Amirouche, ou si peu, ni d'écriture de l'Histoire. On est dans la chicane politique et Sadi m’affuble aussitôt du qualificatif de «totalitaire». Il explique que c’est certainement parce que je n’ai pas lu Soljenitsyne. Il n'aura pas à perquisitionner dans ma bibliothèque pour vérifier les ouvrages qui la composent, certains étant, peut-être, destinés à être brûlés si notre courroucé président du Rassemblement pour la culture et la démocratie en avait un jour les moyens. L’auteur de L’archipel du goulag ne fait pas partie de mes lectures. Sa dérive ultranationaliste, son fanatisme religieux et son antisémitisme témoignent de l’ambigüité de la critique qu’il portait au système soviétique. Son attachement à l’autoritarisme lui vaudra d'ailleurs d'être décoré par un ancien officier du KGB, Vladimir Poutine.

Voyons comment Saïd Sadi et Lahouari Addi – qui le rejoint en me qualifiant d’«utopiste totalitaire » – se laissent aller à la même pente, si peu démocratique, de la diabolisation. Le takfir n’est-il pas une méthode détestable qui vise à refuser le droit à la critique publique, à un débat entre démocrates ? Voudrait-on intimider le lecteur en éructant des paroles redoutables ou l’exhorter par des oukases? Mais aucun Algérien n’a jamais évoqué ma responsabilité dans un assassinat politique. Je n'ai pas jeté un mouvement culturel dans un cercueil pour en faire le berceau d’un parti devenu ma propriété privée. Je n’ai pas poursuivi devant les tribunaux un adversaire politique, ni jamais prononcé d’exclusion ou liquidé des rivaux pouvant prétendre à des responsabilités auxquelles je m'accrocherais. Je n’ai jamais réuni de conseil de discipline pour trancher un désaccord politique. Il n’est pas sûr que Saïd Sadi puisse en dire autant, mais c'est moi qu'il traite de «stalinien ». Quant à Lahouari Addi, le totalitarisme islamiste qu'il voulait «insérer dans les institutions» parce que «c'est un moindre mal», ce n’est plus une utopie depuis longtemps. Il ne le fut que pour ceux qui feignaient de ne pas entendre les propos du GIA parus dans El-Ansar: «Le monde doit savoir que toutes les tueries, les massacres, les incendies, les déplacements de population, les enlèvements de femmes sont une offrande à Dieu… l’opinion de la majorité n’est pas référence de vérité. Seul Dieu est apte à nous montrer la bonne voie, celle qui mène à la justice.» C’est au nom de cette conception que Tahar Djaout a été assassiné. Un crime revendiqué par l’un des amis du sociologue. Libre à Sadi de s’y lier à son tour. D'ailleurs, dès 2007, il accueillait un des chefs du parti des assassins dans un meeting et acceptait la réhabilitation de son organisation. Tentant de masquer la nature réelle de ses amitiés, Addi ne peut pourtant pas réaliser un tour de passe-passe sémantique pour faire croire que «les opposants au Contrat de Rome se sont référés au mot char’i, traduction arabe du terme «légal» alors que le projet islamiste n'aurait rien eu à voir avec la chari’a. Le programme des théocrates était précis : «Ce qui est charia est loi, ce qui n’est pas charia est mensonge et injustice.» En juin 1991, convaincu que le gouvernement des hommes n'est légitime que s'il se conforme au Coran, le parti des assassins faisait d'ailleurs défiler ses troupes au mot d'ordre «ni Charte ni Constitution». Enfin, en ce qui concerne «la compétition démocratique » dont Lahouari Addi se prévaut c'est, parfois, à force d'amalgames, une forme d'endoctrinement subtil qui se révèle aussi aliénante et porteuse de violences que le totalitarisme qu’il prétend dénoncer. L’exemple irakien est là pour nous convaincre que les mensonges et le seul marché, aussi «révolutionnaires» soient-ils, apportent souvent plus d'instabilité politique et d’inégalités sociales que de lendemains démocratiques.

Sadi et Addi débattent de manière déplorable. Cette façon a une origine et un nom : la pensée unique. Toute pensée autre que la leur est insidieusement suspectée comme totalitaire ou réduite à une «rupture d'intelligence». C'est pourquoi ils ne répondent pas à mes raisonnements.

Contrairement à ce que veut faire croire le suffisant professeur Addi, le débat, comme toute forme de confrontation, peut ne pas être démocratique. Vide d’arguments mais plein d’intentions grossières, il n’est que pur procédé rhétorique, charriant slogans, misère intellectuelle et univocité du point de vue.

A ce propos, même si cela agace le dirigeant du RCD, qui croit que j’écris avec un dictionnaire de citations sous la main, je me permettrais de rappeler Michel Foucault qui disait que le savoir pouvait être l’instrument d’un pouvoir. C’est l’usage que Lahouari Addi en fait. Plus grave, il semble en être resté à une certaine perversion de la pensée de Rousseau qui assimilait la conscience politique à une figure supérieure de la raison. Devenir citoyen coïnciderait avec la totale expression du bien, de la vérité et de la liberté. En France, à l'époque de la Terreur, certains invoquèrent cette conception. Cependant, chez notre sociologue, le savoir et la raison peuvent se révéler approximatifs, puisqu’il n’hésite pas à se livrer à une contrefaçon du marxisme et à donner des leçons de dialectique alors qu’il n’a pas compris que la régression ne féconde que la régression. Et, quand le savoir vient à manquer, Addi n’hésite pas à faire valoir l’argument du nombre, celui de Staline qui – se questionnant sur le Vatican – demandait combien de divisions blindées le pape pouvait aligner. C’est ainsi que le sociologue tente d’invalider mes arguments en m’opposant la faiblesse électorale du MDS.

Repositionnement politique

Sadi et Addi voient, déconfits, la société se radicaliser et s’orienter à gauche, dans un monde en pleine crise du néolibéralisme. Sadi fait alors mine de regretter que les bons communistes soient ou morts (Bachir Hadj Ali, Abdelhamid Benzine) ou à l’étranger (Sadek Hadjerès). La famille de Bachir Hadj Ali avait déjà repoussé l’hommage du vice à la vertu, quand le tortionnaire du dirigeant du PCA et du PAGS prétendait témoigner de son respect pour le défunt. Ne revenons donc pas sur ce procédé. En opposant communistes et «néo-communistes », Sadi voudrait contrarier des convergences dans la mouvance de gauche. Il incite Hadjerès à intervenir, non pas sur la base sur laquelle se sont exprimées les divergences entre deux courants issus du PAGS, à savoir la rupture avec l’islamisme, mais sur l’attachement au communisme. Sadi espère faire de Hadjerès un communiste utile et l’amener à prendre parti en sa faveur, alors que durant l’affrontement avec le terrorisme islamiste ce dernier était un réconciliateur voué aux gémonies. Nul étonnement au reniement de Sadi. Il était un temps où le FLN menait la propagande contre la gauche algérienne, puis ce fut l’islamisme terroriste, soutenu par des ministres s’indignant de l’assassinat de policiers qui n’étaient pas communistes.

Aujourd’hui, Sadi revendique cette tâche. L’anticommunisme a enfin une enseigne démocratique, même si sur la façade à peine ravalée on perçoit encore les traces de sang laissées par les précédents occupants de la boutique en faillite. En vérité, les attaques contre la gauche ont toujours accompagné la répression de toutes les forces démocratiques. Si cette équation est avérée avec l’islamisme, elle est toute aussi saisissante sous Boumediene puis Chadli. L’article 120 ne servira pas seulement contre le PAGS. La répression du Printemps berbère comme l’instauration du Code de la famille, dans le sillage d'un vaste mouvement orchestré par l’Arabie Saoudite, seront d’autres expressions de cette régression. Cela se terminera dans le carnage du 5 octobre 1988, en préparation duquel le pouvoir avait arrêté de nombreux militants du PAGS qui subiront la torture, comme des centaines de citoyens quelques jours plus tard. Sadi se déshonore donc en reprenant les combats du parti unique et du parti des assassins. Il se retrouve déjà à fustiger toujours plus de segments démocratiques puisqu’après ses «amis de la presse» et le Mouvement citoyen, le CCDR n’échappe pas à ses foudres. On comprend mieux les échecs du rassemblement des démocrates.

Se révèle un Sadi aux abois et sans autre perspective stratégique que de rejoindre ceux qu’il dénonçait hier. Isolé, il n’a plus ni la confiance des forces avec lesquelles il avait accepté de gouverner ni celle des autres pans démocratiques.

Sadi espère, alors, superposer nature anticommuniste de sa ligne et pseudo-radicalité démocratique, en devenant le plus grand opposant à Boumediene… 32 ans après sa mort. Il se fait passer pour subversif alors que la plus banale conversation de café est tout aussi critique que son livre sur Amirouche. Mais tout en jouant au radical, il se charge de rendre leur lucidité aux égarés auxquels il reproche de verser dans l’utopie. Car pour Sadi, l'utopie est une injure. C’est la montée du radicalisme dans la société qui oblige les politiciens comme lui, les hommes de compromis, voire de compromission, à se déguiser en radicaux. Dans le même temps, il réduit toute lutte autonome à une manipulation des services de sécurité, le «cabinet noir» qu’évoque Lahouari Addi, lequel à défaut d’accuser la main de l’étranger trouve quand même une main coupable, refusant aux Algériens l’intelligence du raisonnement. Tous deux semblent plus craindre les forces radicales que les forces conservatrices. Ils ne se rendent pas compte que c’est là l’origine de leur impuissance politique, car les concessions accordées aux réformistes sont toujours déterminées par les victoires des radicaux.

Sadi cherche à imposer à la société ses étroitesses, rejetant sur elle la responsabilité de son propre refus de considérer les sources du despotisme et de l’absence de libertés. Il passe ainsi à côté de la nécessité d’une démocratisation de toutes les institutions.

Alors qu’il prétend faire la critique du boumédiénisme, Sadi veut laisser l’ANP telle que l’a forgée Boumediene : un élément du noyau dur de l’Etat lié aux seuls partis-Etat comme le FLN et le RND. Il refuse que l’ANP devienne transpartisane. Lahouari Addi tente de venir au secours de Sadi incapable d’argumenter. Mais on le sent lui aussi en pleine confusion avec son idée de «dépolitiser l'armée» tout en maintenant son caractère partisan actuel.

Alors il rejette l’idée de la fusion entre l'armée, le peuple et l’Etat. C’est la définition du totalitarisme, assène-t-il, en agitant l'épouvantail léniniste du peuple en armes. Pourtant, le peuple en armes c’est sa victoire contre le colonialisme et celle des patriotes qui ont fait barrage au projet d’Etat théocratique. Le peuple en armes, c’est l’armée de conscription avec toutes les contradictions d’une société démocratique mais qui a permis et permet aux jeunes Algériens de toutes les régions et de toutes les classes sociales de se rencontrer, d’échanger et pour les plus pauvres de se former, voire d’être, demain, un creuset des pratiques citoyennes.

A l’étranger et au cours de différentes époques, ce furent aussi bien les révolutionnaires de 1789 battant les armées royalistes, que les communards défaits en 1871. C’est George Washington et «les dents de la liberté du peuple», c’est James Madison qui déclarait que «pour préserver la liberté, il est essentiel que toute la population entière possède des armes en tout temps», c’est Lincoln intégrant les Noirs dans l’armée nord-américaine pour combattre le Sud esclavagiste. A cette conception démocratique de l’armée, Addi semble préférer le mercenariat. Une armée au service de ceux qui paient, comme la vantent les néolibéraux ?

Pourtant, les résistances aux plans néoconservateurs pour le monde arabe sont bien le fait de peuples en armes, en Irak, au Liban, en Palestine. Il est vrai, aussi, que le Fatah, dont se revendique Sadi, a renoncé à la lutte armée.

Cependant, il n’y a pas que le Hamas qui poursuit dans cette voie. Il ignore ainsi la gauche démocratique de Palestine, reproduisant là-bas son attitude ici, en Algérie, où il a choisi d’accompagner le pouvoir contre l’islamisme au lieu de prôner la double rupture avec le système rentier et l’Etat théocratique.

En prétendant rejeter le boumédiénisme, Sadi tente de propager l’impression qu’il se radicalise. En vérité, tout en se livrant à une diversion tapageuse, il marchande avec l’aile la plus réactionnaire du FLN au prétexte qu’elle aurait «pris du recul». Comme d’autres, au nom du rejet du système, justifiaient leur rapprochement avec la réaction islamiste. C’est autour de son aversion de Boumediene et de la gauche que Sadi espère conclure un nouveau contrat. Il voudrait ainsi pousser les forces démocratiques dans le troupeau sociallibéral. Bel échantillon de la manière dont Sadi boucle ses affaires politiques. Il ne constitue aucune union ouverte, mais il est prêt à une répartition des rôles afin de mystifier l’opinion. Pour montrer qu’il est prêt à assurer sa part du marché, il prend la défense de Djeghaba, cacique du FLN. En procédant ainsi Sadi s’est admirablement dépeint lui-même : je veux être partout. Il tisse des alliances en dehors du gouvernement, y compris avec ceux qu’il prétend avoir quittés.

De son côté, Addi, polémiste empressé, formalise une nouvelle entente entre le RCD et les signataires de San Egidio que Sadi, embarrassé, ne voudrait pas si ostensible. Ne reste à ce dernier que l’esquive molle, en faisant passer pour «intellectuellement symétriques» ma position et celle d’Addi.

Pourquoi Sadi tourne-t-il le dos à une alliance dans laquelle était durant l’affrontement avec le terrorisme islamiste ? Parce qu’il prend conscience que cet affrontement est devenu secondaire, que son issue dépend de la lutte contre un autre adversaire. Soit, mais ceci autorise-t-il des alliances contre-nature ? L’exigence démocratique voudrait que non. En fait, Sadi essaie de retourner les nouveaux termes de la contradiction qui traverse l'Algérie en associant les forces démocratiques les plus radicales, à un homme du passé, Boumediene. Celui-ci est présenté comme l’incarnation du totalitarisme ou d'une «situation pré-politique » selon la conception de Lahouari Addi qui ne voit pas que le despotisme, lié à l'existence même de l'Etat, au nom duquel prétend faire régner l'arbitraire, relève au contraire d'une entrée dans la modernité politique.

Comme hier en Occident, la monarchie absolue avait instauré la toute puissance de l'Etat et annoncé la possibilité de révolutions démocratiques ultérieures. Lahouari Addi refuse de voir que s'il ne peut pas y avoir de démocratie sans modernité, par contre il peut y avoir une modernité sans démocratie. A moins qu'il ne s'agisse pour lui, comme pour Sadi, de s'approprier une forme de radicalité associée à la modernité en rejetant Boumediene et la gauche dans l'archaïsme. Cette façon de faire n’est pas sans rappeler l’islamisme qui s’est présenté comme la force la plus radicalement opposée au système alors qu’elle en était l’expression paroxystique.

Inflexion néolibérale

S’engageant sur une nouvelle ligne, Sadi assume son anticommunisme et réaffirme son social-démocratisme. Il demande à revenir dans la maison paternelle et exprime son désir impudent de prendre, très rapidement, tout l'héritage. Il frappe à la porte de l’Internationale socialiste gardée de l’intérieur par le FFS et devant laquelle piaffe aussi le FLN. En revanche, il semble troublé de se voir reprocher une forme d’anti-arabisme déplacée auprès de ses nouveaux amis. Mais s’il y a une défroque que Sadi refuse d’endosser c’est celle du néolibéral. Un homme honteux lorsque Lahouari Addi, néolibéral décomplexé, souhaite que les gens puissent «s’enrichir sans autorisation » pendant que d’autres n’ont plus que la harga «sans autorisation ». Quelles sont les caractéristiques des néolibéraux algériens ? Ils ne sont ni pour l’Etat théocratique ni conséquents dans leur engagement démocratique. Ils défendent l’islam de leurs aïeux, celui des zaouïas, si chères à Bouteflika, et parfois ils plaident et deviennent les avocats des salafistes. Ils hurlent à l’étatisation dès qu’on parle de régulation du marché. Ils récitent des litanies sur la liberté d’entreprendre quand d’autres pointent les inégalités sociales et se soucient de protection des individus et du respect de la planète. Les néolibéraux accepteront la démocratie… si d’autres la conquièrent. Leur progression au sein de la classe politique, les succès de certains hommes d’affaires et leur intégration du discours sur la réconciliation nationale sont les différents indicateurs des encouragements qui leur sont prodigués. Une partie du néolibéralisme s’est pratiquement vu attribuer le monopole de l’opposition tolérée ou légale. Bouteflika voudrait en faire son opposition, sociale-libérale et stérile, après avoir renvoyé dos-à-dos le pôle radical de l’islamisme et le pôle radical de la démocratie. Peut-être que cette évolution explique pourquoi Sadi a tourné le dos à la mémoire de son camarade Bacha?

Dans la conjoncture actuelle, il faut moins relever le remplacement d’un Zerhouni par Ould Kablia et le resserrement des forces islamo-conservatrices que la recomposition de la classe politique contrariant les aspirations démocratiques et sociales. D’où cette concurrence entre néolibéraux. Une partie de l’opposition conteste le pouvoir en se présentant comme authentiquement libérale, de manière frontale pour Lahouari Addi, par la bande pour Sadi. Une autre partie reste à distance des uns et des autres, prête à favoriser la réconciliation et assumer un destin national. Mais les différences entre les factions néolibérales sont aussi instables et imprécises que le sont les divergences à l’intérieur du courant islamo-conservateur. Cependant, cette différenciation qui affecte les forces néolibérales accompagne un processus les démarquant toujours plus de l’aile islamo-conservatrice devenue encombrante face à la radicalité qui monte. L’ensemble indique l’hégémonie grandissante des forces néolibérales au sein du pouvoir.

La question qui se pose donc à ceux qui appellent au changement est : une deuxième république doit-elle permettre d’anéantir le despotisme néolibéral ou obliger les forces qui dominent le système à partager le pouvoir, à en faire un despotisme «éclairé» ? Sadi, comme Addi, est prêt à se résigner à la seconde alternative, car réduire la crise de la nature de l’Etat à une «crise de légitimité» c’est accepter de maintenir le caractère néolibéral du système tout en prétendant pouvoir lui apporter un supplément de légitimité. Derrière le débat sur la vérité historique, il n'y a finalement que le débat sur qui détient la légitimité historique, pas la remise en cause de son principe même. Sadi révèle ainsi de manière admirable sa parenté profonde avec Bouteflika et le véritable caractère de leur «dispute », simple querelle d’amoureux… qui ont passé ensemble «les deux plus belles heures de leur vie».

Certains de ses ministres, plus conséquents, préfèrent, selon sa propre formule «entrer dans l’Histoire plutôt que de poursuivre l’aventure». Car pendant que Sadi fait des vœux, des déclarations, un programme qui reste sur le papier, il ne propose pas les moyens de les voir se réaliser. La complaisance de Bouteflika vis-à-vis des courants islamo-conservateurs et des rentiers a, quant à elle, assuré le partage à l’amiable du pouvoir et des richesses nationales. Le Code de la famille qui maintient le tutorat, même formellement, le moratoire sur la peine de mort, qui n’y renonce pas, ou la chasse aux non-jeûneurs sont des signes en direction de ces milieux.

Et lorsque le ministre des Affaires religieuses proclame que si les libertés politiques sont admissibles, la liberté religieuse est interdite, Sadi est coincé, il ne pourra pas surenchérir. Il ne suffit pas d’aller inaugurer une mosquée à Aghrib pour nuancer son engagement laïque d’autrefois et donner des gages de tolérance... à l'islamisme. D’un autre côté, le patriotisme économique de Bouteflika c’est une manière d'associer, maintenant, le secteur productif au partage des bénéfices de sa ligne néolibérale. Ce n’est pas la remise en cause de cette ligne. Car le capital productif demeure soumis à la domination du capital spéculatif et les milliards de dollars provenant du pétrole restent placés aux USA. Il apparaît donc que du point de vue néolibéral et conservateur, les réformes de Bouteflika sont beaucoup plus «recevables» que celles que propose Sadi.

L’évolution en cours est une condition et un symptôme de la cohésion et du renforcement du camp démocratique radical. Car si tout le monde prétend vouloir en finir avec la rente et construire un Etat démocratique, les partisans de la rupture et du développement durable doivent contester, sur tous les terrains, en particulier sur celui de la démocratie, l’hégémonie que tentent d’imposer les néolibéraux. Tout le fond du problème de la liberté politique est donc d’expliquer que ce ne sont pas deux mais trois camps qui sont en lice et que seul le camp radical a la force de réaliser la démocratie la plus complète.

La lutte politique ne porte plus sur la nécessité de changer de système, mais sur l’éveil, le renforcement, la cohésion d’un camp radical indépendant, libre des sympathies islamo-conservatrices du néolibéralisme. Une certaine conception de la démocratie se meurt. Elle était liée à une classe politique obsolète. Une nouvelle conception est en train de grandir, porteuse d’aspirations au changement social et politique profond. Les grèves et protestations populaires favorisent de nouvelles décantations et le rassemblement des forces radicales, leur préparation aux batailles futures. Finalement, s’il est vrai que la pensée politique de Sadi est morte, Bouteflika s’en étant emparée, comme il s’est saisi de la réconciliation nationale si chère à Lahouari Addi, les espérances portées par les moudjahidine du 1er Novembre 1954, les mouvements culturels berbères, les syndicats autonomes, les mouvements citoyens, les patriotes en armes et les démocrates sont, elles, bien vivantes. A Sadi et Addi, il ne reste que le ressentiment. En philosophie, c'est une école.
Y. T.
* Membre du Mouvement démocratique et social

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Aharbal

Aharbal


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MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptySam 17 Mar - 21:14

Le Soir d'Algérie - 17.03.2012
par Mohamed Djeraba

Guéguerres mémorielles

Ma dernière contribution, à travers la presse, consistait en un message adressé à Monsieur Saïd Sadi, lui témoignant mon soutien et mes encouragements à continuer d’écrire et de s’exprimer à propos de l’histoire de la guerre de Libération nationale tout en lui signifiant que cette attitude n’équivalait pas à une adhésion totale et inconditionnée au contenu de ses écrits. Je lui apportais mon soutien au milieu d’une campagne frôlant sinon l’hystérie, du moins l’indécence.

Je lui apportais mon soutien, qui demeure établi, malgré la différence de nos parcours, de nos perceptions, de nos positions, de nos positionnements, car je jugeais — et je le maintiens encore — que cette différence est source d'enrichissements. Si je devais lui contester une prise de position, le rapport de faits historiques ou bien encore l’interprétation ou la qualification de ces faits, cela ne pouvait se faire que par une réplique argumentée, raisonnée, voire rationnelle et surtout sereine, franche et sincère, loin de toute invective, de tout sensationnalisme, de toute instrumentalisation postérieure de l’objet, de tout « marketing engluant »
.


Mon adresse envers Monsieur Saïd Sadi procédait d’abord d’une position principielle, ensuite d’un constat à la suite de la lecture de son ouvrage, dont la force et l’honnêteté intellectuelle résident dans l’identification des sources, condition première d’une démarche scientifique, nous avait-on appris lorsque nous étions étudiants. Monsieur Sadi a construit [?] à partir et autour de témoignages émanant d’acteurs privilégiés ayant vécu directement les faits et aux « premières loges » en me permettant l’expression.

Ces témoignages sont le fait d’acteurs responsables assumant leurs positionnements et assurant la crédibilité de leurs témoignages. C’est là un véritable cadrage référentiel qui fait la force du livre de Monsieur Sadi et s’il faille [?] lui contester quoi que ce soit ou lui dénier toute crédibilité ou une part de celle-ci, c’est envers ces sources identifiées et identifiables qu’il faut s’adresser. Certains témoins qu’il cite sont encore en vie et jouissent de tout leur potentiel mémoriel et intellectuel pour asseoir la crédibilité de leurs propos.

Cette longue introduction à ma présente contribution ne vise pas uniquement à rappeler ou à justifier ma position à l’égard du livre de Monsieur Sadi mais s’inscrit surtout comme un rappel de la trame qui sous-tend tous mes écrits — articles ou ouvrages — publiés pour apporter ma part de témoignage comme rudiments, « matières premières » à l’écriture de l’histoire de la guerre de Libération nationale. Je n’ai de compte à régler avec personne ni une quelconque parcelle de mon âme à soulager ou à absoudre de quelque péché. Dans cet ordre d’idées, je voudrais rappeler deux autres contributions parues dans les colonnes de ce même quotidien : la première date du 08 juin 2005 relative à la loi n°2005-158 du 23 février 2005 adoptée par le Parlement français(*). La seconde contribution était adressée à Monsieur Ahmed Benbella, publiée le 20 mai 2009.

À propos de la contribution relative à la loi française suscitée, je veux dire toute ma fierté d’avoir été le premier à avoir réagi et je regrette le silence observé pendant longtemps à son égard car les autres réactions ont été bien tardives. Cela étant dit, je soumets aux lecteurs la teneur de ma réaction. J’ai commencé ma contribution par certaines remarques préliminaires dont la plus importante est, je cite : « Il n’est guère dans mon intention de porter un quelconque jugement sur la pertinence de cette loi française qui reste exclusivement de la compétence et de la souveraineté françaises d’autant plus que je suis profondément et farouchement jaloux du respect intangible de la souveraineté nationale et de la non-ingérence, même à l’ère de la mondialisation. » Une autre remarque préliminaire consistait à justifier ma contribution par ma position d’acteur d’une époque et témoin d’événements ayant fait l’objet d’une partie de cette loi. En ce sens, bien que n’étant pas historien, je me devais de porter contradiction à son contenu malgré la formulation de la première remarque citée précédemment. Ainsi tout le contenu de ma contribution consistait à établir l’ineptie, la falsification des faits contenus dans cette loi par la formulation principielle [?] ou le détail factoriel. Je n’ai à aucun moment usé d’un style revanchard, insultant ou de qualificatifs propres aux slogans. J’ai toujours opté et milité pour l’affirmation ou la réplique argumentée et sereine.

À propos de la lettre adressée à Monsieur Ahmed Benbella, premier président de l’Algérie indépendante, j’avais tenu à mettre en exergue de l’article deux citations, la première est une sorte de testament de Mourad Didouche (« Si nous venions à tomber au champs d’honneur, racontez-nous et dites ce que nous fûmes »). La seconde est de Monsieur Benbella, au début des années 1980 : « Si j’avais fauté, alors j’ai suffisamment payé et si j’étais innocent, alors je leur pardonne. »

L’objet de ma lettre à Monsieur Ahmed Benbella était relatif à « l’affaire Chaâbani ». J’écrivais : « Monsieur le président, la présente adresse vous est particulièrement et personnellement destinée, par ce que vous fûtes et ce que vous êtes. En conséquence, elle ne peut absolument pas être l’expression d’un comportement politicien ou même politique de ma part (…). Mon adresse à vous concerne le martyr Mohamed Chaâbani, ce jeune colonel de la glorieuse ALN puis de l’ANP et membre du Bureau politique du FLN, au lendemain de l’Indépendance. Je tiens tout de suite à préciser que mon propos ne s’inscrit nullement comme une tentative de demander la révision du procès qui lui fut intenté et encore moins le procès de son procès (…). Il n’est nullement dans mon intention d’en faire le Dreyfus algérien et pour moi, de m’inspirer d’Émile Zola. Non je n’accuse point qui que ce soit ni quoi que ce soit… » Les lecteurs auront apprécié d’eux-mêmes ma démarche et le feront d’autant plus lorsqu’ils sauront que j’étais l’un des protagonistes de cette affaire et que je fus condamné et emprisonné et les miens réprimés par le pouvoir de Monsieur Benbella.

Devrais-je pour autant aujourd’hui rouvrir les plaies et déverser tout le fiel pour ces faits ? J’y reviendrais plus loin.

Ces trois exemples (le livre de Monsieur Saïd Sadi, la réplique à la loi française et la lettre à Monsieur Benbella) expriment toute ma démarche et constituent la trame de ma présente contribution.

Dans tous mes écrits relatifs à la guerre de Libération nationale, je me faisais une religion de souligner trois fondamentaux préalables : primo, tout en étant un acteur — modeste parmi tant d’autres — de ce formidable mouvement historique que fut la guerre de Libération nationale, je ne prétendais nullement faire valoir d’œuvre historique mon témoignage. Le métier d’historien est toute une autre affaire obéissant à ces critères que je ne peux nullement faire valoir ou prétendre atteindre « autodidactiquement ».

C’est dans cet esprit que j’écrivais dans l’adresse à Monsieur Ahmed Benbella, à propos de Mohamed Chaâbani : « Monsieur le président , vous conviendrez aisément et indubitablement avec moi que les jeunes historiens d’aujourd’hui et que les futurs historiens éprouveront d’immenses difficultés à appréhender l’histoire de Mohamed Chaâbani (…) Ils se demanderont fatalement (le) comment et (le) pourquoi (de cette histoire) et orienteront leurs préoccupations à déterminer les auteurs et les circonstances de ce cas (…) Ils verseront alors dans le «dreyfusionnisme » (…)

Secundo, mon (mes) témoignage (s) se rapportent naturellement à une période et un espace bien déterminés et très limités ne peut (ne peuvent) donner lieu à une quelconque généralisation ou une hypothétique extrapolation, fatalement non crédibles. En apportant mon témoignage, je le circonscrivais à ma vérité ou ce que je croyais être ma vérité de l’époque, en fonction de mes connaissances de l’époque tout en m’appliquant à ne pas les polluer, les travestir par des connaissances ultérieures aux faits. Certes la démarche n’étant guère aisée, donc je ne peux attester et garantir ce témoignage que par la probité intellectuelle, sa sincérité.

En d’autres termes, ce n’est qu’un témoignage. En tant que juriste de formation, je n’ai jamais été partisan de la formule : « dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité » et je lui préfère celle qui consiste à dire : « Ma vérité (ou ce que je crois sincèrement en être ainsi), toute ma vérité et rien que ma vérité », étant entendu que la formule possessive n’équivaut point le déterminatif définitif, pour plagier les grammairiens.

Tertio, la guerre de Libération nationale étant un formidable mouvement historique, né de la volonté conjuguée des hommes et des événements, transcende dans un rapport interactif cette même volonté voire cette conjugaison. C’est pourquoi, toute œuvre, toute contribution visant à décrire, rapporter, transcrire, narrer, raconter cet impétueux mouvement de l’histoire érige une vigilance extrême de la part de tout prétendant à pareil ouvrage. C’est le seuil du monde de l’histoire et du métier d’historien qu’on ne peut franchir aisément et surtout impunément et je ne le franchirai pas pour ma part. Néanmoins, en tant qu’acteur modeste de ce vaste mouvement, mais surtout en tant que témoin ayant rédigé et publié ses mémoires, je me devrais de préciser, et cela revenait à chaque fois comme un refrain (« témoignez ! témoignez ! témoignez ! »), comme un leitmotiv, qu’en tant qu’acteurs, « nous n’étions ni anges ni démons ». C’est aussi dans cet esprit que j’avais intitulé mes mémoires Monologue, dialogue, un homme face à l’histoire, chaque vocable ayant sa charge sémantique. Ce sont ces fondamentaux qui motivent ma présente contribution et en ce moment précis où nous célébrons le cinquantième anniversaire de la victoire (19 Mars 1962) et dans quelques semaines le cinquantième anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale. À cette occasion, on nous annonce de part et d’autre une profusion de livres, de films, de documentaires, de reportages audio-visuels et écrits. Ce sera, j’imagine, un réveil torrentiel des mémoires.

Tant mieux et je m’en félicite même si je regrette que ce « débit » sera plus fort de l’autre côté que chez nous. Il y aura fatalement et assurément dans cette « profusion mémorielle » du très bon et du très mauvais, des témoignages avisés, profanes, intéressés, désintéressés, probes, orientés à des fins avouées ou inavouées, en somme du mielleux et du fielleux. Bref, les « guéguerres» mémorielles sont déjà entamées, et l’on nous « conseille » déjà la sécurité et la mesure dans la célébration.

Paradoxalement, et au fond de moi-même, j’adopte et j’adhère à ce « conseil » mais pour des raisons tout à fait autres. Tout ce torrent mémoriel, avec tout ce qu’il charrie, n’exprime en fait que la grandeur de notre guerre de Libération nationale qui fut un moment privilégié du siècle passé. Chez nous, ce mouvement mémoriel a déjà commencé même timidement. Des témoignages sont régulièrement publiés par la presse nationale. Ils émanent d’acteurs directs de ce mouvement de libération qu’un célèbre chroniqueur qualifiait récemment de « Has been » et quoi de plus normal car ne peuvent témoigner que les « Ras been ». C’est la loi de la nature. La véritable et pertinente question est celle du contenu du témoignage et des postures de son auteur. C’est à propos de ce mouvement que j’interviens tout en répétant à l’envi ma totale adhésion et ma profonde conviction de la nécessité d’une telle démarche.

Point de place à la censure ni à l’autocensure. Néanmoins, une telle liberté requiert une vigilance à toute épreuve et une pédagogie constructive. On a pendant trop longtemps critiqué à tort ou à raison et beaucoup à raison la politique officielle à cet égard.

Cette critique fort fondée ne doit nullement le « droit » à une démarche, apparemment antinomique, qui aboutit au même résultat. Si la politique officielle en matière d’histoire s’est, en permanence, fondée une vision, une présentation idyllique, angélique, épique de la guerre de Libération nationale, le réveil et la libération de la parole et des mémoires doivent éviter l’autre écueil, celui de la vision, de la présentation « démoniaque ».

La réalité historique n’appartient ni à la vision officielle ni à celle qui lui est opposée.

Les témoignages publiés dernièrement peuvent donner lieu à des interprétations et à des lectures très dangereuses de certaines étapes de la guerre de Libération nationale et de là ouvrent la voie à la généralisation et l’extrapolation.

Pour la clarté de l’exposé, je me permets de résumer la thématique de ces témoignages sans juger leur valeur ou la véracité des faits qui y sont rapportés.

La quasi-totalité de ces témoignages s’articule de ce qu’on appelle communément les « affaires ». Je cite pêle-mêle les « affaires » Abane Ramdane, Amirouche, El Haoues, Chaabani, Lamouri, Chihani, Adjel Adjoul, Si Zoubir, Si Salah, ou encore celles des « complots », celle des « 3B » (Boussouf, Krim Belkacem, Bentobal), de l’EMG, du GPRA, du CNRA, etc. Pour mieux cerner cette thématique, posons quelques préalables, en premier lieu, je précise que je ne remets nullement en cause les aspects factuels.

« Nous n'étions ni anges ni démons » est une affirmation que j'utilise pour dire que la révolution ou la guerre de Libération nationale fut l’aboutissement d’un long processus où les hommes furent à la fois sujets et objets de l’histoire. Ils influencent le cours de l’histoire et en subissent le contre-coup. Leurs actions furent à la fois pesées, réfléchies, justes, spontanées, réactives, erronées, fausses, biaisées.

Énormément de facteurs entrent en jeu, certains parfois à la fois farfelus et décisifs, sans compter les effets du hasard, heureux ou malheureux.

En tant que moudjahiddin, nous avions certes mené des actions héroïques dignes des épopées légendaires, mais nous avions eu aussi à avoir peur, à flancher par moment, à avoir le spleen, à languir sur nos proches, nos villages et villes. Nous avions battu et vaincu l’ennemi comme nous avions subi de lourdes pertes. Nous avions réussi, failli et défailli. Nous avions pleuré, eh oui, pleuré de peine comme de joie. Nous avions ri ensemble, les uns des autres, des situations tragi-comiques. Nous nous chamaillions, parfois pour si peu et même nous nous jalousions pour des broutilles. Nous avions nos noms de guerre mais aussi des sobriquets. Nous n’étions ni anges ni démons.

Aurions-nous été meilleurs que les prophètes ? Aurions-nous été plus infaillibles ? La réponse coule de source. Pour revenir à certaines « affaires » évoquées épisodiquement, je ne veux en retenir que deux : Amirouche et Chaabani, deux colonels légendaires. On reproche au premier — et a posteriori — ses méthodes martiales de commandement, sa discipline d’airain.

De là, certains franchiront impudemment le Rubicond, en le qualifiant de sanguinaire. En fait, Amirouche fut foncièrement un révolutionnaire au plan mental et disciplinaire, menant et subissant une guerre impitoyable. S’était-il trompé ? Aurait-il commis des erreurs, des fautes ? Assurément oui et cette réponse est d’ordre principiel et postérieur. N’aurais-je pas moi-même ou tout autre homme commis les mêmes erreurs et fautes dans les mêmes conditions et circonstances ? Était-il sanguinaire, dictateur, injuste ? Assurément non ! Non et non ! Il était simplement un homme, un immense militant ; et un révolutionnaire accompli avec ses propres limites et les limites imposées par le cours de l’histoire. Avait-il massacré des centaines d’étudiants ayant rejoint le maquis ? Au-delà de cette comptabilité macabre (dizaines ou centaines, un seul aurait été de trop), il y a lieu d’analyser objectivement la situation de l’époque. Avancer péremptoirement de tels faits, c’est travestir, ou mieux, méconnaître l’histoire. La « bleuite » n’est pas un simple détail de l’histoire comme dirait l’autre. Elle a été menée par un gigantesque arsenal déployé par les autorités coloniales (hommes, finances, plans et un art consommé de la guerre psychologique). Amirouche a dû lutter sur plusieurs fronts et combattre plusieurs ennemis (armée coloniale et forces supplétives, groupuscules messalistes, collaborateurs connus et clandestins).

Par ailleurs, pourquoi certaines mémoires, certains témoignages seraient-ils si sélectifs en occultant le fait que ce même Amirouche avait orienté des dizaines, sinon des centaines de jeunes ayant rejoint le maquis vers les universités des pays solidaires de notre révolution? Certains sont encore en vie et peuvent en témoigner loin de toute surenchère et instrumentalisation (cf les témoignages dans les écrits de Saïd Sadi, Rachid Adjaoud ou Djoudi Toumi).

Toujours à propos d’Amirouche, et dans un autre registre, on voudrait attribuer le martyre d’Amirouche en compagnie du Colonel Si El- Haouès à une trahison émanant de certains cercles de la révolutions. Je ne voudrais pas polémiquer à ce propos car n’ayant pas de connaissances précises, vérifiées et vérifiables à cet égard mais j’ai eu à vivre, en tant que moudjahid dans la région où sont tombés les deux valeureux colonels. C’est une région de tous les dangers où séjournent ou transitent plusieurs forces hétéroclites (harkis, groupuscules messalites, partisans et débris de Bellounis) ; ceci sans parler de la structure socio-culturelle de la région. C’est une région de transhumance pastorale où l’organisation tribale et la pensée tribaliste prévalaient. Lors de ma présence dans cette région (1955-1956), j’avais appris à me méfier tout le temps et de tout. Un simple jeune berger pouvait, consciemment ou inconsciemment, volontairement ou pas, vous sauver la vie ou courir à votre perte. Une tente de nomades pouvait être aussi un refuge réconfortant ou un piège mortel. Dans ces conditions, avancer la thèse d’un complot envers les deux colonels me paraît hasardeux, faute de preuves palpables, vérifiables et vérifiées. Au total et concernant le colonel Amirouche dont le nom, la stature et la célébrité me semblent outrageusement instrumentalisés selon les circonstances, toute démarche probe, tout témoignage honnête et sincère doivent s’inscrire dans un cadre historique, bien maîtrisé, précisément analysé et loin de toute considération politicienne. Amirouche avait une profonde foi dans le combat qu’il menait.

« L’affaire Chaabani ». Venons-en ! Je l’évoque pour la première fois en ces termes bien qu’étant un des protagonistes. Auparavant, je voudrais m’interroger sur une certaine tendance à vouloir insinuer qu’elle eut lieu durant la guerre de Libération en la collant à d’autres « affaires ». L’affaire Chaabani est [?] un moment de l’Algérie indépendante. Ainsi, je ne veux pas l’évoquer dans ses multiples péripéties — et je suis dans une posture favorable pour le faire — mais dans sa logique, dans sa dynamique.

Mohamed Chaabani, je l’ai connu lorsqu’il avait rejoint le maquis dans une zone de la Wilaya I, qui deviendra plus tard la Wilaya VI. C’était un jeune étudiant de l’institut badissien. Sage, instruit, pondéré, voire très doux. On l’avait surnommé Taleb (au double sens du terme arabe en usage, à savoir étudiant et sage). Tout le monde recherchait sa compagnie et il faisait l'unanimité. Il n’était lié à aucune tendance, sinon à ses propres convictions culturelles et civilisationnelles.

Malheureusement, notre compagnonnage ne dura pas longtemps puisque j’étais appelé à me diriger vers le sud puis vers l’ouest, sur ordre de Si El Haoues. Je ne l’ai plus revu jusqu’à l’indépendance. Ses seules qualités intrinsèques lui permirent [?] jusqu’au commandement d’une wilaya. On oublie souvent de souligner un fait important : on dit qu’il fut le plus jeune colonel de l’ALN puis de l’ANP mais on oublie qu’il fut aussi le seul colonel sans passé politique militant, ni MTLD-PPA, ni UDMA, ni PCA, ni Oulémas.

Il n’avait que ses convictions patriotiques scellées, intangibles et non négociables. C’est là le secret de l’origine de son action — et de sa perte — au lendemain de l’indépendance.

Il n’était mû par aucune soif de pouvoir, ni par un quelconque esprit partitionniste [?], claniste. Il ne voulait simplement pas marchander ses convictions et ses principes. Aurait-il voulu une responsabilité civile, militaire ou diplomatique qu’il l’aurait obtenue sur le champ.

C’est uniquement sur une base d’affinité personnelle que je l’avais rejoint, affinité provoquée par la pureté de ses convictions. La suite des événements a conforté la justesse et la noblesse de ses convictions, même à titre post-mortem. Le colonel Tahar Zbiri empruntera vainement la même démarche.

Étant un acteur direct de ce moment de l’histoire, serais-je tenté ou m’appartient-il aujourd’hui d’exciper cette qualité pour « régler certains comptes » ? Assurément non ! Je refuse une telle posture pour de multiples raisons historiques objectives et intellectuelles, je n’ai aucun intérêt à défendre, aucun sentiment de revanchard.

En interpellant le président Ben Bella, comme souligné précédemment, je lui signifiais mon intention de défendre uniquement une mémoire et non pas d’intenter un quelconque procès envers qui que ce soit ou quoi que ce soit.

J’avais adopté la même démarche concernant un autre monument de l’histoire : le colonel Lotfi. Bien des choses se disent sur son martyre, sur son commandement. À bien des égards, il me rappelait Chaabani par son instruction, sa sagesse, son engagement inébranlable. Aujourd’hui, je défends sa mémoire. Somme toute, pourquoi témoignons-nous ? Sommes-nous condamnés à ne rapporter que des « histoires » ? Je ne le crois pas et je ne suis pas de cette école.

Le seul vrai témoignage digne d’être étalé, c’est celui de l’histoire de l’Algérie, de la guerre d’indépendance d’Algérie.

Pour qui témoignons-nous ? Certes pour l’histoire, pour les jeunes générations. Si tel est le cas, alors soyons très vigilants et pédagogiques dans la présentation de nos témoignages, nobles dans nos desseins et ne pas commettre de confusion de genres et d’époques. Ne réagissons pas à une négation par une négation, à une falsification par une autre falsification.

Les résultats pourront être plus catastrophiques. Une excuse peut être plus vile pour expliquer un impair, un délit, dit le proverbe arabe.

Que dirait un jeune de 20 ou 30 ans en prenant connaissance de certains témoignages autour des « affaires de X ou Y »? N’y a-t-il pas risque de faire assimiler la guerre de Libération à une lutte mafieuse, à une lutte de mafiosi pour l’accaparement des postes de responsabilité et de pouvoir? N’est-il pas en droit de conclure et penser que ces légendaires dirigeants (Amirouche, et autres), longtemps encensés, ne sont en fait que des assoiffés de pouvoir, prêts à tout pour le « koursi »? N’est-il pas loisible pour lui de voir en Amirouche ce grand révolutionnaire, obsession de tous les stratèges colonialistes, un simple tueur d’étudiants alors qu’en réalité il fut un grand promoteur de la formation des cadres pour l’Algérie indépendante ?

Lorsqu’on présente au jeune Algérien la décision de décréter la grève des 8 jours comme une erreur catastrophique pour la Révolution, que peut-il penser alors de son auteur Larbi Ben M’hidi, dont la grandeur fut reconnue en premier par l’ennemi ? Que peut penser ce jeune de Zighoud Youcef lorsqu’on lui dit que le 20 Août 1955 était aussi une action catastrophique ? Il faut lui présenter les faits avec leurs tenants et leurs aboutissants.

Il n’est guère dans mon intention de prôner la censure, de travestir la réalité ou de taire quoi que ce soit mais seulement de prôner une pédagogie du témoignage, expurgée de tout sensationnalisme, de narcissisme, de règlements de comptes. Malheureusement, certains témoignages, volontairement ou involontairement, ne sont [?] qu’un chapelet d’objectifs les uns plus insultants, de jugements de valeur postérieurs où le fait cède le pas à l’appréciation. Je ne joue pas au moralisateur mais je veux simplement attirer l’attention sur les désastres incommensurables que provoque ce type de témoignage parmi les nouvelles générations. Faisons honneur à l’appel du 1er Novembre dont l’entame fut : « À vous qui êtes appelés à nous juger. » Nous n’étions ni anges ni démons. Alors aux générations actuelles et futures de n’être ni les uns ni les autres. Ayons ensemble de la hauteur de vue, digne de cette glorieuse guerre de Libération et évitons les « guéguerres mémorielles ». Elles nous viennent d’ailleurs et cela nous suffit amplement.
M. D.

Rappels : (écrits de l’auteur)
- Monologue, dialogue, un homme face à l’histoire. 3 vol.
- Lettre à Monsieur Ben Bella, Le Soir d’Algérie, 20/05/2009.
- Lettre à Monsieur Saïd Sadi.
- Proclamation du 1er Novembre, un appel aux armes, un hymne à la paix.
- Nul ne pourrait y songer, ensemble d’articles publiés entre 1985 et 2000.

---
PS. Monsieur Saïd Sadi a décidé de ne plus briguer un nouveau mandat à la tête de son parti. Je tiens à saluer l’homme pour l’œuvre qu’il a accomplie, à plusieurs titres et j’ose espérer maintenant qu’il est plus libre qu’il continuera à écrire et à susciter des débats constructifs.
M. D.

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Ouchen

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MessageSujet: Re: Polémique autour d'Amirouche   Polémique autour d'Amirouche - Page 2 EmptySam 17 Mar - 21:19

Venant d'un ancien patron du FLN, ce dernier papier n'a aucun sens sinon qu'il est digne d'être carrément jeté à la poubelle. Loin d'édifier le lecteur sur ce qu'il appelle "les affaires" restées dans l'ombre malgré leur gravité, l'auteur s'est éternisé dans une très longue introduction oiseuse et empêtré dans des redites abondantes, ineptes et surtout impardonnables.

Cela s'appelle parler pour ne rien dire. Pourtant si, me semble-t-il, puisque M. Djeraba s'est donné quand même la peine de nous rappeler "ses écrits" qui doivent être assurément d'un goût tout aussi douteux.

On ne saurait mieux comprendre à présent la faillite de l'État algérien conduit, depuis maintenant un demi-siècle, par des dirigeants de cette espèce, heureusement en voie d'extinction définitive.

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