Le monde se délecte des fanfaronnades de Sarkozy

Mercredi, devant des parlementaires de la droite mais aussi de la gauche, Sarkozy a tenu des propos étrangement discourtois à l'endroit de ses collègues Obama, Merkel, Zapatero et même Barroso.

Ces propos rapportés par le journal Libération du lendemain ont à présent fait le tour des capitales occidentales pour y susciter l'étonnement, le choc et parfois la consternation. The New York Times reproche au président français de « se vanter et descendre ses homologues. Dans le monde de Sarko, le président Obama est faible, inexpérimenté et mal conseillé, Angela Merkel n'a pas compris les problèmes économiques de son pays… » Pour The Guardian de Londres, Sarkozy s'est "surpassé", lui qui "avait déjà irrité ses homologues avec sa vantardise, les avait épuisés avec son hyperactivité et offensés avec sa tendance à envoyer des textos lors des réunions". Le Telegraph estime de son côté que Sarkozy « n'est pas connu pour son tact » ; il possède déjà « une réputation de grossièreté ». The Times craint lui "la fin de la lune de miel franco-américaine". Il considère que « Sarkozy est irrité par l'adulation dont jouit un dirigeant américain sans expérience, dont la popularité a éclipsé sa réputation de sauveur du monde ». En Espagne, El Periodico n'y va pas avec le dos de la cuillère. Il déplore « le caractère fanfaron » du président français.

Contre cette levée de boucliers l'Elysée, sans contester le reste, s'est contenté de nier les propos tenus par Sarkozy à l'endroit de Zapatero, tout particulièrement. Ce dernier « n'est peut-être pas très intelligent. Moi j'en connais qui étaient très intelligents et qui n'ont pas été au second tour de la présidentielle », aurait dit de lui le président français, qui a visé en même temps Lionel Jospin. Poussant le bouchon plus loin, Sarkozy aurait ajouté : « dans ma carrière politique, j'ai souvent battu des gens dont on disait qu'ils étaient plus intelligents et avaient fait plus d'études que moi. » Enfin, Barroso "brillerait surtout par ses absences" aurait également lancé Sarkozy, à l'endroit de ce commissaire européen.

Ségolène Royal, après avoir tout récemment présenté, à Dakar même, des excuses au nom de son pays pour l'excès de langage attribué à Sarkozy, lors de son discours de 2007 où il avait manqué de respect aux Africains, en présente de nouvelles à l'Espagne. Les propos tenus par le président français, lors du déjeuner de mercredi dernier à l'endroit de Zapatero, sont qualifiés "d'injurieux" par l'ancienne candidate malchanceuse aux élections présidentielles de mai 2007.

Ségolène Royal prend soin d'ajouter que « ces propos n'engageaient ni la France, ni les Français ».

Stigmatisant la conduite de Nicolas Sarkozy, la présidente de Poitou-Charentes a tenu à lui faire observer que : « exercer le mandat de Président de la République impose un devoir de maîtrise de son langage et de son comportement afin de ne pas porter aux intérêts de la France ».

Les déclarations de Royal ont évidemment immédiatement entraîné une multitude de protestations indignées de représentants de l'UMP mais aussi de membres du gouvernement.

Prenant sa défense, Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, a déclaré sur les ondes de Canal+ : "Oui, c'est comme ça qu'il parle, en effet, il est vivant, il est jeune et vivant, ça fait une différence".

"Qu'a-t-il voulu dire ? Il a dit 'M. Zapatero vient de supprimer la publicité à la télévision, il n'est peut-être pas intelligent - il parlait de lui en réalité -, mais il l'a fait aussi", a poursuivi Bernard Kouchner. "C'est une façon de dire qu'il est intelligent ; il a été élu deux fois, et il vient de supprimer la publicité à la télévision", a ajouté Bernard Kouchner. "Comment voulez-vous que le président de la République ait pu proférer autre-chose, il s'entend merveilleusement avec M. Zapatero", a encore ajouté le ministre des Affaires étrangères.

Il faudrait peut-être demander à Bernard Kouchner ce qu'il appelle "jeune". Autant que l'on sache Sarkozy est déjà un barbon avec ses cinquante ans environ. Faudra-t-il attendre qu'il ait atteint soixante-dix ou quatre-vingts ans pour le ranger parmi les hommes mûrs ? Cette espèce de brosse qu'il passe aussi effrontément sur le président de la République sonne en réalité comme une espèce de désaveu de son langage grossier et fanfaron.

Laurent Joffrin, le directeur de Liberation, s'est fendu d'un éditorial qui met les pendules à l'heure, au sujet de la révélation par ses journalistes des propos tenus par Sarkozy lors du déjeuner offert mercredi dernier à des parlementaires.

Ci-après l'éditorial, tel que publié par le journal.
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"Vérité

Nous maintenons. Intégralement.

Contrairement à ce qu’affirme l’Elysée, relayé par quelques comparses, notre compte rendu des propos tenus la semaine dernière par Nicolas Sarkozy sur ses homologues étrangers était rigoureusement exact. Nos deux journalistes, Matthieu Écoiffier et François Wenz-Dumas, ont recueilli les confidences de plusieurs députés présents. Ils ont ensuite recoupé leurs informations et publié un article complet et nuancé. Dès le premier jour, ils indiquaient que le président français n’avait pas insulté d’autres chefs d’Etat, mais porté des jugements à l’emporte-pièce sur leur personnalité, ce qui n’est pas la même chose. Il a usé d’ironie à l’égard de José Luis Zapatero ; cette ironie a été prise au premier degré par la presse espagnole. C’est la véritable origine de l’affaire.

En fait, tout cela nous renvoie au style présidentiel. Nicolas Sarkozy est coutumier de ces propos brusques et peu diplomatiques. Son indifférence à la langue de bois a quelque chose de réjouissant, d’autant qu’il touche souvent juste. Le président français est un enfant de la télé : il a intégré les codes de la transparence-spectacle inaugurée par l’émission Loft Story, avec la même dose de candeur dérangeante et de mise en scène calculée. Nicolas Sarkozy s’est débarrassé il y a longtemps de son surmoi. Il joue de cette spontanéité avec beaucoup de maîtrise. Il y a décidément du Berlusconi dans cet homme-là : il suffit de le savoir.

Plus inquiétant, au fond, est le comportement d’une partie des médias français, rangés à la moindre escarmouche sous la bannière élyséenne. Manifestement, pour ces journalistes vassaux, un démenti de l’Elysée vaut certificat de vérité. Ceux-là confondent depuis longtemps information et soumission, rentrant dans leur niche à la première admonestation du maître pour aboyer avec zèle non contre le pouvoir, mais contre ceux qui ont le front de le critiquer.

Nous préférons notre manière : approuver Sarkozy dès lors que son action nous paraît juste, le contredire dans le cas inverse. Nous continuerons."

En fait, les relations entre Joffrin et Sarkozy n'ont pas toujours été très cordiales. La vidéo suivante rappelle quelques échanges suffisamment éloquents pour ne pas dire ombrageux...