Le Congrès palestinien tourne à des affrontements

Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, qui avait sans doute cru qu'en tenant le crachoir durant plus de deux heures devant les congressistes du Fatah il allait modeler à sa manière la tournure des travaux, a finalement obtenu l'effet inverse.

Les congressistes, s'ils ont été suffisamment sages et calmes pour l'écouter, ont vite compris le sens caché du discours fleuve. Et ils n'ont pas tardé à l'exprimer fortement, quitte à déstabiliser Abbas.

Ils ont exigé des comptes et des bilans financiers, tout particulièrement de la gestion postérieure à celle d'Arafat, donc d'Abbas. Ils veulent savoir notamment où est passé tout l'argent recueilli des Arabes et de la diaspora. Trop d'accusations directes avaient déjà pointé du doigt, de façon récurrente, les principaux dirigeants palestiniens, dont l'enrichissement rapide n'est plus un secret pour personne. La veuve même d'Arafat a été longtemps traînée dans la boue à la suite des révélations portant sur la fortune considérable laissée par son mari.

Quand on sait, de plus, que la révolution palestinienne est elle-même minée de l'intérieur par les divisions qui l'atteignent mortellement, le Hamas d'un côté et le Fatah de l'autre, le monde finit par se demander ce qu'il adviendrait de la Palestine si elle réussissait un jour à fonder un Etat.

Aussi, les congressistes ont-ils beaucoup de pain sur la planche, et rien n'assure qu'ils concluront leurs travaux par des résolutions positives et susceptibles de ramener l'union et la fraternité.

Au cinquième jour de la rencontre, les travaux ont pris fin avec la réélection de Mahmoud Abbas à la tête du mouvement Le Fatah.

Le président du Fatah s'est déclaré disposé à : "libérer la terre de Palestine et son peuple de l'occupation israélienne". "Nous avons commencé la bataille et nous la finirons par la création d'un Etat indépendant", a-t-il ajouté.

Les délégués se sont affrontés tout particulièrement sur la gestion opaque du parti, tout au long de ces vingt dernières années. Nombre d'entre eux exigeaient un bilan financier que les dirigeants n'auront pas pu leur donner. Les accusations de corruption, qui ont plané sur les travaux, ont empêché l'analyse dans le fond de la situation politique et sociale dramatique qui est celle du peuple palestinien, divisé désormais en deux parties, l'une en Cisjordanie sous la coupe du Fatah, l'autre à Gaza entre les mains du Hamas.

Aussi, toutes les résolutions prises s'inscrivent-elles sans doute dans une espèce de simple formulation ne s'appuyant sur rien de tangible.

Apparemment, les 2000 congressistes n'étaient là que pour se donner en spectacle. Comment d'ailleurs en pouvait-il être autrement, puisque, en grand nombre, ils se sont présentés dans des voitures noires et rutilantes, payées avec l'argent du contribuable ou offertes par des Etats, arabes ou occidentaux, à seule fin de jouer aux dandys devant leurs milliers de concitoyens affamés ou vivant carrément dans la rue.

Il y a, en fait, belle lurette que la révolution palestinienne a été dévoyée. Le coeur des militants n'est pas dans la lutte pour libérer leur pays et construire leur Etat, mais dans la recherche de biens matériels et ostentatoires, comme en a témoigné la veuve de Yasser Arafat, qui a préféré, depuis longtemps, opter pour la nationalité tunisienne, pour préserver l'héritage matériel de son défunt mari.

Boumedienne l'a d'ailleurs dit un jour à sa façon : "Lorsque les juifs de Palestine s'activaient à faire main basse sur les terres palestiniennes, parfois à vil prix, les Palestiniens, eux, passaient leur temps à danser et à s'amuser." Et c'est pour cela que les Arabes eux-mêmes paraissent si désabusés de soutenir une révolution morte en réalité depuis des lustres.